• Attention, danger: sécurité!

    Provocation ? Bien sûr ! Et pourtant c’est souvent la triste réalité. Il y a quelques années, j’ai eu la joie de passer trois mois en Afrique du Sud, un pays merveilleux que je n’oublierai jamais, mais qui porte encore les cicatrices de l’apartheid, cette discrimination entre blancs et noirs qui a attisé la haine pendant si longtemps. L’apartheid est terminé, au moins officiellement, mais on ne peut pas dire que la méfiance soit finie partout. Ainsi, dans beaucoup d’endroits, les blancs, qui sont minoritaires, ont peur. Et qui dit peur dit redoublement des mesures de sécurité. A Johannesburg, dans les quartiers où vivent la majorité des blancs, leurs habitations, leurs villas, sont de véritables forteresses aux murs très élevés, protégées par des systèmes d’alarmes sophistiqués pour décourager les éventuels voleurs d’essayer d’entrer, car en deux minutes ils seraient rattrapés par des agents de sécurité armés jusqu’aux dents… C’est à peine si j’osais m’aventurer tout seul dans la rue ; mes amis m’avaient dit qu’en tous cas il n’était pas prudent de se promener avec trop d’argent dans la poche. A côté de cela, j’ai passé trois mois, loin des grandes villes, dans une petite cité de campagne au milieu de la brousse : nous y étions six blancs sur 80.000 habitants. Ils savaient que les blancs, c’étaient les gens de « la mission », pas de problèmes pour circuler tout seul dans les rues, dans les champs, au milieu de la campagne. Quand je rencontrais quelqu’un on échangeait de grands sourires : « Good morning, mama ! » « Good morning, papa ! » ou bien « Doumela », le salut en langue tswana. Pas de problèmes majeurs de sécurité lorsqu’on est bien intégré à la population avec une relation de confiance.

    Car le problème n’est pas la sécurité, le problème c’est la peur, la méfiance, les expériences négatives qu’on a accumulées au long des années, qui font que des barrières psychologiques se sont élevées avant même les barrières de sécurité. On n’aura donc jamais de véritable sécurité en multipliant les contrôles ou en érigeant des murailles toujours plus grandes pour nous protéger. La seule sécurité véritable se trouve dans l’harmonie des relations entre voisins. Si vous en connaissez une meilleure, expliquez-la moi.

    Il ne s’agit évidemment pas d’être naïf ou imprudent. Lorsqu’on craint en particulier les menaces de fous ou de criminels, il faut bien demander à la police de nous protéger. Mais là où la situation dégénère, c’est lorsqu’on considère tout un peuple, toute une catégorie de la population comme des fous ou des criminels. Cela, c’est de la propagande, basée toujours sur la peur, de la propagande pour gagner aux élections, pour vendre encore plus d’armes « dissuasives », avant de devenir des armes « agressives ». La sécurité liée à la peur ne résoudra jamais les conflits. Lorsqu’il y a un problème sérieux avec un pays voisin, avec une catégorie de personnes différentes qui ont du mal à s’intégrer avec nous, il faut prendre ses responsabilités. Il faut créer des ponts avec ces personnes, il faut devenir amis avec leurs responsables. Il faut toujours chercher chez l’autre ceux avec qui on peut se comprendre, et on en trouvera toujours si l’on a un peu de bonne volonté.

    On oublie que la peur est toujours réciproque. Si j’ai peur de l’autre, c’est que lui aussi a peur de vivre avec moi, ou à côté de moi, même s’il dit que ce n’est pas vrai. Quelle libération lorsqu’un des deux fait le premier pas et réussit à convaincre l’autre qu’il fait bon vivre ensemble pacifiquement ! Cet exercice est le seul qui ait sauvegardé jusqu’ici le Liban, par exemple, malgré toutes les tentatives intérieures et extérieures de déstabilisation. La sécurité par les armes n’a jamais résolu tous les problèmes. Il faudrait vraiment réfléchir à quel projet nous voulons nous accrocher si nous espérons encore en un monde plus fraternel pour les années à venir…

    La sécurité ne sera donc jamais la solution. Elle pourra être tout au plus un remède, et un remède provisoire, comme on en prend lorsqu’on est malade. Personne ne pensera jamais que les antibiotiques sont la solution pour avoir une bonne santé. Pourtant il faut bien en prendre quelquefois lorsque la maladie est trop forte. Mais on retrouvera ensuite la santé avec une alimentation saine, un rythme de vie plus adapté, le contact avec la nature et mille manières de trouver une harmonie dans la vie de tous les jours.

     

    Pour la sécurité, c’est la même chose. Penser que la sécurité sera la solution veut dire décider définitivement que notre société est malade et qu’elle ne se remettra jamais de sa maladie. C’est vrai qu’il y a des gens malades dans chaque pays, malades au niveau psychologique surtout. Mais nous allons nous laisser conditionner par une minorité de malades ? Nous ne sommes pas capables de nous organiser et de prouver au monde que l’on peut vivre avec des relations de confiance réciproque qui font respirer, et auxquelles tout le monde aspire au fond de lui-même ?


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  • Commentaires

    1
    Hayat
    Samedi 12 Décembre 2015 à 20:50
    Une des choses les plus difficiles ou délicates à établir ce sont des relations de confiance...On passe parfois une vie à construire une relation de confiance avec qq'1 ..Il s'agit avant tout d'y croire, sinon c'est plus facile de baisser les bras et de chercher "la sécurité " ...
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