• « Mais Jésus, poussant un grand cri, expira. » (Mc 15,37)

    Que dire devant une phrase pareille ? On ferait mieux de se taire, de pleurer en silence et de se laisser porter par le mystère…

    Car il y a là un mystère extraordinaire, le mystère de la vie et de la mort, le mystère de la vie qui passe à travers la mort. Une leçon de vie extrême pour chacun de nous qui avons toujours tendance à opposer la vie à la mort.

    Jésus est bien mort. Son cœur qui était plein de cette vie divine qui débordait sur l’humanité par sa force, son enthousiasme et ses miracles, vient soudain de s’arrêter de battre. Mais pourquoi ? Pour redonner un sens à notre mort à nous, tout simplement, tellement a été total son amour. Et pour pouvoir en même temps ressusciter.

    Si Jésus n’était pas passé par là, notre mort, et donc aussi notre vie, n’auraient pas le même sens. Alors n’essayons pas de comprendre par des raisonnements, mais essayons de nous laisser vraiment porter par ce mystère ! Essayons d’accueillir cette mort qui se présente à nous chaque jour dans les petites et les grandes choses, dans les épreuves et les échecs, dans la disparition de nos êtres chers et dans la préparation progressive de notre mort à nous, à chacun de nous. Apprenons à prendre cette mort paisiblement, comme une loi de la nature. Et la nature est là comme une leçon de vie qui nous entraîne chaque année de l’hiver qui meurt au printemps qui ressuscite.

    Jésus est mort pour que nous puissions ressusciter à notre tour. Ressusciter un jour à la fin des temps, mais aussi ressusciter déjà chaque jour après chacune de nos petites morts, qui ne sont jamais définitives. Ce n’est pas facile à accepter aussi simplement, mais c’est bien là la vérité, toute crue et en même temps libératrice, remède à toutes nos angoisses, une vérité qui nous donne l’espérance pour toujours…

     

     


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  • « A trois heures, Jésus cria d’une voix forte : ‘Eloï, Eloï, lama sabactani ?’, ce qui veut dire : ‘Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?’ » (Mc 15,34)

    Que dire, en quelques mots d’un article de blog, sur le plus grand mystère de l’histoire de l’humanité ? Un Dieu qui a donné sa vie pour nous au point de ressentir sur lui toutes nos divisions et de nous ramener ainsi à l’unité que nous avions perdue avec le Père et entre nous…

    Je m’arrêterai ici seulement sur une considération toute simple qui peut changer complètement notre vie si nous y pensons un seul instant. Jésus se sent abandonné par le Père et il s’adresse pourtant à lui, il ne va pas chercher la solution ailleurs. Au milieu de la pire épreuve, il garde au fond une confiance absolue que le Père est toujours là et que la lumière va se remettre à briller.

    C’est exactement le contraire de ce que nous faisons normalement lorsque nous sommes au cœur d’un conflit, d’une grave incompréhension, d’un sentiment d’abandon ou d’injustice : pris par une sorte de panique, nous allons chercher ailleurs des personnes qui nous comprennent, et le conflit, l’incompréhension et l’injustice vont se développer encore plus, au point qu’il n’y aura plus jamais de solution.

    Pourquoi, si nous avons soudain une grosse difficulté avec quelqu’un, nous mettons-nous à chercher d’abord des amis qui nous entourent, qui prennent notre parti contre cette personne apparemment méchante qui semble nous avoir fait du mal ? Pourquoi n’allons-nous pas au contraire trouver cette personne, mari ou femme, collègue de travail, voisin ou compagnon de route, en lui posant simplement la question avec humilité : « Mais que s’est-il passé tout à coup entre nous ? C’est un simple malentendu que nous allons vite résoudre ? Je t’ai peut-être blessé moi-même sans m’en rendre compte ? Tu sais bien que tu es toujours important pour moi. Nous allons nous diviser ou nous séparer pour une bêtise ? Tout l’amour ou l’amitié ou la belle collaboration que nous avons vécus ensemble pendant des années vont disparaître maintenant stupidement en un instant ? »

    Ne voyons-nous pas que c’est là le point de départ de toutes les divisions dans les familles, sur les lieux de travail, à l’intérieur des communautés de tout genre ? Alors qu’il était encore temps de tout réparer, nous augmentons irrémédiablement le problème avec les blessures réciproques qu’il comporte et il sera bien difficile de revenir en arrière. Tandis que, si nous avons la force de regarder dans les yeux la personne qui nous a peut-être fait du mal, mais qui au fond nous aime toujours, l’épreuve va passer comme un nuage qui aura recouvert un instant le soleil de notre relation et l’harmonie reviendra. Leçon de vie d’un Dieu pleinement Dieu, mais en même temps pleinement homme et qui continue à nous montrer le chemin !

     

     

     


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  • « Et comme Pilate reprenait : ‘ Que ferai-je donc de celui que vous appelez le roi des Juifs ?’, ils crièrent de nouveau : ‘Crucifie-le !’ Pilate leur disait : ‘Qu’a-t-il donc fait de mal ?’ Mais ils crièrent encore plus fort : ‘Crucifie-le !’ » (Mc 15,13-14)

    Nous voici, une fois de plus, devant le mystère du mal, un mystère incompréhensible ! Comment expliquer qu’une foule qui a acclamé Jésus il y a à peine un jour ou deux, demande maintenant de le crucifier ?

    Et ici encore, il faut surtout éviter de se sentir supérieur à cette pauvre foule manipulée par les véritables responsables de toute cette tragédie. Car ce mal est en chacun de nous, depuis notre naissance jusqu’à notre mort…

    Nous passons tous, au cours de la journée, par des moments où nous ne savons plus ce que nous faisons, nous nous laissons prendre par des sentiments de peur, de panique, de jalousie, de colère, d’orgueil, de méfiance, de haine, ou simplement de paresse, d’indifférence, de rancœur ou autres sentiments négatifs, qui nous font oublier en un instant tout le sens de notre vie et de nos relations avec le prochain.

    Et dans ces moments-là, nous perdons conscience, nous sommes capables de nous laisser entraîner à des actes de violence que nous allons regretter l’instant d’après, et ce sera peut-être trop tard, comme un geste de colère mal contrôlé peut provoquer un accident grave, qu’au fond nous n’aurions jamais voulu, mais dont nous devons tout de même confesser la responsabilité.

    Alors que faire ? Il n’y a pas de solution miracle. Chacun sait plus ou moins quels sont ses points faibles, ses points sensibles qui ne devraient jamais être provoqués. Donc tâcher d’abord de ne pas se laisser entraîner à des actes fatals qui n’ont rien à voir avec le fond de notre personnalité. Mais je crois que la solution la plus sûre, c’est d’aimer, d’aimer toujours. Car quand on aime, on n’a même pas le temps de penser bêtement à soi et d’écouter ce mal en nous qui veut nous conduire à la mort. Et ne jamais rester seul, faire le possible d’être toujours en cordée avec des frères et sœurs qui partagent le même amour que nous pour l’humanité et qui nous empêcheront de nous laisser entraîner à des actes ou des décisions qui gâcheraient toute notre vie. Et enfin veiller les uns sur les autres avec force et discrétion en même temps, sûrs que l’unité dans l’amour est le meilleur antidote à tous les poisons qui peuvent nous atteindre !

     

     

     


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  • « Il se rendait bien compte que c’était par jalousie que les chefs des prêtres l’avaient livré » (Mc 15,10)

    C’est tout de même un comble : imaginer que c’est pour une simple jalousie que les chefs des prêtres ont demandé à Pilate de crucifier Jésus ! Quelles sont les limites du mal au cœur de l’homme, au cœur de tout homme ? Car il ne s’agit pas ici de remercier Dieu comme le pharisien qui se sentait supérieur au publicain, et de nous dire que, nous, jamais nous ne tomberions dans un tel piège.

    Ce qui est sûr, c’est que l’homme est capable de devenir complètement aveugle et de détruire tout sur son passage, pour de simples sentiments, comme la jalousie, l’ambition, l’amour du pouvoir ou même la peur.

    L’homme sait très bien que c’est beau de vivre en harmonie dans la société et de s’entraider les uns les autres, de s’aimer comme les frères et sœurs d’une même famille, et il continue à faire des guerres et à tuer son semblable. Et lorsqu’on va à la véritable source de toutes ces guerres qui ne cessent d’éclater un peu partout sur notre terre, on découvre souvent des causes inimaginables, cachées sous des prétextes futiles qui nous font complètement perdre la tête.

    Alors que faire devant ce mal sans limite ? Nous attacher nous-mêmes à Jésus en nous aimant les uns les autres, comme il nous l’a demandé. Car seul Lui au milieu de nous est capable de nous redonner la lumière lorsque nous sommes au bord du précipice. Et avec Lui chercher d’abord le bien de l’autre avant notre propre bien, comme Jésus l’a fait, qui a donné de tout son cœur sa vie à cette humanité qui le portait à la mort.

    Quand on a ce principe de base de toujours chercher le bien de l’autre, de n’importe quel autre, avant notre propre bien, on ne peut plus tomber dans des pièges aussi grossiers. Et l’on est en même temps tranquille parce qu’on fait l’expérience que Jésus nous prend complètement en charge, lorsque nous donnons notre vie pour Lui présent dans nos frères. C’est seulement cette conviction totale qui peut nous empêcher de tomber de nouveau dans la logique de la violence et de la guerre. Sinon nous devenons comme une feuille emportée par le vent, capable de faire n’importe quel crime sans même plus s’en rendre compte.

     

     


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  • Ça y est, c’est presque fini, nous en sommes à l’avant dernier chapitre de l’Evangile de Marc. Il ne manque plus que la conclusion qui nous attend et qui sera bien brève. Mais ici tout bascule d’un seul coup. L’Evangile que nous venons de lire n’est-il pas la Parole de Dieu, notre Dieu qui nous parle ? Voici maintenant que Dieu s’est tu tout à coup. Il ne dit plus rien. Il répond à peine à une question de Pilate : « Es-tu le roi des Juifs ? » « Jésus répond : ‘C’est toi qui le dis.’ » Réponse tellement brève et en même temps mystérieuse. Ce Jésus qui passait des heures et des heures à tout expliquer à la foule et aux disciples, semble maintenant comme anéanti devant la mort qui va le frapper. « Pilate lui demandait à nouveau : ‘Tu ne réponds rien ? Vois toutes les accusations qu’ils portent contre toi.’ Mais Jésus ne répondit plus rien, si bien que Pilate s’en étonnait. »

    Jésus va rester muet devant les accusations, les moqueries, les mauvais traitements, les coups, la souffrance. Il faudra attendre le dernier moment sur la croix pour qu’il ouvre enfin la bouche, une dernière fois : « A trois heures, Jésus cria d’une voix forte : ‘Eloï, Eloï, lama sabactani ?’, ce qui veut dire : ‘Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?’ » Puis, quelques instants plus tard, « Jésus, poussant un grand cri, expira. »

    Tout est consommé, toute l’annonce de la Bonne Nouvelle semble perdue, irrémédiablement. C’est la pire tragédie qui se puisse imaginer. Dieu est descendu sur terre parmi nous pour nous sauver et le monde l’a rejeté, « nous » l’avons rejeté. Si on ne connaissait pas la suite, il y aurait vraiment de quoi désespérer pour toujours. Et c’est ce que nous demande notre chapitre : au moins pour un instant essayer de nous mettre à la place de Jésus, de Marie et des disciples, pour tâcher de ressentir un tant soit peu ce qu’ils ont dû vivre à ce moment-là ! 

    Et quand Dieu se tait, c’est le mal qui semble triompher définitivement, comme si le diable lui-même s’était emparé de l’esprit et du cœur de chacun. Toute la place semble libre désormais pour une avalanche des pires pensées et des pires actions que l’homme puisse inventer. Et en tête de ce mal, on trouve d’abord les grands prêtres, les anciens et les scribes avec tout le grand conseil. Ceux qui devraient donner le bon exemple et conduire les hommes égarés à Dieu sont maintenant ceux qui vont le plus se déchaîner. « Ils enchaînèrent Jésus et l’emmenèrent pour le livrer à Pilate. » « Les chefs des prêtres multipliaient contre lui les accusations. » Ils « excitèrent la foule à demander plutôt la grâce de Barabbas. » « Les chefs des prêtres se moquaient de lui avec les scribes, en disant entre eux : ‘Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Que le Messie, le roi d’Israël, descende maintenant de la croix ; alors nous verrons et nous croirons.’ »

    Ce qui est le plus incroyable, c’est l’attitude de la foule qui a acclamé Jésus quelques jours plus tôt à son entrée à Jérusalem et qui demande maintenant qu’il soit mis à mort ! « Comme Pilate reprenait : ‘Que ferai-je donc de celui que vous appelez le roi des Juifs ?’, ils crièrent de nouveau : ‘Crucifie-le !’ Pilate leur disait : ‘Qu’a-t-il donc fait de mal ?’ Mais ils crièrent encore plus fort : ‘Crucifie-le !’ » « Les passants l’injuriaient en hochant la tête : ‘Hé ! toi qui détruis le Temple et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, descends de la croix !’ » Tous ou presque se retournent contre lui, comme s’ils étaient gagnés par un mouvement presque indépendant de leur volonté. « Avec lui on crucifie deux bandits, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche… Même ceux qui étaient crucifiés avec lui l’insultaient. » « Quelques-uns de ceux qui étaient là disaient en l’entendant : ‘Voilà qu’il appelle le prophète Elie !’ L’un d’eux courut tremper une éponge dans une boisson vinaigrée, il la mit au bout d’un roseau, et il lui donnait à boire, en disant : ‘Attendez ! Nous verrons bien si Elie vient le descendre de là !’ »

    Le seul qui ait tenté un instant d’aller un peu contre le courant général, c’est Pilate, mais il pense bien vite qu’il y va de son intérêt à lui aussi de se déchaîner contre Jésus. « ‘Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ?’ (Il se rendait bien compte que c’était par jalousie que les chefs des prêtres l’avaient livré.) … Pilate, voulant contenter la foule, relâcha Barabbas, et après avoir fait flageller Jésus, il le livra pour qu’il soit crucifié. »

    L’attitude des soldats eux-mêmes est étonnante : pourquoi s’en prendre de la sorte à ce pauvre homme sans défense, comme si c’était désormais la mode du moment, à laquelle tous se sentaient obligés de participer. « Les soldats l’emmenèrent à l’intérieur du Prétoire, c’est-à-dire dans le palais du gouverneur. Ils appellent toute la garde, ils lui mettent un manteau rouge, et lui posent sur la tête une couronne d’épines qu’ils ont tressée. Puis ils se mirent à lui faire des révérences : ‘Salut, roi des Juifs !’ Ils lui frappaient la tête avec un roseau, crachaient sur lui, et s’agenouillaient pour lui rendre hommage. Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui ôtèrent le manteau rouge, et lui remirent ses vêtements. Puis ils l’emmenèrent pour le crucifier… Ils le crucifient, puis se partagent ses vêtements, en tirant au sort pour savoir la part de chacun. »

    Malgré tout, il va encore rester quelques bonnes personnes auprès de Jésus. Simon de Cyrène qui est réquisitionné pour aider Jésus un moment à porter sa croix. Joseph d’Arimathie : « c’était un homme influent, membre du Conseil, et il attendait lui aussi le Royaume de Dieu. Il eut le courage d’aller chez Pilate pour demander le corps de Jésus… Joseph acheta un linceul, il descendit Jésus de la croix, l’enveloppa dans le linceul et le déposa dans un sépulcre qui était creusé dans le roc. Puis il roula une pierre contre l’entrée du tombeau. »

    Le plus étonnant est le centurion qui commande la garnison des soldats chargés d’exécuter les ordres de Pilate. « Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, s’écria : ‘Vraiment cet homme était le Fils de Dieu !’ »

    Et puis on ne doit pas oublier les quelques femmes de l’entourage de Jésus, restées fidèles jusqu’au bout, alors même que les disciples semblent avoir complètement disparu. « Il y avait aussi des femmes, qui regardaient de loin, et parmi elles, Marie Madeleine, Marie, mère de Jaques le petit et de José, et Salomé, qui suivaient Jésus et le servaient quand il était en Galilée, et encore beaucoup d’autres, qui étaient montées avec lui à Jérusalem… Marie Madeleine et Marie, mère de José, regardaient l’endroit où on l’avait mis. »

    Et la nature elle-même est prise par cette immense catastrophe qui ne peut avoir que des conséquences planétaires. « Quand arriva l’heure de midi, il y eut des ténèbres sur toute la terre jusque vers trois heures… Le rideau du Temple se déchira en deux depuis le haut jusqu’en bas. »

    Tous ces petits signes pour nous dire que le Royaume de Dieu n’est pas mort, que le feu couve sous la cendre et que le dénouement miraculeux n’est sans doute pas loin. Mais, en attendant c’est tout de même ce cri de Jésus (« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ») et sa mort presque immédiate qui sont bien le centre de notre chapitre. Que veut dire cette mort, que signifient ces deux cris de Jésus, l’un audible qu’il adresse au Père et l’autre inaudible qui accompagne simplement son dernier souffle ? Les théologiens de 2000 ans de recherche n’ont pas encore donné leur réponse définitive.

     

    Nous savons que Chiara Lubich a fait de ce cri de Jésus Crucifié et Abandonné, le centre de son idéal de vie, et le centre de l’esprit du Mouvement des Focolari. Chiara a su découvrir dans ce cri le mystère profond d’un Dieu qui se donne pour toujours à l’humanité et qui nous laisse entrevoir en même temps le mystère de la relation entre le Père, le Fils et l’Esprit au sein de cette Trinité. C’est tout ce qui reste pour un instant de ce Dieu qui semble être perdu pour toujours au milieu de la vanité du monde, et qui va au contraire montrer soudain que c’est là qu’il est, si l’on peut dire, encore plus Dieu que jamais, capable de prendre sur lui à bras le corps tout le mal de la souffrance et de la mort pour les transformer en pierres à mettre ensemble pour la construction du Royaume de Dieu au milieu des hommes.


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