• « Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu ! » (Mt 5,8)

    Cette béatitude est un peu plus simple peut-être que les précédentes, à condition de bien la comprendre… mais cela ne veut pas dire qu’elle soit non plus facile à vivre. Toutes ces phrases merveilleuses sont de petits miracles de l’amour de Dieu quand on commence à les mettre en pratique.

    Il s’agit ici tout simplement de purifier l’amour par la pureté et de purifier la pureté par l’amour, et le résultat est exceptionnel. Car on sait bien que l’idéal porté par Jésus sur la terre est la loi de l’amour divin qui coule de toute éternité dans la Trinité où le Père et le Fils ne cessent de s’accueillir et de se donner l’un à l’autre dans l’Esprit Saint en pleine réciprocité.

    Cet amour divin qui s’écoule en nous dès notre naissance est ouvert à toute l’humanité, il est un courant bienfaisant qui sème la paix et la joie sur son passage tout en comblant continuellement celui qui aime. Le problème c’est que l’égoïsme présent en chacun de nous essaye sans arrêt de détourner l’amour de son but, en le faisant devenir amour possessif, qui veut dominer l’autre et profiter de lui pour toutes sortes d’intérêts. Et l’amour n’est bientôt plus l’amour qui libère et fait respirer, mais une sorte de prison réciproque où nous nous enfermons les uns les autres.

    C’est là qu’il est si important d’avoir un cœur pur, qui sait s’oublier pour l’autre, qui cherche le bien de l’autre avant son propre bien. Car ainsi l’amour devient libre d’aimer sans limites, il n’a d’autre but que de donner ses forces, son temps et sa vie à toute l’humanité et surtout il ne revient jamais en arrière, sous aucun prétexte.

    Mais comme chacun de nous est compliqué, au lieu de vivre la simplicité de Dieu, voilà qu’on a fait de la pureté une loi qui emprisonne l’amour et qui l’empêche de se donner au lieu de le libérer. On nous a souvent enseigné la pureté comme un ensemble d’interdits moraux qui nous préoccupent nous-mêmes égoïstement au lieu de nous aider à aimer encore plus notre prochain. Il est bien évident que la pureté de l’amour demande de ne pas donner cet amour n’importe comment. Je ne vais pas aimer de la même façon ma femme, ou mon mari, mes enfants, mes amis, mes grands-parents ou tout le reste de l’humanité. Mais une fois que tout cela est clair en moi, la pureté ne doit pas être comme une barrière qui m’empêche d’aimer par peur de faire je ne sais quel péché et qui nous paralyse. En oubliant que le plus grand des péchés est justement de s’arrêter d’aimer.

    Avoir un cœur pur, c’est l’ouvrir tout entier à chaque instant pour chaque prochain rencontré, sans se préoccuper si nous sommes toujours compris, en faisant seulement attention d’être toujours branchés sur cet amour divin que Dieu a mis au fond de nous et qu’il voudrait nous faire partager avec tous les hommes. Alors, si nous le laissons faire, la vie de Dieu devient tellement forte en nous que nous commençons à le « voir » réellement en nous et autour de nous. Car seul Dieu est capable de « voir Dieu », et quand c’est Dieu qui a pris vraiment notre cœur, c’est Lui aussi qui ouvre nos yeux sur les trésors qu’il a mis en nous et en chacun de nos frères et sœurs en humanité. Et nous commençons à voir Dieu partout sans devoir attendre de mourir pour connaître le paradis, car le paradis est déjà présent au milieu de nous quand nous nous aimons avec ce cœur pur. Et la vie devient une aventure extraordinaire, avec un bonheur plein de surprises étonnantes, même si la croix rencontrée continuellement en chemin nous rappelle que nous sommes encore sur cette terre, mais ce n’est là qu’une autre forme provisoire de pureté et de purification qui ne devrait jamais arrêter en nous l’élan de l’amour divin qui ne cesse de nous pénétrer !

     


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  • « Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde ! » (Mt 5,7)

    Quelle béatitude, cette fois-ci encore ! Ce n’est plus seulement une révolution, c’est un véritable miracle ! Car il n’y a peut-être rien de plus difficile que le pardon. Combien de fois entendons-nous un ami ou un parent nous dire : « Je n’arrive pas à pardonner le mal qu’on m’a fait ! » Et c’est bien normal. Ce serait illogique autrement : comment pardonner à quelqu’un qui nous a menti ou trahis ou abandonnés, à quelqu’un qui s’est servi de nous pour ses intérêts et qui nous a ensuite lâchés comme s’il ne nous connaissait pas, à quelqu’un qui nous a fait du mal en toute conscience, qui nous a blessés ou qui a blessé un être cher ? Comment pouvoir oublier ou encore plus comment pouvoir pardonner de telles méchancetés et avoir avec ces personnes une relation harmonieuse comme si de rien n’était ?

    Il y a là évidemment un miracle et un mystère. Si Jésus nous demande d’être miséricordieux, nous allons découvrir que c’est d’abord pour notre bien, avant même le bien de la personne à qui nous allons pardonner. Car la miséricorde, le pardon total, est avant tout une immense libération qui va commencer à nous faire faire, là aussi, l’expérience de Dieu, qui « fait pleuvoir sur les méchants et sur les bons ». Dieu est libre d’aimer, il aime parce qu’il est amour en lui-même, il ne sait pas faire autrement, il ne met pas de conditions à son amour, il n’attend même pas la réponse de l’autre pour l’aimer, il est heureux d’aimer, car il est lui-même la béatitude de l’amour. Et Jésus est venu sur terre pour nous prouver son amour et sa miséricorde, il a donné sa vie pour ceux qui l’ont maltraité et tué sur la croix, et il leur a pardonné de tout son cœur.

    Et le miracle est là : quand nous commençons à pardonner, cette vie de Dieu pénètre en nous et change notre nature. Nous prenons goût, peu à peu, à nous libérer de nos ressentiments, de notre haine, de notre désir de vengeance qui nous tiennent prisonniers et qui finissent par nous empêcher d’aimer tout au long de la journée. Car lorsqu’on a de la haine dans le cœur, on n’arrive même plus à aimer totalement les personnes qui nous sont chères, la méfiance entre en nous et toutes nos relations finissent par se dégrader.

    Laisser le miracle de la miséricorde entrer en nous, c’est nous revêtir du cœur de Dieu et entrer avec lui dans cette relation de l’accueil et du don réciproques qui sont la nature de Dieu et en même temps notre nature profonde, celle pour laquelle nous sommes venus au monde pour aimer toute l’humanité. Alors, bien sûr qu’en étant miséricordieux nous allons obtenir la miséricorde, mais pas comme un cadeau qui va nous arriver de l’extérieur : plutôt comme notre nature profonde qui va se réveiller en nous, nous libérer de nos conditionnements et nous faire respirer pour toujours. Ce miracle ne va pas se faire du jour au lendemain, il va nous demander toute une bataille intérieure de chaque jour, mais la qualité de notre vie et de notre bonheur en dépend : cela vaut vraiment la peine de prendre ce chemin, en nous faisant aider avant tout par ceux qui l’ont pris avant nous, car c’est en cordée que nous pourrons le mieux parvenir au sommet de la belle montagne de la miséricorde !

     


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  • « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés ! » (Mt 5,6)

    Il y a quelque chose de tellement difficile à comprendre dans cette nouvelle béatitude ! Comment le fait d’avoir faim et soif de la justice pourra-t-il un jour nous combler, alors que nous souffrons en fait toute notre vie du manque de justice dans le monde ? Dieu va-t-il faire ici un tour de magie pour nous ?

    Ici encore, nous devons faire un retour sur nous-mêmes et apprendre à nous laisser porter par la logique de Dieu qui est au fond si simple. Dieu nous demande simplement d’essayer d’être comme lui qui « fait se lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes » : la réponse se trouve déjà à la fin de ce même chapitre, sans compter l’amour pour les ennemis.

    En général nous souffrons surtout des injustices dont nous sommes victimes, comme personnes, comme communauté, comme pays… et nous continuons à nous plaindre et à lutter pour nos droits qui sont bafoués. Et c’est bien normal de lutter pour ses droits. Mais ce n’est pas de cela que Jésus veut nous parler ici.

    Jésus veut tout simplement que nous apprenions à être justes comme lui, comme le Père, comme Dieu. Et lui-même nous a donné l’exemple : il n’a cessé de donner sa vie pour nous tout au long de son séjour sur la terre, jusqu’à mourir sur une croix « pour les méchants et pour les bons » et il continue à le faire maintenant du ciel pour toute l’humanité et pour l’éternité. Il nous propose de laisser notre cœur se remplir peu à peu de ses sentiments de justice envers tous les hommes sans exception.

    Alors, si du matin au soir nous donnons à notre tour notre vie et notre amour à chaque personne que nous rencontrons, sans jamais retourner en arrière, même si l’autre nous a déçus ou fait du mal, cette justice va devenir notre seconde nature, nous allons bientôt avoir « faim et soif de la justice », dans le sens que nous ne pourrons plus vivre sans donner à chaque instant cette justice de l’amour de Dieu autour de nous. Ce ne sera plus une option parmi d’autres, que nous pouvons vivre par moments ou refuser selon notre humeur du jour. Non, ce sera comme notre pain quotidien nécessaire à notre survie.

    Et le résultat, c’est que cette faim et cette soif elles-mêmes vont nous combler, car nous allons nous remplir du cœur de Dieu, sans plus trop nous préoccuper si les autres sont justes avec nous, car nous serons libres d’aimer pour toujours sans plus attendre de résultat… et en même temps nous serons chaque jour heureusement surpris de tous les miracles que cet amour de Dieu va opérer autour de nous, comme un courant d’amour contagieux qui ne se desséchera plus jamais.

     


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  • « Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés ! » (Mt 5,5)

    Ici encore une révolution totale, si on sait lire entre les lignes. Mais que veut nous dire encore Jésus ? De ne pas avoir peur quand on souffre, parce que Dieu est là pour nous consoler ? Ce Dieu qui est amour et qui ne nous oubliera jamais ? C’est bien évident et combien de fois cherchons-nous dans la prière cette protection et cette consolation divines qui nous font tellement de bien. Mais je voudrais dire ici bien fort que nous contenter de cette première interprétation assez banale finalement, serait passer à côté d’un immense trésor sans le voir !

    N’oublions pas que l’Evangile de Matthieu va nous dire, dans quelques pages, que « là où deux ou plus sont réunis en son nom, Jésus est présent au milieu d’eux » (cf. Mt 18,20) et nous y reviendrons… Jésus veut évidemment que nous trouvions une relation profonde avec Lui, avec le Père et avec l’Esprit Saint, qu’on appelle aussi l’Esprit consolateur. Mais la révolution de l’Evangile va beaucoup plus loin. Jésus veut que nous trouvions Dieu à travers le frère, dans lequel il continue à se cacher. Et avec cette lumière nouvelle, notre petite phrase va s’enflammer.

    Là où on a honte de pleurer devant les hommes, Jésus nous dit que nous avons au contraire une chance immense de pouvoir partager ce qui nous fait tellement mal. D’abord parce qu’on n’a pas à avoir honte de souffrir, c’est une participation à la souffrance du Christ sur la croix, où lui-même a redonné un sens à la souffrance de toute l’humanité. Et cette souffrance est au cœur du dessein d’amour divin. Car cette souffrance est le moyen le plus sûr de nous unir. Quand nous souffrons et pleurons, au lieu d’avoir honte et de nous cacher, voilà que nous découvrons que nous avons un trésor entre nos mains. Car ces pleurs et cette souffrance ont besoin de trouver quelqu’un qui va nous comprendre et nous consoler. Ce ne sera pas toujours facile à trouver, mais une fois trouvées la personne ou les personnes que Dieu a préparées pour nous consoler, va commencer une autre divine aventure.

    Chacun d’entre nous porte en son cœur un puits d’amour et de tendresse pour toute l’humanité. Chacun d’entre nous voudrait être comme Dieu qui vient guérir nos blessures et nous faire respirer au moment de l’épreuve. Alors quand deux personnes se rencontrent, l’une qui pleure et l’autre qui la console, commence un petit paradis sur la terre, car ces deux personnes vont être liées pour toujours par ce moment d’intimité où elles auront fait l’expérience d’un arc en ciel au milieu de la tempête.

    Alors, que je sois du côté aujourd’hui de celui qui pleure ou de celui qui console, cela n’a finalement pas beaucoup d’importance. Mais ce qui est sûr, c’est que Dieu veut unir les cœurs à l’occasion de ces moments de souffrance. Et le plus souvent la souffrance va disparaître, mais cette tendresse, cette confiance partagées tout à coup, vont rester entre nous comme un sceau divin qui va transformer notre vie pour toujours. Alors, bien sûr, il faut s’habituer à cette nouvelle logique divine, qui n’est pas si évidente au départ : lorsque je pleure, ou que pleure un être qui m’est cher, me recueillir comme devant un tabernacle, et me dire que Dieu est en train de nous visiter et lui demander la grâce d’en profiter pour vivre avec lui et tous ensemble cette nouvelle « béatitude » !

     


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  • « Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise ! » (Mt 5,4)

    C’est encore une révolution, comme celle des pauvres de cœur, car tout semble dire dans notre société d’aujourd’hui, mais aussi dans celle de toujours, que pour parvenir à un résultat important dans la vie, il faut savoir s’imposer, être fort, dépasser les autres avec tous les moyens possibles…

    Mais venons-en à la « terre promise ». Chacun de nous se crée des rêves au cours de sa vie, des rêves plus ou moins grandioses ou réalisables, après lesquels il va se mettre à courir avec grand enthousiasme au départ et peut-être plus de scepticisme par la suite, mais qui vont toujours rester quelque part au fond de son cœur. Ce sont des rêves au niveau personnel, come ceux d’une carrière professionnelle merveilleuse, au niveau du bonheur des gens qu’on aime, au niveau de la famille ou même du pays qui nous a donné la vie… Ces rêves donnent un sens ultérieur à notre vie, nous font sortir de nous-mêmes et de notre routine, ils nous aident à avoir toujours de l’espoir que quelque chose va changer. Mais comme ils ne sont en général pas faciles à réaliser, l’agitation va bientôt remplacer l’espoir et surtout voilà que l’on se sent prêt à tout pour parvenir quand même au but tant désiré. On devient alors capable d’utiliser tous les moyens jusqu’à la force, la ruse, la violence, l’élimination progressive de tous les obstacles que l’on rencontre en cours de route, sans trop d’états d’âme. Et le résultat est que nos rêves deviennent de plus en plus inaccessibles et en même temps on se fait beaucoup d’ennemis dans cette bataille féroce de la jungle de la vie…

    C’est là que nos béatitudes vont nous faire retrouver la boussole perdue le long du chemin. Le jour où l’on comprend que ce Dieu tout puissant que l’on vient de découvrir « pauvre », est aussi un Dieu de douceur. Dieu qui a créé tout cet univers magnifique et qui nous a donné la vie, qui pourrait nous écraser en un clin d’œil, est un Dieu « doux », qui n’aime pas la violence, qui préfère même se laisser détruire par cette violence, comme il nous l’a montré en Jésus, plutôt que de l’utiliser lui-même. Mais pourquoi cela ? Simplement parce que la douceur est une loi de la nature. La douceur est l’eau bienfaisante qui ne fait pas de bruit, mais qui désaltère, qui repose, qui fait respirer, qui ravive de l’intérieur, qui attire et console, comme un baume qui vient panser les blessures et redonner de la vigueur là où tout était en train de se dessécher.

    La douceur se suffit même à elle-même tellement elle est belle à vivre : avoir une relation de douceur et de tendresse avec quelqu’un, comme nous l’avons expérimenté au départ avec notre maman, n’est-ce pas déjà goûter un peu de paradis ? La douceur est la vie de l’instant présent qui est heureuse d’aimer aujourd’hui sans trop se préoccuper de ce qui se passera demain, car elle sait que Dieu « douceur » est là qui nous protège et qui nous amènera au but désiré tranquillement quand ce sera le bon moment. Et c’est alors que se produit le miracle. Nous voyons se réaliser un à un beaucoup de nos rêves, quand les temps ont mûri, comme un centuple à l’amour que nous avons essayé de donner autour de nous, jour après jour. Et si certains rêves ne se réalisent pas, c’est pour laisser la place à d’autres « terres promises » que nous n’imaginions même pas au départ. Alors voilà que nous goûtons des moments de béatitude immense, comme récompense à notre douceur qui a grandi en chemin, mais surtout nous nous trouvons au milieu d’une symphonie de relations merveilleuses avec tous les gens que nous côtoyons, car la douceur a créé en même temps l’harmonie, la confiance, l’unité, la réciprocité, et tout cela est déjà une autre « terre promise », avant-goût du paradis qui nous attend ensuite pour l’éternité !


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