• Voilà la belle phrase de Khalil Gebran que j’ai publiée de nouveau, il y a quelques jours, sur ma page Facebook, et j’ai vu qu’elle a touché de nombreux lecteurs, car elle est certainement très belle !

    Mais êtes-vous sûrs d’avoir bien compris ce que voulait dire notre poète ? Moi, j’avoue avoir encore des doutes sur l’interprétation à donner à ces quelques mots. Cela semble au premier abord une sorte de remerciement affectueux à nos parents qui nous ont donné la vie et qui continuent à nous accompagner de leur amour jusqu’à la fin de leurs jours. Et ce serait déjà tellement touchant d’écouter cette phrase de la sorte.

    Mais je comprends bien, à ce moment-là, la réaction d’une lectrice qui dit avec raison que tout le monde n’a pas forcément la chance d’avoir eu dans sa vie des parents à la hauteur de cet amour responsable à donner. Et chacun de nous porte au fond de lui-même des blessures plus ou moins profondes dues au fait qu’à certains moments de notre vie cet amour n’a plus coulé si facilement entre nous et nos parents.

    Moi, je vous propose ici une autre interprétation, en espérant être fidèle à l’esprit de Khalil Gebran. C’est l’amour lui-même qui est notre père et qui est notre mère. Car chacun de nous a besoin d’un père et d’une mère pour lui transmettre la vie. Et nos parents ont sans doute fait le maximum pour cela. Mais, même si c’étaient les meilleurs parents du monde, ils ont bien dû nous abandonner à nous-mêmes à certaines étapes de notre vie. Simplement par le fait que l’amour doit à certains moments laisser l’autre libre d’inventer tout seul son chemin…  

    Mais où trouver alors cet appui, ce soutien qui nous manque souvent dans les épreuves de toutes sortes ? C’est l’amour que nous portons en nous, et qui fait ce miracle de se multiplier lorsqu’il se donne, qui devient en nous la source de notre propre énergie. N’avons-nous pas fait l’expérience, un jour ou l’autre, d’être devenus un père ou une mère pour nos propres parents ? Ne sentons-nous pas que plus nous aimons nos frères et nos sœurs en humanité, plus notre cœur déborde chaque jour d’une force et d’une flamme incroyables ?

    Le monde entier ou presque pourra nous trahir et nous abandonner, l’amour qui a grandi en nous au fil des ans ne pourra plus s’arrêter, car il se recrée lui-même chaque jour par une sorte d’auto génération qui est stupéfiante. Et l’amour vrai appelle l’amour et la réciprocité. Car personne ne peut rester indifférent à cet amour qui vit seulement pour libérer l’autre, pour l’aider à respirer et à être lui-même. Alors cet autre fait entrer à son tour son amour dans le concert de notre réciprocité qui nous enrichit encore plus et l’amour de l’autre devient à son tour notre père et notre mère sans fin. Mais c’est un père et une mère qui sont simplement le secret de l’univers qui coule en nous pour toujours parce que nous avons su puiser à sa source bienfaisante que personne ne pourra plus nous enlever !


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  • A la fin d’un de mes derniers articles qui avait justement comme titre « S’ouvrir sur les autres ? », une autre de mes plus fidèles lectrices, me pose cette question un peu difficile : « Peut-on se contenter d’une relation d’amour ou d’amitié qui ne dépasse pas la relation à deux ? »

    Je vous dirai tout de suite que c’est impossible. La relation à deux, qui voudrait rester « à deux » pour toujours, est condamnée, à mon avis et d’après toutes les expériences que j’ai faites et que je vois autour de moi, à finir en catastrophe.

    Mais alors, je suis en train d’aller contre toute une vision traditionnelle de l’amour entre deux personnes que notre société « catholique » nous a présentée si longtemps et qui bat de l’aile de plus en plus dans notre monde moderne ? On va penser que je suis pris par ces courants de fausse liberté qui ne croient plus à la fidélité des rapports d’amour entre deux personnes ?

    Ne vous inquiétez pas, je disais cela simplement pour vous provoquer, mais je crois que certaines provocations sont utiles. Je crois que l’amour ou l’amitié « à deux » et qui veut rester « à deux » pour toujours, est comme un bassin d’eau stagnante où le courant ne passe plus, où s’accumulent les saletés de toutes sortes, et qui devient bientôt un point de pollution insupportable qui doit être nettoyé au plus vite. Car cet amour éternel qu’on s’était promis au départ va en fait devenir un cauchemar irrespirable et l’on va tôt ou tard se séparer et en finir pour pouvoir justement recommencer à respirer.

    Je crois que tout le problème vient du fait que lorsque j’aime je crois que ce « moi » qui aime en moi est une réalité fixe, stable, immuable et bien définie, comme le « toi » qui me répond, alors que mon « moi » et ton « toi » sont en réalité continuellement en devenir. Et pourquoi cela ? Parce que mon « moi » est le fruit de rencontres ininterrompues, depuis le jour où je suis né jusqu’à cet instant où je me trouve, avec d’autres « moi » ou « toi », eux aussi en pleine évolution. Et cela ne m’empêche pas d’avoir ma personnalité, mais cette personnalité, n’est pas un objet détaché du reste de l’humanité, c’est le cœur d’un tourbillon qui peut donner le vertige.

    Alors imaginons maintenant que je sois un jeune marié. J’ai trouvé l’amour de ma vie et rien ne nous séparera plus l’un de l’autre. J’ai devant moi deux chemins bien différents. Ou bien je suis tellement heureux d’avoir trouvé ce trésor que le reste du monde ne m’intéresse plus. Ou bien cet amour, nouveau en moi et tellement fort, va être la base d’une relation complètement nouvelle que je vais partager maintenant avec toute l’humanité…

    Il est évident que dans l’amour ou l’amitié il y a bien des degrés, il y a bien des relations privilégiées et il peut très bien y avoir un amour entre deux personnes qui soit complètement unique. Mais imaginez maintenant que, jeune marié enthousiaste, je vais me rendre au travail pendant les trois quarts de la journée. Où se trouve alors mon amour ? A la maison qui m’attend et à qui je vais rêver pendant des heures sans me soucier des personnes qui me croisent durant le travail ? Avec la peur même que ma bien-aimée soit jalouse si je suis trop gentil avec certaines de mes collègues. Et puis le soir, quand j’arriverai éreinté parce que le travail aura été bien long, mais surtout parce que j’aurai eu un tas de conflits non résolus avec mes collègues, j’aurai vraiment le cœur assez fort pour aimer encore ma bien-aimée ?

    Ou bien ma bien-aimée est désormais en moi, son amour m’a changé la vie, et je peux déverser sur mes collègues, ma joie, ma nouvelle délicatesse, mon attention, sans peur qu’elle soit jalouse, car elle comprendra bien que c’est pour être fidèle à son amour que je vais essayer de servir maintenant toute l’humanité ? Alors tout va changer : je vais rentrer à la maison, fatigué, mais tellement heureux d’avoir aimé avec elle le monde entier, qu’il n’y aura plus de barrières, de cloisonnement entre notre amour et « les autres ». Ou bien notre amour aura été capable de s’ouvrir, ou bien il va vite se dessécher et ne pourra pas durer bien longtemps…


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  • Oui, c’est très beau de parler de s’ouvrir sur les autres, un bel idéal, mais n’est-ce pas souvent de l’inconscience, de la naïveté dangereuse, ou simplement une belle utopie ?

    Il y a quelques jours, j’avais publié une phrase qui pouvait sembler sympathique à certains, mais qui a sans doute fait peur à d’autres, lorsque je disais : « On gagne toujours à s’ouvrir sur les autres de tout son cœur. »

    Une de mes plus fidèles lectrices, avec laquelle le dialogue est toujours vrai et transparent, et je l’en remercie, a eu la simplicité de me répondre : « Souvent mais pas toujours. »

    Alors, que penser ? Je comprends bien ce qu’a voulu dire mon amie. Chacun de nous a eu dans sa vie des expériences difficiles avec des personnes qui nous ont fait du mal alors que nous nous étions justement ouverts à elles en toute sincérité. Faut-il donc se méfier, donner notre confiance ou notre amour au compte-goutte, pour ne pas risquer ensuite d’être trahis ou déçus ?

    Je crois que la vérité est toujours simple et sans détour. La vie est complexe, mais elle n’est pas compliquée, si nous ne la compliquons pas nous-mêmes. Et je voudrais expliquer un peu mieux ici ce que j’ai voulu dire.

    Je n’ai pas dit qu’il faut « toujours » s’ouvrir aux autres, ce serait alors vraiment de l’inconscience. La sagesse est toujours un équilibre entre l’audace et la prudence, entre le risque et l’assurance, entre l’amour pour l’autre mais aussi l’amour de soi-même.

    Il est évident que l’on ne va pas s’ouvrir à l’autre n’importe quand et n’importe comment. On doit apprendre à se connaître et à se découvrir progressivement dans la réciprocité.

    Ce que j’ai voulu dire se résume en deux attitudes. Lorsqu’on s’ouvre à l’autre, lorsqu’on a décidé que le moment est bien venu de le faire, on doit le faire « de tout son cœur », sans hésiter, sans réserve, sans tenir en nous des angles cachés pour nous y réfugier au premier danger ressenti. Car l’autre sentirait tout de suite que nous ne sommes pas complètement transparents avec lui et cela gâcherait la confiance réciproque dès le premier pas.

    Il est important d’être forts et convaincus dès le départ dans notre amour ou notre amitié, si l’on veut que l’autre trouve en nous une assurance qui est parfois si rare dans notre société en crise.

    Si l’on se jette dans les bras de l’autre sur de telles bases, alors, oui, c’est mon expérience, on y « gagne toujours ». Car en général, une telle attitude va vraiment ouvrir le cœur de l’autre dans la réciprocité. Et si parfois, il y a tout de même des accidents de parcours, si nous rencontrons des personnes qui portent en elles des blessures plus ou moins profondes et qui réagissent peut-être mal devant notre ouverture sincère et qui nous blessent à notre tour, nous allons tout de même y gagner. Oui, y gagner en maturité, y gagner en simplicité, y gagner en détachement et donc en liberté intérieure. Et y gagner en expérience, car cela va nous aider par la suite à savoir mieux aimer les personnes qui ont souffert plus que nous et qui ont peut-être du mal à s’ouvrir.

    Si nous avons le courage à ce moment-là de ne pas nous refermer sur nous-mêmes, nous aussi, par réaction, notre amour va devenir encore plus fort, plus vrai, prêt à « conquérir » des personnes encore plus difficiles. Et cela donne une joie immense, car cette relation d’amour ou d’amitié réciproque va dépasser la relation entre deux personnes, cela va être bientôt toute une communauté de personnes qui s’aident les unes les autres à s’épauler et à se porter réciproquement dans les moments difficiles et cela fait tache d’huile et l’on ne se sent plus seul. Et c’est là qu’on va vraiment y gagner pour toujours jusqu’à la fin de notre vie, lorsqu’on s’aperçoit que l’on n’est plus jamais seul à « s’ouvrir à l’autre de tout son cœur »…


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  • Le mois dernier nous citions de belles phrases de Jean d’Ormesson dans notre rubrique « Des mots pour de bon ». Mais cette fois-ci j’ai eu envie de réagir à une nouvelle phrase de notre écrivain, publiée il y a deux jours comme « la phrase du jour » d’un site de citations célèbres, et qui m’a fait bondir.

    Mais écoutez plutôt : « Chacun est prisonnier de sa famille, de son milieu, de son métier, de son temps. » J’imagine que Jean d’Ormesson a voulu par là nous provoquer, ce qui est toujours une bonne chose. Et encore faudrait-il remettre cette phrase dans son contexte qui nous manque. Mais ne trouvez-vous pas qu’il exagère un peu… ou beaucoup ?

    Je crois que la beauté de notre vie d’homme, c’est que nous sommes en relation avec d’autres hommes, avec la société, avec la nature, avec le temps et l’espace. Et ce sont ces relations qui forment peu à peu la belle personnalité que nous sommes, que nous le voulions ou non.

    Chacun désire, comme le dit justement le titre de notre rubrique, aller « au bout de soi-même », être chaque jour un peu plus ce qu’il a envie d’être, devant soi-même et devant les autres. Et chacun imagine cette recherche de soi-même comme une conquête toujours plus grande de liberté à la fois intérieure et extérieure. Mais c’est là que commencent nos grands malentendus. Car la mentalité courante nous fait croire que pour être libres nous devons couper les liens qui nous attachent aux autres et à tout le monde extérieur, alors que ce sont ces liens assumés harmonieusement qui vont nous procurer finalement notre vraie liberté.

    Sinon, tout deviendrait pour nous une prison. Notre corps lui-même, pour commencer, ne serait-il pas une cage dont nous aurions envie parfois de nous échapper ? Ne sommes-nous pas tentés de temps en temps de fuir notre cerveau qui tourne en rond et nous donne des idées noires ? La vie toute entière ne finirait-elle pas par être une chambre obscure dans laquelle on nous a enfermés sans nous demander notre avis ?

     

    La vérité profonde, c’est que tout ce qui est relation est vie et ce qui est séparation est mort. Cette relation est souvent difficile et pleine d’épreuves, mais ce n’est pas en fuyant les épreuves que nous trouverons la vie, mais en les affrontant. Accepter la vie, telle qu’elle se présente au fil des jours avec ses bons et ses mauvais côtés et se convaincre que tout peut contribuer finalement à notre épanouissement, c’est le secret du bonheur. Passer son temps à se plaindre et présenter notre vie comme une prison, une punition, une mauvaise plaisanterie, ou tout ce qui peut nous passer par la tête de négatif, c’est le début du suicide. Nous sommes toujours libres de choisir l’un ou l’autre, si nous ne sommes pas complètement malades.  


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  • Oui, l’amour est certainement ce qu’il y a de plus beau au monde, et en même temps de plus délicat. Depuis que l’homme a commencé à s’exprimer, il revient sans cesse sur le même sujet, comme s’il était continuellement attiré et dépassé par l’amour, transformé et pourtant blessé, heureux et si souvent malheureux.

    Ce qui est sûr c’est qu’avant d’aimer nous avons commencé à recevoir l’amour, de la part de nos parents, de toute notre grande famille et peu à peu de tous les amis qui se sont mis à créer ce cercle intime qui a forgé notre personnalité.

    Quelle joie d’être aimé, accepté, apprécié, reconnu et de découvrir peu à peu que nous pouvons nous aussi aimer à notre tour ! Chacun de nous a en lui cette capacité extraordinaire de pouvoir donner aux autres de l’affection, de l’amitié, tout son cœur et finalement toute sa vie.

    Nous apprenons à le faire bien sûr avec prudence, avec discernement, car c’est en effet une réalité qui peut faire autant de mal que de bien, si elle est vécue de travers ou au mauvais moment.

    Mais la plus grande difficulté c’est d’avoir le sentiment d’avoir tout donné à l’autre et que l’autre ne nous le rend pas, ou bien n’apprécie pas le don que nous lui avons fait et que nous continuons à lui faire. Car l’amour a besoin de réciprocité… ou c’est au moins ainsi qu’il est en général compris et vécu.

    Je crois que là est tout le nœud de la question : que faire lorsque nous ne sentons pas de réciprocité avec la personne ou les personnes que nous aimons ? En général, on essaye quand même encore quelques temps, puis on se décourage, on est tenté de tout laisser tomber, ou d’aller chercher ailleurs. L’amour se transforme alors en déception, en haine ou en ressentiment, avec le sentiment que nous avons été trahis.

    Nous pensions avoir besoin de l’autre et cet autre n’est plus là pour assouvir ce besoin, au moins provisoirement… Et c’est là que la vie va changer. Si au lieu de nous décourager et de prendre des décisions négatives, nous regardons au fond de nous-mêmes et nous constatons qu’en nous cet amour est toujours là, blessé peut-être, mais toujours vivant. Et d’abord continuons à aimer tout au long de la journée les personnes que nous rencontrons. L’énergie positive qui est en nous ne se développe pas seulement avec une ou deux personnes privilégiées, mais avec toute l’humanité, et c’est déjà là le premier secret de l’amour.

    Et puis nous commençons à comprendre que nous n’avons pas forcément besoin de la réponse de l’autre, mais nous avons surtout besoin d’aimer l’autre. N’avons-nous jamais fait l’expérience que si nous aimons vraiment l’autre, une petite difficulté, une petite « trahison », va être au fond l’occasion de l’aimer plus encore, en se disant qu’il passe peut-être un moment difficile et qu’il a encore plus besoin d’aide que d’habitude.

    C’est là que nous découvrons si le centre de notre amour est notre « moi » égoïste qui veut posséder l’autre, ou si c’est réellement le bien de l’autre avant notre propre bien.

    Alors vraiment tout change. C’est d’aimer que j’ai besoin avant tout. J’ai seulement besoin de t’aimer pour être moi-même, car si je m’arrêtais de t’aimer je me replierais sur moi pour toujours, je me dessécherais… Et c’est là que nous allons goûter la plus grande liberté. Car notre amour ne va plus être conditionné par la réponse de l’autre. Et la surprise merveilleuse pourrait bien être que l’autre se sente tellement libre avec nous qu’il revienne finalement, car il aura compris  que notre amour était un amour vrai et désintéressé, ce qui est parfois si rare en ce monde…

     

     


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