• Certains lecteurs me disent que je ne parle que du positif. Ils ont un peu raison. J’ai eu envie pour cela de me pencher aujourd’hui sur le verbe « se plaindre ». Voyons ce que donnera notre recherche.

    Pour parler de « se plaindre », il faut commencer avec le verbe « plaindre » tout court, qui est déjà beaucoup plus positif, justement. Car plaindre quelqu’un en particulier, c’est en quelque sorte participer à ses problèmes, ses déboires, ses souffrances. Plaindre un ami, un frère, une personne chère ou même un inconnu, c’est avoir de la compassion pour lui. Cela veut dire que nous sommes attentifs à ce que vivent les autres et que nous leur souhaitons sans doute tout le bien du monde, ou au moins une situation meilleure qu’à présent. Plaindre quelqu’un c’est déjà désirer sans doute pour lui une solution, un avenir différent. C’est le début d’une action qu’on peut inventer pour des personnes dans le besoin. C’est une prise de conscience qui peut devenir extrêmement positive si elle n’en reste pas à quelques beaux sentiments ou quelques belles paroles.

    Mais venons-en à notre verbe « se plaindre ». On voit tout de suite la différence. Plaindre l’autre, c’est le mettre au centre de nos attentions, tandis que se plaindre, c’est se mettre soi-même au centre de l’attention universelle, demander, supplier nos proches ou le monde entier de se pencher sur notre triste sort. Mais de quoi se plaint-on généralement ? De tout sans doute, en tous cas de tout ce qui ne va pas dans notre vie. On peut se plaindre d’un mal de tête, d’un problème de santé ou d’argent. On se plaindra plus souvent encore des autres, de son voisin, d’un collègue ou du directeur du travail, de quelqu’un de sa propre famille, ou même d’un ami cher qui semble nous avoir oubliés ou trahis. On se plaindra de la situation générale du pays ou du gouvernement ou bien simplement du temps, d’un imprévu, d’un accident…

    Et comment se plaint-on ? Par des mots bien sûr, mais aussi par le ton de la voix, parfois même par un peu de théâtre, des expressions exagérées, des larmes peut-être. Quand on se plaint, c’est qu’on veut en quelque sorte obliger son interlocuteur à se pencher sur notre situation. Il y a donc tout de même un aspect positif à la plainte, c’est la recherche d’une relation qui pourra nous donner consolation ou réconfort. Cela peut paraître sans doute un peu égoïste, mais c’est aussi la marque d’humilité de quelqu’un qui sent qu’il ne s’en sortira pas tout seul et qui appelle à l’aide.

    Mais ce qui gêne dans une personne qui passe son temps à se plaindre, c’est qu’en général elle continue à s’attarder sur son passé, sur ce qui lui est arrivé jusqu’à présent, comme si elle était condamnée à porter ce poids tout le reste de sa vie. Alors que faire ? Ne pas regarder en face les problèmes qui nous accablent ? Evidemment non. C’est toujours mieux d’appeler les choses par leur nom. Et si la situation ne va pas, il est inutile de dire que tout va très bien dans le meilleur des mondes. Mais « se plaindre » risque d’être toujours une réaction statique qui n’aide pas à regarder plus loin. Au lieu de se plaindre, on ferait mieux certainement de chercher une solution, de prendre le problème à bras le corps et de tâcher de le résoudre.

    Mais ce qui est pire lorsqu’on se plaint, c’est quand on se plaint de quelqu’un derrière son dos. Combien de fois tombons-nous dans le piège de chercher ainsi un allié qui nous comprenne pour nous consoler de tous ceux qui ne nous comprennent pas. Nous allons peut-être y trouver une petite consolation provisoire, bien mesquine, mais nous allons élargir encore plus le fossé avec ceux avec lesquels la relation ne va plus. Nous aurons trouvé quelques amis d’un moment, mais nous aurons peut-être perdu nos anciens amis, notre propre famille, pour toujours. Alors plutôt que de se plaindre à quelqu’un d’une troisième personne qui n’est pas là, il vaut certainement mieux prendre son courage à deux mains et aller trouver la personne qui nous cause un problème, en tâchant de croire que ce qui s’est passé de négatif hier pourra certainement être dépassé dès aujourd’hui et pour demain. Se plaindre, c’est rester écrasé par le passé, cela est presque toujours inutile et malfaisant.

    Alors où en sommes-nous ? Je me suis plaint avec vous de tous les gens qui se plaignent ? Je suis tombé moi aussi dans le piège ? J’espère que non. Ce qui est sûr c’est que ces gens sont bien à plaindre. Mais qui suis-je maintenant pour les juger ? Je devrais être à leur place pour les comprendre. Mais au moins je peux essayer de participer à leur souffrance et, si j’ai la chance d’avoir rencontré sur ma route des personnes qui m’ont aidé à avoir un regard plus positif, ce n’est certainement pas pour juger les autres, mais pour partager ma découverte avec le plus de gens possible. Chacun de nous a sans doute fait souvent cette belle expérience.

     

     

    Citations

    (du site mon-poeme.fr)

    « Le prodigue de son temps est bien plus à plaindre que celui qui l'est de son argent. »
    Citation de (
    Sénèque)

    « On se lasse de plaindre ceux qui se plaignent toujours. »
    (
    Pierre-Claude-Victor Boiste

    « Qui ne plaint personne ne mérite pas qu'on le plaigne. »
    (
    Pierre-Claude-Victor Boiste)

    « Cessez donc de gémir, de vous plaindre, sans jamais agir ; 
    Vivez vos moments présents, comme votre ultime instant. »
    (
    Maxalexis

    « Si avec les peines endurées ici-bas, nous étions immortels, nous serions les êtres les plus à plaindre. »
    (
    Stanislas Leszczynski)

    « Le droit que nous avons de nous plaindre de quelqu'un nous ôte le pouvoir de le juger. »
    (
    Jean-Jacques de Lingrée)

    « Nul ne peut se flatter de n'avoir jamais donné à personne de justes sujets de se plaindre. »
    (
    Jean-Jacques de Lingrée)

    « On se plaint de la brièveté de la vie, et tous nos efforts tendent à la passer brièvement. »
    (
    Françoise d'Aubigné)

    « Plaindre un malade, ce n'est pas le blâmer. »
    (
    Pierre Choderlos de Laclos)

    « Beaucoup se plaignent que le ciel est trop loin ; mais la terre est plus loin de l'homme que le ciel. »
    (
    Adam Mickiewicz)

    « Toujours plaindre quelqu'un est le meilleur moyen d'augmenter sa faiblesse et sa paresse. »
    (
    Aivanhov)

    « Se plaindre sans amertume est le propre du paresseux. »
    (
    Samuel Johnson)

    « Plains les méchants, pour avoir le courage de t'occuper d'eux ».
    (
    Anne Barratin)

    « Qui ne veut que haïr ne veut pas qu'on le plaigne. »
    (
    Prosper Jolyot de Crébillon)

    « Alors qu'on se sait plaint, c'est presque un plaisir que de souffrir. »
    (
    Paul Léautaud)

    « Certains nous plaignent avec tant d'entrain et de conviction qu'on ne sait plus comment les remercier. »
    (
    Charles Régismanset)

    « Ceux qui se plaignent le plus, sont ceux qui sont le moins à plaindre. »
    (
    Benjamin Franklin)

    « Si l'on plaint d'un vieillard le sort infortuné, on plaint également l'enfant abandonné. »
    (
    Jean-François Ducis)

    « Cessez donc de vous plaindre de la société, vous n'y changerez rien ! »
    (
    Alphonse Karr)

    « Quand quelqu'un nous plaint, il soulage nos maux. »
    (
    Miguel de Cervantès)

    « On trouve peu de personnes qui ne se plaignent de leur condition, bien qu'elle paraisse douce. »
    (
    Saint Vincent de Paul)

    « Ceux qui ne rêvent pas sont bien à plaindre. »
    (
    Marie-Claire Blais)

    « Tout le monde ne peut pas avoir une femme qui se débrouille et ne se plaint jamais. »
    (
    Alice Parizeau)

    « Les hommes ont toujours du plaisir à se plaindre. »
    (
    Carbon de Flins des Oliviers)

    « On ne devrait jamais se plaindre, il y a toujours pire. »
    (
    Jacques Chardonne)

    « Le mariage : liaison d'amour ou on se plaint généralement l'un de l'autre. »
    (
    Alphonse Karr)

    « Se plaindre de mourir, c'est se plaindre d'être homme. »
    (
    Jean de Rotrou)

    « Je plains l'homme accablé du poids de son loisir. »
    (
    Voltaire)

    « Attachez-vous à la vertu, vous n'aurez pas à vous plaindre de la fortune. »
    (
    la sagesse populaire)

    « Chacun dans son ennui envie un autre humain qui se plaint comme lui. »
    (André Chénier) 

     



     


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  • Elle est sympathique cette expression, pleine de sagesse populaire : « plus de peur que de mal ». Et c’est vrai que la peur n’est qu’un sentiment qu’on peut en principe toujours dépasser. La peur n’est pas un mal en soi. Elle vous arrive souvent à l’improviste, sans toujours qu’on sache pourquoi, mais elle est toujours aussi une belle occasion de réfléchir à ce qui nous arrive et d’agir en conséquence.

    Ce qui est sûr c’est que la France a peur en ce moment. Moi qui ne vais en France qu’une fois par an pour quelques jours, j’ai été frappé et désorienté cette année, lors de ma récente visite, de voir les proportions de cette crise qui a risqué de paralyser presque tout le pays, une panique qui a failli le pousser à tirer des conclusions étranges, au risque de renier toute une tradition démocratique qui fait quand même notre fierté.

    Mais finalement la France a eu peur d’avoir peur et elle a compris que tout cela était un piège et qu’il ne servait à rien de s’agiter à ce point. La peur a tout de même bien des aspects positifs, elle oblige à regarder en face certaines réalités qui dérangent, à appeler les choses par leur nom : si au moins on pouvait en tirer des conséquences positives.

    Mais, une fois passé le moment difficile, ne pensez-vous pas qu’on doit prendre tout cela comme une belle leçon, une leçon de vie ? La peur d’une catastrophe écologique a tout de même poussé les gouvernants du monde entier à être un peu plus sages pour résoudre les problèmes de l’environnement. Mais l’environnement n’est que notre habitation planétaire, les habitants ne sont-ils pas plus importants que la maison ? Le moment n’est-il pas venu de réaliser des changements concrets dans les relations entre les hommes pour que notre vie ensemble devienne plus harmonieuse ? Ou bien allons-nous nous contenter de nous replier sur nous, sur nos peurs et nos angoisses ? Les terroristes et les marchands d’armes, qui sont alliés par intérêt stratégique, n’attendent que cela : paralyser l’humanité, la faire tomber dans ce piège mortel où ils pourront continuer à se jouer de nous autant qu’ils le voudront.

     

    Alors espérons simplement que nous en resterons là et qu’on pourra vraiment dire à la fin : « plus de peur que de mal. » L’humanité est trop belle pour qu’on gâche encore son avenir comme on a failli gâcher son présent. Et si elle a su se relever de deux guerres mondiales qui l’ont poussée au bord du précipice, on peut quand même croire qu’il y a encore assez de bon sens en chaque personne et surtout en chaque peuple pour inventer des lendemains un peu plus attrayants.


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  • Les « grands » de ce monde viennent de signer un accord « historique » sur le climat et l’avenir de notre planète. Il était temps et on espère, bien sûr, que ces belles signatures sur le papier seront suivies d’actions concrètes sur le terrain.

    Ce qui est sûr c’est que tout le monde avait intérêt à signer. Parce qu’on ne peut pas tricher avec la nature. On ne peut pas dire de mensonges, essayer de camoufler la vérité, faire des arrangements secrets, se faire des alliés par la corruption ou la menace. La nature restera toujours elle-même, on ne peut pas la faire changer par des pressions ou des chantages. 

    Et la vérité qui s’est finalement imposée, c’est que nous sommes tous interdépendants avec la nature. Personne ne pourra jamais s’en tirer tout seul. Les catastrophes climatiques ne dépendent pas de la puissance ou de la richesse d’un pays, encore moins de sa politique. Ou bien l’humanité se prépare des jours encore plus sombres, pour tout le monde, ou bien on arrivera, tous ensemble, à s’en sortir, au moins pour ce qui peut encore être sauvé ou atténué.

    Belle leçon que la nature nous donne ! Mais pourquoi n’écoutons-nous pas la leçon de la nature humaine ? On pense encore organiser des conflits dans certaines parties du monde et rester en paix tranquille dans son coin ? On pense se trouver des alliés puissants pour se protéger des dangers de ses voisins ? Mais quand comprendrons-nous qu’un jour ou l’autre nous devrons faire des accords globaux sur le commerce des armes, sur les transactions financières, sur le partage des richesses, comme nous l’avons fait sur le climat ? Vouloir camoufler la vérité pour je ne sais quels intérêts égoïstes provisoires ne sert qu’à retarder l’échéance : ou bien s’entendre, tous ensemble sans exception, dans une vrai partage de justice, ou bien aller droit vers une catastrophe qui risque de ne plus jamais pouvoir être maitrisée.

    Et dire que nous avons ces instruments, tout prêts pour nous servir : l’organisation des Nations Unies avec tous ses services annexes, pour le développement, la paix, la justice, la santé, l’environnement… qui font déjà un merveilleux travail. Mais pourquoi ne laisse-t-on pas les Nations Unies travailler sérieusement dans la sérénité au service de tous ? Pourquoi y a-t-il encore des pays qui se croient si importants qu’ils doivent eux décider et agir à la place de ces organismes internationaux ? Pourquoi y a-t-il encore tellement d’injustices flagrantes dans ce monde, sources de conflits interminables et de terrorisme, des injustices que tout le monde connaît mais que la plupart font semblant de ne pas voir et de ne pas comprendre ? Comme ce sera beau lorsque l’homme sera enfin capable d’écouter sa nature profonde qui crie dans le chaos, comme il a été capable d’écouter la nature de la terre où il habite. Les générations futures nous demanderont compte de tout ce temps perdu à faire comme si chacun pouvait faire ce qu’il voulait sans tenir compte des autres. Pour gagner la bataille de l’humanité il faut avoir le courage de se mettre enfin d’accord sans attendre.

     

     


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  • Au début du mois j’ai publié quelques proverbes africains dans notre rubrique « des mots pour de bon ». J’en publierai, de temps en temps, d’autres parties du monde.  Cela fait tellement de bien. Cela fait voir la beauté et la richesse de chaque peuple. Si, avant de critiquer ou de juger un peuple, on savait écouter sa sagesse millénaire ! Comme l’humanité est belle dans ses peuples et dans leur diversité ! Vous avez remarqué que les problèmes, les conflits, ne sont en fait presque jamais avec des peuples, mais avec des gouvernements qui, par intérêt, ont détourné la beauté et la vie de leur peuple pour je ne sais quel désir de pouvoir et de richesse qui finit par tout détruire sur son passage ? Combien l’Afrique serait belle si on l’aidait à être elle-même au lieu de continuer à l’exploiter sans conscience !

    Mais revenons à nos proverbes. J’en ai retenu ici seulement quelques-uns qui m’ont frappé ou même ému plus que d’autres. Laissons-nous conduire, entraîner et rêver en même temps.

    On ne peut pas peindre du blanc sur du blanc, du noir sur du noir. Chacun a besoin de l’autre pour se révéler.

    Si tu veux aller vite, marche seul mais si tu veux aller loin, marchons ensemble.

    Combien notre individualisme occidental aurait besoin de revenir à une telle vision des choses ! Mais je sens que la France est en train de changer depuis que tellement d’Africains sont devenus Français : on dirait qu’il y a plus de simplicité et de spontanéité dans les rues, les magasins…

    Une de nos armes les plus puissantes est le dialogue.

    Le dialogue véritable suppose la reconnaissance de l’autre à la fois dans son identité et dans son altérité.

    Au lieu d’aller vendre des armes en Afrique, on ne ferait pas mieux d’apprendre à dialoguer sincèrement, c’est-à-dire à traiter d’abord l’autre pour ce qu’il est et non pas pour ce que nous voudrions qu’il soit ?

    Pour qu’un enfant grandisse, il faut tout un village. 

    Toute naissance est la renaissance d’un ancêtre.

    Je suis touché, ces dernières années, de voir, quand je retourne en France, une véritable explosion positive de la vie associative, culturelle, sociale. Avons-nous trouvé finalement un début de remède à notre individualisme ? C’est si beau de se rappeler que nous sommes tous le fruit de notre relation avec les autres. Que serions-nous aujourd’hui si nous n’avions pas rencontré sur notre chemin tous ces gens, même ceux qui nous ont peut-être fait souffrir, mais qui ont ouvert nos yeux presque chaque fois sur de nouveaux horizons, sans oublier bien sûr ceux qui nous ont donné la vie et nous ont précédés ?

    Les défauts sont semblables à une colline, vous escaladez la vôtre et vous ne voyez que ceux des autres.

    Aussi longtemps que les lions n’auront pas leur historien, les récits de chasse tourneront toujours à la gloire du chasseur.

    L’erreur n’annule pas la valeur de l’effort accompli.

    Quel humour dans cette sagesse qui éviterait bien des jugements ou des condamnations hâtives, si nous savions relativiser un peu nos points de vue !

    Si tu es riche mais point généreux, c’est comme si tu n’avais rien.

    L’argent est bien, mais l’homme est meilleur, parce qu’il répond quand on l’appelle.

    Là aussi un humour raffiné qui fait sourire, pour remettre en place gentiment notre poursuite frénétique de l’argent et des biens matériels, alors que tant de personnes sont là à tendre la main pour nous proposer de partager un bout de chemin avec eux et nous ne les voyons même pas, occupés que nous sommes à d’autres préoccupations bien terre à terre.

    On ne tire pas sur une fleur pour la faire pousser. On l’arrose et on la regarde grandir…patiemment.

    Le chien a beau avoir quatre pattes, il ne peut emprunter deux chemins à la fois.

    La nuit dure longtemps mais le jour finit par arriver.

    Pas besoin de commenter ces vérités si évidentes et que nous oublions pourtant tous les jours.

    L’espoir est le pilier du monde.

    La persévérance est un talisman pour la vie.

    Lorsque tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens.

    Là où notre monde semble parfois complètement perdu, en proie à une sorte de panique globale, nous ferions bien d’écouter la voix de ces frères et de ces sœurs qui vivent en conditions souvent si difficiles et qui continuent à aller de l’avant, car ils croient en la vie, envers et contre tout.

     

     


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  • Provocation ? Bien sûr ! Et pourtant c’est souvent la triste réalité. Il y a quelques années, j’ai eu la joie de passer trois mois en Afrique du Sud, un pays merveilleux que je n’oublierai jamais, mais qui porte encore les cicatrices de l’apartheid, cette discrimination entre blancs et noirs qui a attisé la haine pendant si longtemps. L’apartheid est terminé, au moins officiellement, mais on ne peut pas dire que la méfiance soit finie partout. Ainsi, dans beaucoup d’endroits, les blancs, qui sont minoritaires, ont peur. Et qui dit peur dit redoublement des mesures de sécurité. A Johannesburg, dans les quartiers où vivent la majorité des blancs, leurs habitations, leurs villas, sont de véritables forteresses aux murs très élevés, protégées par des systèmes d’alarmes sophistiqués pour décourager les éventuels voleurs d’essayer d’entrer, car en deux minutes ils seraient rattrapés par des agents de sécurité armés jusqu’aux dents… C’est à peine si j’osais m’aventurer tout seul dans la rue ; mes amis m’avaient dit qu’en tous cas il n’était pas prudent de se promener avec trop d’argent dans la poche. A côté de cela, j’ai passé trois mois, loin des grandes villes, dans une petite cité de campagne au milieu de la brousse : nous y étions six blancs sur 80.000 habitants. Ils savaient que les blancs, c’étaient les gens de « la mission », pas de problèmes pour circuler tout seul dans les rues, dans les champs, au milieu de la campagne. Quand je rencontrais quelqu’un on échangeait de grands sourires : « Good morning, mama ! » « Good morning, papa ! » ou bien « Doumela », le salut en langue tswana. Pas de problèmes majeurs de sécurité lorsqu’on est bien intégré à la population avec une relation de confiance.

    Car le problème n’est pas la sécurité, le problème c’est la peur, la méfiance, les expériences négatives qu’on a accumulées au long des années, qui font que des barrières psychologiques se sont élevées avant même les barrières de sécurité. On n’aura donc jamais de véritable sécurité en multipliant les contrôles ou en érigeant des murailles toujours plus grandes pour nous protéger. La seule sécurité véritable se trouve dans l’harmonie des relations entre voisins. Si vous en connaissez une meilleure, expliquez-la moi.

    Il ne s’agit évidemment pas d’être naïf ou imprudent. Lorsqu’on craint en particulier les menaces de fous ou de criminels, il faut bien demander à la police de nous protéger. Mais là où la situation dégénère, c’est lorsqu’on considère tout un peuple, toute une catégorie de la population comme des fous ou des criminels. Cela, c’est de la propagande, basée toujours sur la peur, de la propagande pour gagner aux élections, pour vendre encore plus d’armes « dissuasives », avant de devenir des armes « agressives ». La sécurité liée à la peur ne résoudra jamais les conflits. Lorsqu’il y a un problème sérieux avec un pays voisin, avec une catégorie de personnes différentes qui ont du mal à s’intégrer avec nous, il faut prendre ses responsabilités. Il faut créer des ponts avec ces personnes, il faut devenir amis avec leurs responsables. Il faut toujours chercher chez l’autre ceux avec qui on peut se comprendre, et on en trouvera toujours si l’on a un peu de bonne volonté.

    On oublie que la peur est toujours réciproque. Si j’ai peur de l’autre, c’est que lui aussi a peur de vivre avec moi, ou à côté de moi, même s’il dit que ce n’est pas vrai. Quelle libération lorsqu’un des deux fait le premier pas et réussit à convaincre l’autre qu’il fait bon vivre ensemble pacifiquement ! Cet exercice est le seul qui ait sauvegardé jusqu’ici le Liban, par exemple, malgré toutes les tentatives intérieures et extérieures de déstabilisation. La sécurité par les armes n’a jamais résolu tous les problèmes. Il faudrait vraiment réfléchir à quel projet nous voulons nous accrocher si nous espérons encore en un monde plus fraternel pour les années à venir…

    La sécurité ne sera donc jamais la solution. Elle pourra être tout au plus un remède, et un remède provisoire, comme on en prend lorsqu’on est malade. Personne ne pensera jamais que les antibiotiques sont la solution pour avoir une bonne santé. Pourtant il faut bien en prendre quelquefois lorsque la maladie est trop forte. Mais on retrouvera ensuite la santé avec une alimentation saine, un rythme de vie plus adapté, le contact avec la nature et mille manières de trouver une harmonie dans la vie de tous les jours.

     

    Pour la sécurité, c’est la même chose. Penser que la sécurité sera la solution veut dire décider définitivement que notre société est malade et qu’elle ne se remettra jamais de sa maladie. C’est vrai qu’il y a des gens malades dans chaque pays, malades au niveau psychologique surtout. Mais nous allons nous laisser conditionner par une minorité de malades ? Nous ne sommes pas capables de nous organiser et de prouver au monde que l’on peut vivre avec des relations de confiance réciproque qui font respirer, et auxquelles tout le monde aspire au fond de lui-même ?


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