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51 ans d'espoir
Je vais essayer d’être bref aujourd’hui, plus bref que d’habitude. Le 11 janvier, je viens de fêter le 51e anniversaire de mon arrivée au Liban et au Moyen-Orient. En 1971, j’avais 22 ans et toute la vie devant moi. Jamais je n’aurais pu imaginer que le Liban, l’Egypte, la Syrie, l’Irak, la Jordanie, la Terre Sainte allaient devenir plus que ma patrie d’adoption, ma vraie famille.
Pendant 51 ans j’ai vécu d’espoir, un espoir immense, un espoir fou pour encourager tous ces amis que je rencontrais au fil des ans. Avec des raisonnements souvent cohérents mais de plus en plus compliqués, et auxquels j’avais parfois du mal à croire moi-même. « Une guerre ne dure pas éternellement ! » « Le monde entier ne va pas nous abandonner. » « Les Libanais, les Egyptiens… s’en tirent toujours. » « Le bon sens finit toujours par avoir le dessus. »
Eh bien, j’ai dû me rendre à la raison. La guerre du Liban n’est pas encore finie, depuis bientôt 50 ans. Le monde entier nous a abandonnés, au moins les gouvernements les plus puissants de notre planète. Les Libanais, les Egyptiens n’arrivent plus à s’en tirer. Le bon sens semble perdu la plupart du temps. A cela il faut ajouter que les corrompus se mettent d’accord avec leurs adversaires politiques pour garder leurs privilèges plutôt que d’être fidèles à leur conscience, et on ne peut plus compter sur personne. Au Liban tous les rouages de l’Etat sont plus ou moins en faillite définitive ou progressive. Et on ne parle pas du cauchemar du covid qui s’ajoute à ce terrible tableau.
Je crois que vous devez être étonnés de me voir m’exprimer de cette manière apparemment si négative. Eh bien c’est là que vous allez en fait me retrouver : au fond du trou, là où tout semble s’écrouler. Là où on ne peut plus s’appuyer sur personne de sûr. Je suis en train de faire l’expérience ces jours-ci que nos relations d’amitié, de solidarité, d’amour vraiment réciproque n’ont jamais été aussi belles. Alors, quand on ne trouve plus aucune raison concrète de croire à un avenir meilleur, car toutes ces raisons concrètes sont tombées l’une après l’autre, il reste encore la vie et l’espoir. Il reste ce proverbe populaire merveilleux qui dit justement : « Tant qu’il y de la vie, il y a de l’espoir ! »
Et voilà qu’aujourd’hui, je me sens tellement plus libre, parce que je n’ai plus peur de devoir être déçu demain de tout ce qui m’a donné du courage pendant toutes ces années. L’espoir, c’est bien sûr que de nouvelles raisons d’espérer, inattendues, surprenantes finiront toujours par arriver. Mais l’espoir c’est que moi et mes amis nous sommes encore bien vivants, pleins d’énergie, capables d’inventer l’avenir. Alors pourquoi nous résigner, pourquoi nous désespérer ? Vivons au jour le jour dans notre tunnel provisoire, serrons-nous les coudes et nous verrons bien si ce n’est pas la vie qui court encore dans nos cœurs qui finira par nous amener la lumière…
Avant, je savais pourquoi j’avais encore de l’espoir. Maintenant je ne sais plus pourquoi, mais je sens que l’espoir en moi et en nous est plus vivant que jamais. Car c’est l’espoir lui-même qui est devenu mon espoir, et lui ne nous trahira jamais, car au fond il ne dépend pas des circonstances plus ou moins bonnes ou mauvaises avec lesquelles nous nous battons…
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Commentaires
1Hayat FallahLundi 17 Janvier 2022 à 12:44"c'est l'espoir lui-même qui est devenu mon espoir"... Je sugne et j'adhère !Répondre
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