• « Puis prenant une coupe et rendant grâces, il la leur donna et ils en burent tous. Et il leur dit : ‘Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, répandu pour la multitude’. » ( Mc 14,23-24)

    Cette phrase extraordinaire fait suite à celle que nous avons à peine méditée il y a deux jours : « Prenez, ceci est mon corps. » Un Dieu qui se donne à nous pour toujours, sans aucune réserve.

    Que dire devant une telle générosité infinie ? Pour être le plus bref possible, j’ai pensé m’arrêter cette fois-ci sur un simple petit verbe, auquel on ne prête pas toujours une attention suffisante : c’est le verbe « répandu ». Le sang de Jésus qu’il nous donne dans le miracle du vin, est « répandu » pour nous, là aussi pour toujours.

    Or, on sait que le verbe « répandre » a deux sens bien différents et souvent opposés. Car « répandre » l’eau ou la lumière bienfaisante là où elle manquait est infiniment positif, tandis que « répandre » partout par terre, par exemple, un trésor que l’on avait en mains un instant plus tôt est terriblement négatif, cela veut dire, tout simplement, l’égarer, le perdre pour ne plus le retrouver.

    C’est là le dilemme de la générosité et de l’amour humains. Pour donner et se donner, on doit en quelque sorte « se répandre ». On ne peut plus jamais se posséder, on ne peut plus se cacher, on ne peut plus rester tranquille dans son coin. Etre les disciples d’un Dieu qui s’est « répandu » de tout son cœur et de tout son être pour nous combler de son amour immense, cela veut dire qu’à notre tour, nous devons accepter consciemment de ne plus nous appartenir, d’être à la merci d’une humanité qui peut accueillir avec joie notre amour, mais qui peut aussi bien le trahir, le salir, le refuser, se moquer de nous…

    Demandons à Jésus de nous donner la force et la liberté d’être comme lui, comme cette lumière et cette eau bienfaisantes qui n’ont plus d’autre but que de « se répandre » par amour pour nos frères et sœurs en humanité. Car l’eau et la lumière qui sont salies ou détournées restent toujours l’eau et la lumière, à condition qu’elles continuent à se régénérer à chaque instant à la source divine. Alors, nous n’avons plus à avoir peur d’être mal compris, d’être maltraités, d’être repoussés, car nous portons en nous-mêmes pour toujours le bonheur et la joie de nous laisser transporter par ce courant céleste qui est descendu sur terre il y a deux mille ans et qui ne cesse de « se répandre » pour ceux, au moins, qui savent l’accueillir… et même pour les autres, même s’ils ne le savent pas.

     

     

     


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  • « Pendant le repas, Jésus prit du pain, prononça la bénédiction, le rompit et le leur donna, en disant : ‘Prenez, ceci est mon corps.’ » ( Mc 14,22)

    Que dire devant une phrase pareille que l’on entend chaque fois que l’on participe à une messe? Un Dieu qui nous dit, en toute simplicité : « Prends-moi et mange-moi ! »…

    Nous sommes peut-être tellement habitués à écouter cette phrase qu’elle fait partie de notre paysage vital et nous ne nous laissons même plus surprendre.

    Alors, je voudrais vous proposer aujourd’hui de vous arrêter un instant devant ces mots qui ont quelque chose de magique, et de vous laisser émerveiller avec moi et émouvoir. Car, sinon, cela voudrait dire que toute notre vie va se passer à côté d’un trésor immense, nous allons continuer à nous plaindre d’une foule de problèmes quotidiens et nous n’allons même pas voir qu’un Dieu s’est arrêté tout humblement sur le seuil de notre porte et nous dit : « Prenez-moi et mangez-moi ! »

    Il ne nous pose même pas de conditions, comme nous le faisons, nous, lorsque nous confions un trésor à quelqu’un : fais-y bien attention, ne le casse pas, conserve-le dans un endroit qui soit sûr, ne le donne pas à n’importe qui. Non, on dirait que Jésus sait déjà qu’on va le maltraiter, on va le manger et l’oublier, on va le laisser pénétrer en nous et le trahir tout de suite, comme si on n’avait jamais entendu ses paroles.

    C’est la liberté totale d’un Dieu qui n’a pas peur d’être sali dans la boue humaine, qui continuera à nous aimer et à nous tirer de l’obscurité, même si nous faisons le contraire de ce qu’il nous a conseillé.

    Mais quelle liberté nous pouvons expérimenter à notre tour lorsque nous sommes capables, au moins un peu, de nous laisser « manger » nous aussi par les gens que nous rencontrons, sans condition ! Quelle liberté lorsque nous cessons finalement de faire des calculs dans notre amour, en prétendant que l’autre soit bon avec nous comme nous avons été bons avec lui.

     

    Combien de fois par jour ne disons-nous pas ou ne pensons-nous pas au moins : chaque fois que j’aime quelqu’un, il profite de ma bonté et de ma faiblesse ! Le jour où tout cela nous sera indifférent, alors les gens viendront à nous tout simplement, car ils pourront finalement expérimenter avec nous que la seule liberté sur cette terre est de se laisser prendre et manger par nos frères et sœurs en humanité sans plus avoir peur des conséquences. Cela vaut vraiment la peine d’essayer…


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  • « Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux celui qui le livre ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né. » (Mc 14,21)

    Cette phrase est tellement tristement célèbre : ce sont les mots prononcés par Jésus à propos de Judas qui est en train de le trahir. Des mots terribles que je ne voudrais pas analyser pour le moment. Il y a tant de théologiens qui se sont penchés sur le cas de Judas, pour voir si, malgré ces mots, on pourrait encore espérer que Judas, au dernier moment, se soit repenti et ait pu être accueilli lui aussi au sein du paradis.

    Mais je voudrais prendre cette phrase en quelque sorte à l’envers : si dans un cas extrême comme celui de Judas, il aurait mieux valu ne pas être né, cela veut dire que dans tous les autres cas la vie est le plus grand des cadeaux. Personne ne devrait être triste d’être né. Personne ne devrait avoir envie de se suicider. La vie est un cadeau tellement énorme, tellement gratuit, qui nous a été donné sans nous demander notre avis, par cet amour immense que Dieu a eu en nous créant, pour chacun de nous, que cela donne le vertige !

    Alors, si je comprends bien ce qu’a voulu dire Jésus en cette occasion, je ne peux que ressentir en mon cœur comme une immense mission, celle de faire découvrir ou redécouvrir à chacun combien il a eu une chance extraordinaire d’avoir été appelé un jour à la vie, combien cette vie est tellement précieuse dès sa conception et jusqu’à la mort. Personne ne devrait pouvoir regretter d’être en vie, même dans les situations les plus douloureuses. Et si certaines personnes en arrivent à voir leur vie tout en noir, c’est notre faute à nous, leurs compagnons de voyage, qui n’avons pas su alléger leurs souffrances et leur faire goûter de nouveau à la beauté de la vie. C’est là le sens profond de notre existence, de chacune de nos respirations, de notre travail, de nos recherches et de nos espoirs. Tout le reste n’est que détails secondaires qui peuvent changer dans tous les sens, mais qui ne devraient rien enlever à la joie de ce trésor inouï qui un jour nous a été donné !

     

     

     


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  • La vie de chacun d’entre nous est comme un long chemin vers la lumière, un chemin parsemé d’obstacles de toutes sortes qui donnent encore plus de force à cette lumière chaque fois qu’on y arrive. Mais si la lumière est souvent cachée par les difficultés qui s’accumulent, par les ombres qui nous enveloppent, elle disparait aussi, souvent, dans des tunnels plus ou moins longs et qui nous semblent interminables.

    Il faut se rappeler, quand on est au cœur du tunnel, que dans la vie il y a toujours des solutions. Sinon ce ne serait plus la vie, mais déjà la mort. Il y a toujours une sortie ou même plusieurs sorties du tunnel. Ou mieux encore, il existe la possibilité de transformer notre tunnel en un paradis miraculeux qui est, là aussi, un des secrets de la vie. Comme la force de ces handicapés dont le handicap ne pourra plus jamais guérir et qui sont parvenus tout de même au cœur d’un bonheur apparemment impossible à imaginer pour eux : et chacun de nous connait des exemples de ces miraculés qui rappellent à l’humanité le sens véritable de la vie et de la souffrance.

    Mais comment sortir du tunnel ? La première chose à faire est de se dire qu’on en sortira difficilement tout seul. Il faut se mettre en cordée pour parvenir à la lumière. Notre vie n’est pas faite pour se débrouiller chacun tout seul dans son coin, même si chacun doit bien sûr faire toute sa part, car l’autre ne peut pas non plus tout faire pour moi.

    Mais c’est tellement important d’être en cordée avec des amis, des frères ou des sœurs en humanité qui ont déjà un pied dans la lumière et qui peuvent guider nos pas… comme nous le ferons à notre tour lorsqu’ils seront, eux, dans le tunnel et nous dans la lumière ! Quelle responsabilité réciproque !

    Les moments de bonheur les plus intenses que j’ai connus au cours de ma vie, ont été lorsqu’un ange sur mon chemin m’a ouvert tout à coup la porte qui allait me faire sortir du tunnel, ou lorsque c’est moi qui ai pu à mon tour conduire quelqu’un vers une lumière qu’il n’arrivait même plus à imaginer.

     

    Mais attention seulement à ne pas tout gâcher au moment de sortir. On est parfois tellement impatient de sortir du noir qu’on sort n’importe comment en écrasant tout au passage, en s’écorchant aux parois du tunnel sans attendre sagement de faire tranquillement les derniers pas vers la délivrance. La patience et l’amour seront toujours les meilleurs ingrédients pour s’en sortir. Car il faut respecter le temps et l’espace qui semblent nous limiter mais qui sont finalement le cadre idéal pour que la lumière brille au bon moment et là où il faut, sans se disperser à nouveau !


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  • Je crois qu’au cours de la longue histoire de l’humanité, l’homme a rarement trouvé l’équilibre dans sa relation avec Dieu. Ou bien trop timide, ou bien trop téméraire, quand il ne devient pas complètement indifférent ou hostile, cela n’a jamais été bien facile.

    Et pourtant nous sommes faits à l’image de Dieu. Nous sommes une goutte de divin, faite pour être Dieu en Dieu et avec lui et nous passons le plus souvent à côté. D’où vient le malentendu ? Où avons-nous fait fausse route ?

    La fausse route vient d’abord d’une compréhension complètement erronée que nous-mêmes nous faisons de Dieu, comme si ce Dieu était un concurrent au niveau duquel nous voulons nous placer. Vouloir dominer le bien et le mal, comme Adam et Eve, en pensant que c’est l’attribut de Dieu dont nous sommes en quelque sorte jaloux. Vouloir monter aussi haut que lui, comme les habitants de Babel, et c’est encore une histoire de jalousie.

    Mais quel aveuglement d’être jaloux de soi-même, car Dieu est en nous plus intime à nous-mêmes que notre propre moi, alors pourquoi le considérer comme un concurrent ?

    Ou bien l’homme tombe alors dans l’excès inverse : Dieu est de toute façon inaccessible, alors il est inutile d’essayer de l’approcher. Quel manque d’intelligence ici encore, lorsqu’on voit que c’est Dieu lui-même qui a tout fait pour s’approcher de nous !

    Mais une des grandes erreurs est encore la compréhension de ce que nous appelons :  être à l’image de Dieu. La tentation est forte en chacun de nous de nous dire : je suis homme, donc je suis à l’image de Dieu et l’on se retrouve bientôt sur le même plan qu’Adam et Eve ou que les habitants de Babel. Un orgueil mal placé va encore tout gâcher.

    C’est qu’en réalité ce n’est pas moi tout seul qui suis à l’image de Dieu, mais c’est l’homme tout entier, l’humanité tout entière lorsqu’elle accepte de vivre en son sein les mêmes relations d’amour réciproque que les personnes de la Trinité. Car nous oublions bien vite qu’en Dieu, le Père, le Fils et le Saint Esprit ne s’amusent jamais à être chacun Dieu tout seul dans son coin. On ne peut à aucun instant les séparer l’un de l’autre et de cet amour qui les unit.

     

    Lorsque nous commençons à nous aimer comme Jésus nous l’a demandé, à l’image de Dieu Trinité, alors voilà que ce Dieu vient habiter en nous et voilà que cette goutte de divin en nous reprend toute sa force, car elle est de nouveau branchée à la source qui lui a donné la vie. Alors, sans fausse modestie, nous pouvons accepter de croire que nous pouvons « être Dieu » en Dieu et avec lui, tout en gardant notre limite de créature. Dieu par participation et grâce à son amour infini. Et ce n’est pas pour un moindre cadeau que Jésus est venu sur terre et a donné sa vie pour nous. L’humanité a encore de beaux jours devant elle si elle apprend finalement la leçon !


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