• « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint. » (Mt 1,20)

    Déjà quatre petits verbes extraordinaires dans cette phrase, quatre verbes que l’on pourrait rester des heures à contempler, tellement ils nous ouvrent sur des horizons immenses ! « Ne crains pas. » « Prends Marie chez toi. » Cet enfant-Dieu « est engendré » comme n’importe quel homme ! Et tout « vient de l’Esprit Saint » : Dieu « est venu » parmi nous. Mais je m’arrêterai ici seulement sur le premier : « Ne crains pas. »

    Je ne sais pas si vous avez la même réaction que moi devant l’exhortation de l’ange. Cela frise l’héroïsme ou presque l’inconscience. L’ange demande à Joseph, tout simplement, de faire comme si la pire des catastrophes qu’il commençait à envisager, se séparer de Marie, courir au scandale, se faire mal à lui-même et à cette Marie qu’il aime de tout son cœur…, tout cela n’avait au fond aucune importance, comme si c’était seulement le fantasme d’un moment, un peu de brouillard qui serait tout de suite dissipé. Pas facile de se mettre à sa place et de comprendre un drame pareil !

    Nous sommes dès le début de l’Evangile de Matthieu dans un univers qui nous dépasse, qui va à la fois nous émerveiller, nous faire peur et nous emporter pour toujours dans une dimension qui va nous surprendre maintenant à chaque pas.

    Leçon de foi et de confiance à l’infini. Mais aussi leçon de simplicité, d’humilité. Joseph et Marie n’ont qu’à se laisser faire. Facile à dire ! Et pourtant c’est bien ce qu’ils feront, tout de suite, apparemment sans hésiter. Ils sont certainement pris par une grâce toute spéciale. Dieu y a mis tout son amour, il a dû être vraiment convaincant, sinon tout son projet risquait de mal finir.

    L’ange aussi est tout simple. Il ne fait pas de grand discours. Il ne perd pas son temps à juger Joseph ou à se fâcher contre lui parce qu’il a eu peur. Il sait bien quelle est la situation. Il lui dit seulement que Dieu sait tout, qu’il est là et que tout va bien se passer. Dieu est caché au cœur de cette tempête qui semblait prête à éclater.

    C’est la plus grande leçon de vie du début de notre Evangile. Que l’on ait peur d’un avenir menaçant, c’est bien normal. Mais Dieu nous demande à la fois de laisser le futur entre ses mains et de nous convaincre que le présent tel qu’il s’offre à nous est rempli de son amour et que tout se déroulera finalement pour notre bien. N’aie pas peur, Joseph, cette situation te semble invraisemblable, impossible, mais Dieu est là, caché derrière les apparences : c’est l’Esprit Saint qui a tout pris en main. Tout va bien se passer.

    Et quand on connaît à l’avance la suite de l’histoire, cela donne le vertige ! Tout va bien se passer, c’est vrai, mais à quel prix ? On dirait que pour Dieu le prix ne compte pas. Cela fait partie du contrat, de son contrat d’amour avec l’humanité. Alors vraiment, pourquoi ne nous laissons-nous pas faire à notre tour, sans nous juger les uns les autres quand nous sommes faibles, quand nous retombons dans l’angoisse ou la peur ?

    Il suffirait de nous encourager les uns les autres comme l’ange l’a fait avec Joseph. Mais il y faut beaucoup d’amour pour arriver à être vraiment convaincants. Cela vaut la peine d’essayer, déjà sur soi-même et puis sur ceux que nous aimons. Et nous verrons bien vite qu’en effet nous avons passé beaucoup d’épreuves dans notre vie, mais que nous sommes toujours en vie, debout, au moins spirituellement, et que la plupart de nos craintes se sont envolées et surtout que Dieu est toujours là, évident ou caché, mais tellement présent !

     

     

     


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  • Et nous voilà de nouveau en route, dans le long voyage où Matthieu va nous emporter maintenant à travers son Evangile. On connaît le premier chapitre presque par cœur. On aurait la tentation de passer vite à la suite, pour ne pas perdre de temps, mais ce n’est pas de cette manière qu’on peut pénétrer dans les profondeurs de la Parole de Dieu.

    Alors, commençons à nous arrêter : « Voici la table des origines de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham : Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères… Jessé engendra le roi David… Josias engendra Jékonias et ses frères à l’époque de l’exil à Babylone… Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ (ou Messie). » « Le nombre total des générations est donc : quatorze d’Abraham jusqu’à David, quatorze de David jusqu’à l’exil à Babylone, quatorze de l’exil à Babylone jusqu’au Christ. »

    On connaît tellement bien cette histoire que l’on finirait par oublier qu’il s’agit d’un évènement unique, inouï, extraordinaire, qui va changer toute l’histoire de l’humanité. L’Etre de Dieu, Dieu lui-même dans son infinie puissance, le créateur de toutes choses, a décidé de devenir une simple créature parmi nous, de descendre dans nos faiblesses et nos fragilités, de passer par la vie qui s’écoule normalement dans la nature et en particulier la nature humaine. Ce verbe « engendrer » qui se répète comme le déferlement progressif des vagues de la mer, est déjà le signe de la vie qui s’accueille, qui se reçoit et qui se donne pour se perpétuer à l’infini. C’est le sens même du mystère de la création qui se récrée continuellement, mais avec cette surprise de taille que Dieu lui-même va se laisser engendrer.

    Dieu, que ne peut contenir ni l’espace ni le temps, va se laisser couler dans l’espace d’un peuple qu’il va appeler « son peuple », et d’un temps bien précis dans le déroulement de l’histoire de ce peuple. Et Dieu ne va pas s’inquiéter si ce peuple est digne ou non de cet honneur. Il va entrer dans une histoire très belle et difficile à la fois, où se mêle la gloire de David ou de Salomon aux épreuves comme celle de l’exil à Babylone et aux fragilités humaines. Ces fragilités symbolisées en particulier par le rappel de ces unions avec quatre femmes, Thamar, Rahab, Ruth et la femme d’Ourias, presque toutes irrégulières ou avec des femmes étrangères, qui montrent que Dieu a l’esprit bien plus large que ce qu’on aurait pu imaginer.

    « Voici quelle fut l’origine de Jésus-Christ. Marie, la mère de Jésus, avait été accordée en mariage à Joseph ; or, avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint. » Matthieu ne va pas entrer ici dans beaucoup de détails comme le fera Luc, avec l’annonciation et tout l’Evangile de l’enfance de Jésus. Il nous dit seulement l’essentiel. Un tableau rapide avec seulement trois protagonistes : l’Esprit Saint, Joseph et l’ange. Marie est seulement nommée comme celle qui va « mettre au monde » Jésus. Et Jésus est simplement là, il est arrivé, il est venu, le voilà parmi nous pour toujours.

    L’histoire sort tout de même complètement de l’ordinaire. Et Joseph y a une part d’une importance extrême. Lui qui aurait pu refuser de recevoir Marie et son fils, dans ces conditions bizarres, va les accueillir finalement de tout son cœur. « Joseph, son époux, qui était un homme juste, ne voulait pas la dénoncer publiquement ; il décida de la répudier en secret. Il avait formé ce projet, lorsque l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : ‘Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle mettra au monde un fils auquel tu donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.’ »

    Tout semble presque normal, naturel, dans l’Evangile et pourtant si l’on se met à la place de Joseph c’est déjà un premier saut absolu dans le vide sans lequel rien n’aurait été possible. Cela donne le vertige de penser que ce Dieu infiniment puissant s’est abaissé jusqu’à faire dépendre tout son projet merveilleux de la réponse positive ou non de notre humanité. Quel risque il a pris tout de même… et il continue à prendre chaque jour avec nous !

    Il est frappant de noter aussi l’importance des noms dès ce premier chapitre. Le nom dans la Bible est déjà une comme une enveloppe mystérieuse qui renferme un trésor, tout en le laissant déjà transparaître et inonder de sa lumière. Ce « fils d’Abraham et de David » est Jésus, « le Seigneur qui sauve ». Le Christ (ou le Messie) est celui qui est oint par Dieu tout puissant, son envoyé sur terre parmi nous.  Mais il y a aussi « Emmanuel » : « Dieu avec nous ».

    « Tout cela arriva pour que s’accomplît la parole du Seigneur prononcée par le prophète : ‘Voici que la Vierge concevra et elle mettra au monde un fils, auquel on donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : ‘Dieu-avec-nous’. Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur avait prescrit : il prit chez lui son épouse, mais il n’eut pas de rapports avec elle ; elle enfanta un fils, auquel il donna le nom de Jésus. »

     

    Comme elle est importante cette « parole du Seigneur » ! Comme ils sont importants ces noms prononcés devant nous et au milieu de nous, car ils ne sont pas de simples mots qui pourraient rester vides, mais ils portent en eux toute la magie et la puissance infinie d’un projet d’amour que Dieu a conçu en son sein de toute éternité et qu’il commence maintenant à « accomplir ». Les mots de Dieu, les paroles de Dieu ont en eux-mêmes la force de l’accomplissement. L’homme lui-même, malgré sa pauvreté et ses limites est déjà une preuve tangible de l’accomplissement concret de la création de Dieu qui se déroule dans le temps et à laquelle la venue de Jésus va donner maintenant un sens tellement plus profond et inouï, pour lequel on n’en finirait plus de contempler et de remercier. Le niveau de Dieu qui se révèle va maintenant se mêler au niveau de l’humanité qui progresse et se développe. Il n’y a plus Dieu d’un côté qui pourrait nous faire peur et nous écraser de sa grandeur et le pauvre homme de l’autre. L’homme est désormais habité par Dieu pour toujours… et nous n’en sommes encore qu’au premier chapitre de notre nouveau voyage !


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  • Notre long voyage au cœur de l’Evangile de Marc, vient de se terminer. Cela a été pour moi une expérience étonnante et j’espère qu’il en a été de même pour chacun des lecteurs. Avant de nous lancer maintenant dans la lecture de l’Evangile de Matthieu, juste quelques petites réflexions pour nous ouvrir vraiment l’envie d’entreprendre ce nouveau cheminement.

    Je vous rappelle seulement que ces humbles articles n’ont aucune prétention scientifique ou exégétique. On ne peut pas approfondir en quelques lignes de l’article d’un blog un océan de sagesse et de lumière. Nous allons simplement continuer à partager quelques perles sur la route de chaque chapitre, non pas comme un enseignement, mais comme une provocation, un stimulant pour que chaque lecteur ou groupe de lecteurs poursuive à son tour sa propre recherche. Car la Parole de Dieu a un message pour chacun de nous, qui peut être parfois tellement différent selon la personnalité unique que nous avons, selon les circonstances que nous vivons au jour le jour. Ce sont ces perles et ces clés que nous voudrions mettre en commun, comme une immense symphonie qui nous fasse vibrer au son d’une musique de paradis, même si nous sommes encore sur cette terre.

    Nous nous arrêterons de nouveau à chaque pas pour écouter, contempler, nous laisser pénétrer par le souffle de l’esprit qui a chaque jour de nouvelles surprises à nous apporter. Nous écouterons en particulier les « verbes » de chaque phrase, qui ont tellement à nous dire, à l’image du « Verbe » de Dieu. Et nous avancerons, comme chez Marc, avec cette « vision des quatre verbes » (être, accueillir, donner ou se donner, et refuser) qui nous a illuminés sur notre chemin jusqu’ici.

     

    Matthieu sera bien plus long que Marc, il sera proche de lui, mais il nous apportera tellement de nouveautés, depuis les béatitudes, jusqu’à tout le sermon sur la montagne, de nouvelles paraboles, la constitution de la communauté des disciples unis au nom de Jésus, et l’examen final (« J’avais faim et vous m’avez donné à manger »). Mais retenons notre souffle, car le départ est imminent !


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  • [Jean d’Ormesson, écrivain français, journaliste et philosophe, vient de nous quitter le mois dernier, à l’âge de 92 ans. Ce qu’il a écrit au cours de son long voyage sur terre est une occasion de réfléchir au sens de la vie et de tout ce qu’elle contient. On peut ne pas être d’accord avec tout ce qu’il dit, mais cela ne laisse jamais indifférent.]

    Vivre est une catastrophe et c’est un grand bonheur.

    Je ne suis pas de ceux qui disent : « La situation est très mauvaise aujourd’hui, tout va mal, c’était mieux avant. » Alors, non, ce n’était pas mieux avant. Le monde a toujours été difficile et il faut toujours garder l’espérance.

    Une des clés du bonheur, c’est les autres.

    Je ne sais pas si Dieu existe mais, depuis toujours, je l’espère avec force. Parce qu’il faudrait qu’existe tout de même ailleurs quelque chose qui ressemble d’un peu plus près que chez nous à une justice et à une vérité que nous ne cessons de rechercher, que nous devons poursuivre et que nous n’atteindrons jamais. 
    De temps en temps, je l’avoue, le doute l’emporte sur l’espérance. Et, de temps en temps, l’espérance l’emporte sur le doute. Ce cruel état d’incertitude ne durera pas toujours. Grâce à Dieu, je mourrai.

    Il y a des jours, des mois, des années interminables où il ne se passe presque rien. Il y a des minutes et des secondes qui contiennent tout un monde.

    La naissance est le lieu de l'inégalité. L'égalité prend sa revanche avec l'approche de la mort.

    Ce qui éclaire l’existence, c’est l’espérance.

    Je t'aime dans le temps. Je t'aimerai jusqu'au bout du temps. Et quand le temps sera écoulé, alors, je t'aurai aimée. Et rien de cet amour, comme rien de ce qui a été, ne pourra jamais être effacé.

    Chacun est prisonnier de sa famille, de son milieu, de son métier, de son temps.

    L'allégresse et l'angoisse. Ce qu'il y a peut-être de plus remarquable à la fois dans l'histoire et dans l'existence de chacun d'entre nous, c'est cette sorte d'équilibre qui n'est jamais rompu entre le bonheur et le malheur. On dirait qu'une force mystérieuse les empêche l'un et l'autre de s'installer pour toujours.

    Les hommes découvrent et ils inventent. Quand ils découvrent, les unes après les autres, les lois cachées de la nature et ce qu'ils appellent la vérité, ils font de la science. Quand ils se livrent à leur imagination et qu'ils inventent ce qu'ils appellent de la beauté, ils font de l'art. La vérité est contraignante comme la nature. La beauté est libre comme l'imagination.
    Copernic découvre. Galilée découvre. Newton découvre. Einstein découvre. Et chacun d'eux détruit le système qui le précède.
    Homère invente. Virgile invente. Dante invente. Michel-Ange, Titien, Rembrandt, Shakespeare, Racine, Bach et Mozart, Baudelaire, Proust inventent. Et aucun d'entre eux ne détruit les œuvres qui le précèdent.

    Le présent est une prison sans barreaux, un filet invisible, sans odeur et sans masse, qui nous enveloppe de partout. Il n'a ni apparence ni existence, et nous n'en sortons jamais. Aucun corps, jamais, n'a vécu ailleurs que dans le présent, aucun esprit, jamais, n'a rien pensé qu'au présent. C'est dans le présent que nous nous souvenons du passé, c'est dans le présent que nous nous projetons dans l'avenir. Le présent change tout le temps et il ne cesse jamais d'être là. Et nous en sommes prisonniers.

    Il y a des minutes et des secondes qui contiennent tout un monde.

    Nous avons roulé de progrès en progrès. Ils ont toujours tout changé de notre façon de sentir, de penser et de vivre. Ils n'ont jamais rien changé à notre humaine condition.

    Mourir ne me dérange pas. Je suis juste ennuyé par la perspective de ne plus pouvoir savoir ce qui va se passer.

    On peut tout dire de l'amour.
    Tout ce qu'on en dit est vrai, et le contraire aussi.

    Voilà ce que je suis, un miracle. À des milliards et des milliards d’exemplaires.

    Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c'est la présence des absents dans la mémoire des vivants.

    C'est quand il y a quelque chose au-dessus de la vie que la vie devient belle.

    Avec son passé qui n'est plus, son avenir qui n'est pas encore et son éternel présent toujours en train de s'évanouir entre souvenir et projet, le temps est la plus prodigieuse de toutes les machineries. Aucun phénomène de la nature, aucune invention humaine, aucune combinaison de l'esprit, aucune intrigue de roman, de cinéma, de théâtre ou d'opéra, si compliquée qu'elle puisse être, ne lui parvient à la cheville.

    La vie n'est pas une fête perpétuelle. Merci pour les roses, merci aussi pour les épines.

    Personne ne sait jamais ce qu'on gagne avec une naissance. On n'y gagne que des espérances, des illusions et des rêves. Il faut attendre la mort pour savoir enfin ce qu'on perd.

    Tâchons de dépasser ce qui nous oppose et de multiplier ce qui nous unit.

    La vie est belle parce qu'elle a une fin.

    L'être avec qui on meurt est aussi important que l'être de qui on naît.

    La beauté est un mystère qui danse et chante dans le temps et au-delà du temps. Depuis toujours et à jamais. Elle est incompréhensible.... Elle est dans l'œil qui regarde, dans l'oreille qui écoute autant que dans l'objet admiré... Elle est liée à l'amour. Elle est promesse de bonheur. A la façon de la joie, elle est une nostalgie d'ailleurs.

    En dépit de tant de malheurs et de tant de chagrins, c’est un bonheur d’être né.

    Faut-il à tout prix imposer aux autres une vérité dont ils ne veulent pas - et qui peut-être n'existe pas ? Mieux vaut parfois aimer les autres que de leur dire notre vérité.

    Tout le bonheur du monde est dans l'inattendu.

    Rien n'est plus proche de l'absolu qu'un amour en train de naître.

    J'ai eu de la chance. Je suis né. Je ne m'en plains pas. Je mourrai, naturellement. En attendant, je vis.

    Le portable entre nos mains prend la place du chapelet. Facebook est une communion sans Dieu, mêlée de confessions.

    Toute mort est un mystère parce que toute vie est un mystère.

    La vie pour vous sera si belle que, malgré les échecs et les souffrances que nous connaissons tous, vous aurez, je vous le dis, un peu de mal à la quitter.

    L'ambition, comme le courage, est une vertu vide : elle est digne d'estime lorsqu'elle est au service d'une grande cause ; elle est haïssable si elle tend à blesser, à humilier, à détruire.

    A chaque instant de notre vie, nous sommes en train de mourir.

    Le plaisir est une herbe folle qui pousse entre les pierres. Le bonheur est un lac très calme qui brille sous le soleil. La joie est une tempête qui tombe du ciel pour nous élever vers lui. 

     

     

     


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  • Il m’est arrivé une petite aventure, il y a quelques jours, au supermarché près de notre maison, qui m’a beaucoup fait réfléchir. Chaque fois que je la revis en esprit, comme une pièce de théâtre, mais réelle, j’en suis encore émerveillé.

    C’était dans l’atmosphère du nouvel an, ces jours bénis où l’on continue à souhaiter à tout le monde une année de paix et d’espoir. Imaginez quatre personnages. Moi, Français arrivé au Liban il y a maintenant 47 ans, et qui ai adopté le Liban et tout le Moyen Orient comme ma seconde patrie. Une jeune libanaise, à la caisse. Une jeune africaine, employée de maison, avec sa blouse rose qui montre bien qu’elle est là au service de quelqu’un d’autre. Et un employé du supermarché, du Bangladesh. Quatre personnes de quatre peuples différents et de trois continents… A une époque où les relations entre beaucoup de peuples sont tellement difficiles, c’est presque symbolique.

    Ce matin-là, je suis allé très tôt au supermarché pour éviter les heures de grande affluence. Après avoir rempli mon chariot, je me dirige vers une caisse qui est presque libre : il y a juste cette jeune africaine avant moi. Mais au moment où je m’approche de la caisse, voilà qu’elle repart en courant vers les étagères. Elle a sans doute oublié de prendre encore une ou deux choses pour son patron. Rien de grave : la caissière commence déjà à faire passer tous les objets à la caisse et l’employé du Bangladesh les met dans les sacs en plastique ; on ne perd pas de temps.

    Mais c’est là que commence le drame. Non, il ne fallait pas mettre tout ça ensemble dans les mêmes sacs, et de toute façon notre jeune africaine doit demander quatre factures au lieu d’une, car elle travaille pour quatre patrons à la fois qui lui ont fait des commandes. Il faut tout recommencer à zéro, effacer ce que l’ordinateur a enregistré et faire de nouvelles listes et remplir les sacs autrement. Agitation de la caissière, panique de la jeune africaine. Rien ne va plus. Il faudra tout recommencer une deuxième fois encore… et le temps passe.

    Vraiment je n’ai pas eu le temps de penser à moi et au temps qu’on me fait perdre. Je suis surtout préoccupé par l’explosion qui va se produire. La caissière va éclater, va traiter la jeune africaine de tous les noms, l’employé du Bangladesh sera lui aussi gêné. Et ce sont encore ces pauvres employés de l’étranger qui vont en subir les conséquences. Comment mettre un peu de paix dans tout ça ? Alors une idée me passe par la tête : la caissière ou la jeune africaine vont sûrement se rendre compte qu’elles me font perdre du temps, se tourner vers moi et s’excuser. Je pourrai dire gentiment avec le sourire : « Mais bonne année ! Rien de grave. Si on s’énerve déjà dès les premiers jours de l’année nouvelle, où va-t-on finir ? »

    Mais personne ne se tourne vers moi. Le seul qui s’aperçoit de ma situation, c’est l’employé du Bangladesh, le seul d’ailleurs que je connaisse, qui me regarde, interloqué, en se demandant sans doute comment je reste aussi calme dans cette agitation générale : je lui fais au moins un sourire pour le rassurer que pour moi tout va bien.

    Et c’est là que se produit une sorte de petit miracle. En un instant, la caissière change complètement d’attitude, elle devient extrêmement gentille avec la jeune africaine. Celle-ci reprend ses esprits, tout se remet en place harmonieusement en un clin d’œil, et cela finit même par une plaisanterie et un sourire. L’orage s’est éloigné. Personne ne s’est tourné vers moi. Quand vient mon tour, les « bonjour » et « bonne année » échangés avec la caissière témoignent de la paix qui règne. La caissière ne me dit pas un mot de ces pauvres africaines qui ne savent pas ce qu’elles veulent, comme cela arrive souvent dans de tels cas. La paix a régné entre les peuples, simplement parce que je l’avais en moi et qu’elle s’est transmise, presque par télépathie, sans avoir besoin de dire un seul mot…

     

     


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