• Aimer et donner sans rien attendre de retour?

    Ça, c’est vraiment une grande découverte que je suis en train de faire ces derniers temps. J’ai seulement un peu peur de vous scandaliser. Je viens seulement de me rendre compte que toute une partie de notre éducation chrétienne qui insiste sur le fait que nous devons toujours aimer et donner sans rien attendre de retour est en fait ridicule, car il y a là un immense malentendu, une méprise sur le sens des mots et la signification de toute la vie elle-même.

    Bien sûr que l’amour doit être désintéressé, dans le sens de ne pas être d’abord égoïste, replié sur soi. Mais soyons sincères, n’ai-je pas un grand intérêt à aimer l’autre ? Ce qui est beau dans l’amour et l’amitié, c’est que plus j’aime l’autre, plus je désire le bien de l’autre et son intérêt, plus je suis comblé moi-même dans la réciprocité : amour et amitié désintéressés si l’on veut, mais finalement tellement intéressés, dans le bon sens du terme. Car la vie est terriblement « intéressante », et comme c’est beau de découvrir et de vivre ses secrets.

    Mais venons-en maintenant à l’attente. On me dit que je dois aimer sans rien attendre, car ce n’est pas bien d’enfermer l’autre dans mes plans à moi, mes désirs, mon amour possessif. C’est évident et nous serons toujours d’accord sur ce plan. Mais alors, nous allons passer notre vie à nous mortifier ? Si l’espoir d’un évènement heureux nait dans mon cœur en pensant à l’autre, je vais passer ma vie à refouler mes sentiments, parce que je n’ai pas le droit d’enfermer l’autre dans mes désirs ? Je vais être toute ma vie comme le surveillant de moi-même, prêt à me donner des coups de règle sur les doigts à peine je passe les frontières de ce « désintéressement » ?  Quelle triste vie tout de même !

    Je vais essayer de vous dire où se trouve donc ce malentendu qui me semble maintenant si clair. C’est simplement que mon attente se referme continuellement sur le passé. J’ai vécu avec l’autre des moments de partage, de communion, où nous volions ensemble dans un univers immense qui nous donnait des ailes et voilà que j’attends maintenant que chaque rencontre avec cet autre reproduise les mêmes effets à l’infini. Et je commence à être déçu, parce qu’aujourd’hui l’autre ne m’a pas souri comme d’habitude, il ne m’a pas répondu avec la même attention que la dernière fois. Le doute commence à entrer dans mon esprit que notre relation est en train de se dégrader. Je me suis arrêté dans un passé imaginaire où je me suis enfermé avec l’autre pour toujours, et bien sûr que je vais être déçu, là aussi peut-être pour toujours, si je ne réagis pas rapidement.

    Le problème n’est pas l’attente, mais l’objet de mon attente. J’ai tous les droits et même le devoir d’attendre. Si je sème une graine dans un pré, je dois bien normalement m’attendre à voir pousser bientôt une nouvelle vie, une plante avec des fleurs et des fruits. La catastrophe, c’est que je conditionne mon attente à tout ce que j’ai vécu jusque-là. Je suis souvent comme un pauvre oiseau, collé à la branche de son passé, immobile, ennuyé, fatigué et angoissé, alors qu’il me suffirait d’ouvrir les ailes pour me jeter dans l’espace du présent et de l’avenir qui m’attendent avec toutes leurs surprises.

    C’est donc cela tout simplement ma découverte. Je vais me lever chaque matin plein d’attente ou d’attentes. Je vais même rêver ou imaginer tout ce qui peut m’arriver et arriver de beau à ceux que j’aime et même à toute l’humanité. Mais je vais tâcher de ne rien attendre comme hier. Je vais croire que la vie va m’apporter aujourd’hui de nouvelles belles surprises, des surprises qui passent parfois à côté de nous sans même que nous les remarquions, parce que nous sommes trop concentrés sur nos problèmes et nos déceptions…

    Je sais bien que le présent va aussi m’apporter des surprises amères, des douleurs inattendues, des problèmes apparemment insolubles. Mais là encore je vais faire l’effort de ne pas me répéter comme toujours : « Encore le même problème qui me retombe dessus ! » Non le problème d’aujourd’hui est unique et la vie me donnera sûrement la force et l’énergie de ne pas m’arrêter et de continuer à voler dans l’espace d’un présent qui m’ouvre sans cesse sur l’éternité !


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  • Commentaires

    1
    Hayat
    Dimanche 6 Novembre 2016 à 10:50
    Quelle belle envolée !très subtil tt ça ! Merci Roland !l'important est de ne pas être comme l'oiseau accroché à sa branche et craint de s'envoler ...
    2
    Ted
    Dimanche 6 Novembre 2016 à 23:52

    Vedo che sono passati gli anni ma tu sei sempre lo stesso. Anche a Loppiano mi sorprendevi con i tuoi ragionamenti che concludevi alla fine con u n sorriso che ti partiva dagli occhi. Ma come dici tu non dobbiamo restare fermi ai ricordi ma purtroppo la lontananza e le circostanze della vita non ci hanno dato l'occasione di riincontrarci e ravvivare la nostra amicizia.

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