• Au paradis de Foco (3)

    [Cet article fait suite aux deux articles, publiés le 5 mars et le 16 avril derniers dans cette rubrique, sur le « Paradis d’Igino Giordani », un homme extraordinaire encore peu connu dans la culture de langue française, que nous appellerons désormais « Foco », comme le nommait familièrement Chiara Lubich]

     

    « Le chrétien ne peut pas imaginer une seconde se retirer de l’arène politique, même pour des raisons religieuses, en vue de sauvegarder sa soi-disant vertu.

    « Ce serait une erreur – affirmait Jean XXIII dans l’encyclique Mater et Magistra – de penser que nos enfants, surtout les laïcs, doivent considérer prudent d’atténuer leur engagement chrétien dans le monde : ils doivent au contraire le renouveler et l’accentuer.

    Dans sa prière sublime pour l’unité de son Eglise, le Seigneur ne prie pas le Père pour qu’il retire les siens du monde, mais pour qu’il les préserve du mal […]. »

    Jean XXIII insistait : « L’Eglise aujourd’hui se trouve devant la tâche immense de donner un accent humain et chrétien à la civilisation moderne. »

    C’est le signe que la civilisation risque de devenir inhumaine et païenne, alors que la politique est le premier facteur de civilisation.

    L’Evangile distingue la sphère politique de la sphère religieuse : « Donnez à César ce qui est à César, à Dieu ce qui appartient à Dieu. »

    Distinction et non séparation. Le corps est distinct de l’âme, non pas séparé. Or le corps, tout autant que l’âme, a besoin de rédemption, César tout autant que le pape. Tout ce qui est humain doit être libéré du mal et orienté au bien. La politique est l’art du bien commun : un bien double parce qu’il concerne l’individu et la collectivité, tous et chacun.»

    [Extrait du livre de Jean-Marie Wallet et Tommaso Sorgi « Igino Giordani chrétien, politique, écrivain » Editions Nouvelle Cité p.296-297 ; traduit de l’italien par Jean-Marie Wallet]

     

    Je crois qu’il n’y a pas grand-chose à commenter cette fois-ci : le message est tellement clair !

    D’abord, que je sois chrétien, croyant d’une autre religion ou homme tout simplement, toute l’humanité me concerne, m’intéresse, me passionne. Me couper de la bataille de mes frères humains sous n’importe quel prétexte c’est finalement me mutiler moi-même, être un homme à moitié, car je ne serai jamais pleinement homme que si je reste ouvert à toute l’humanité.

    Ensuite le but de la vie ne sera jamais de m’isoler avec quelques-uns qui me comprennent pour me sentir à l’aise : ce ne serait qu’une illusion qui ne peut pas durer éternellement. Vouloir m’enfermer avec un cercle d’amis ou d’élites qui se sentent supérieurs aux autres ne peut mener qu’à de grandes déceptions. Si je pense avoir hérité de qualités et de talents particuliers (pourquoi pas ? chaque homme en a au fond de lui-même), ce n’est pas pour me retirer du monde et cultiver ces qualités ou ces talents tout seul dans mon coin, mais pour en faire profiter mes frères et mes sœurs en humanité.

    Enfin tout ce qui coupe, tout ce qui divise est finalement diabolique (au sens étymologique du terme). La vie n’avance jamais par des coupures (ce serait le début de la mort) : elle avance par la distinction de réalités différentes qui apprennent à se compléter et à s’harmoniser dans la réciprocité. C’est le secret du bonheur personnel et de la paix civile.

     

    Et pour conclure en deux mots rapides, pour aujourd’hui (mais nous reviendrons souvent sur ce sujet), nous savons bien que la vie est difficile, que l’organisation de la société est pleine de pièges et de problèmes parfois inextricables, mais ce n’est pas en les fuyant que nous serons plus heureux. Si nous voulons au moins être en paix avec notre conscience, nous n’avons pas d’autre choix que de nous lancer dans la bataille de l’humanité, à tous les niveaux, chacun là où il peut donner et se donner. Il y aura sûrement des échecs, des accidents de parcours, mais la joie partagée avec beaucoup d’avoir fait au moins un peu progresser l’humanité sera bien plus grande que toutes les désillusions. Notre vie en tous cas aura eu un sens, un but, une raison d’être et cela est le plus beau cadeau que nous puissions nous faire entre nous et à nous-mêmes.


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