• Ce soir, j’ai de nouveau envie de parler, de crier, tellement je suis ému. Mes amis sont descendus à la manifestation, place des Martyrs au Centre ville de Beyrouth. Moi, je n’ai pas le droit de manifester, c’est normal, je ne suis pas Libanais. Mais personne ne peut m’empêcher de dire l’émotion que j’ai dans le cœur et d’entrer à ma façon dans cette bataille pour l’humanité. Je n’arrête pas de suivre tous ces gens à la télévision qui déferlent sur le centre ville en provenance de toutes les régions du Liban. Tous unis. Et même les canaux de télévision qui, en général ont des voix tellement discordantes, finissent par dire presque la même chose.

    Depuis plusieurs heures, je n’arrête pas de voir des hommes et des femmes, sans distinction d’âge (il y a beaucoup de jeunes mais aussi des gens aux cheveux blancs) d’origine sociale ou autre, tous mélangés, tous d’accord pour sauver leur pays. Mais ce qui m’a touché le plus c’est de voir que chacun s’est senti tout d’un coup important. Des gens qui parfois n’avaient jamais manifesté de leur vie et qui se retrouvent poussés tout à coup, par je ne sais quel instinct ou quel ressort formidable, à dire au monde entier ce qu’ils ont dans le cœur. Car ils ont compris qu’aujourd’hui, finalement il y a des gens qui les écoutent, peut-être pour la première fois.

    Alors oui, toi mon frère libanais, toi ma sœur libanaise, tu as compris cet après-midi que tu es important ou importante. Sais-tu que c’est sans doute la découverte la plus fondamentale de ta vie ? Tu le savais peut-être au fond de toi et tu n’osais pas y croire et tu n’osais pas le dire ? Aujourd’hui, comme par miracle, on dirait que les portes de l’humanité s’ouvrent toutes grandes devant toi. Profites-en. Tu ne sais pas combien de temps cette chance va durer. Demain tu risques d’être déçu si les évènements ne correspondent pas à ce que tu attends.

    Mais je voudrais te supplier de  ne rien regretter. J’espère de tout mon cœur que quelque chose va changer dans notre pays (car le Liban est aussi mon pays), cela prendra certainement du temps. Mais, quoi qu’il arrive, rappelle-toi que tu es important. Tu es important ce soir parce que des gens te voient et t’écoutent finalement à la télévision, mais cela n’est que l’aspect extérieur des choses. Tu es important parce que tu es toi-même, parce que tu « es » tout simplement, parce que tu existes, parce que tu es un homme ou une femme.

    Tu n’es pas important parce que d’autres gens s’en sont aperçus aujourd’hui. C’est bien qu’ils s’en soient aperçus. Mais tu étais important déjà, bien avant, dès le jour où ta mère t’a mis au monde. Tu ne le savais peut-être même pas et pourtant c’est la réalité. Et tu n’es pas important tout d’un coup dans cette bataille sociale, parce que ceux qui semblaient plus importants hier le seront moins demain. Non, je ne suis pas plus important si l’autre l’est moins que moi. Au contraire, ou bien nous sommes importants tous ensemble, et c’est la seule véritable signification de la démocratie, ou bien personne n’est important et nous ne valons pas beaucoup plus que les animaux de la jungle.

    L’avenir est à moi, il est à toi, si nous savons nous battre pour rendre important finalement chaque homme, ou pour lui faire découvrir qu’il n’est pas, dans la société, un simple numéro anonyme perdu dans la foule...


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  • « Tu commences à sentir mauvais ! » « Tu pues ! » « Ton odeur nous a envahis ! » Il y aurait bien des manières de traduire en français le slogan populaire qui court ces derniers jours au Liban. Un slogan qui est devenu une association de personnes et finalement une véritable révolution qui fait tache d’huile.

    Comme je comprends mes amis libanais, surtout ceux qui me connaissent et qui savent bien ce que nous avons vécu ensemble depuis l’année 71 où, si jeune, je suis arrivé au Liban. Puis toutes les années de guerre où la solidarité l’a finalement emporté sur la violence (mais à quel prix !). Les années de reconstruction... J’ai consacré depuis longtemps ma vie au Liban et au Moyen Orient.

    Et pourtant je suis toujours officiellement un étranger ici. Hier j’ai renouvelé mon permis de séjour annuel. Une des clauses pour obtenir ce permis, c’est de promettre que je ne m’occuperai jamais de politique. C’est juste : le Liban aux Libanais. A eux de décider. Alors que faire ? Rester les bras croisés à observer ?

    Je voudrais simplement dire à mes amis que je partage à fond en ce moment  ce qui est en train de bouillir dans leur esprit et dans leur cœur. Je me permets seulement de leur faire une humble suggestion. Profitez de cette « révolution » pour vous unir, pas pour vous diviser encore plus !

    J’ai volontairement traduit notre slogan initial en le laissant au singulier. Car ce n’est pas telle ou telle personne qui « pue » le plus en ce moment ou qui « sent mauvais », mais c’est le diable dont le nom lui-même veut dire division. Ce n’est plus possible de se battre encore contre des personnes, même si elles sont corrompues. Il faut se battre pour des projets positifs. Il faut détourner toute cette énergie merveilleuse vers des solutions concrètes, pas contre des gens, aussi indignes soient-ils, qui ne sont tous finalement que des victimes. Tous les Libanais sont des victimes, victimes des intérêts de la politique et de l’économie mondiales. Et l’Europe, dont je viens, a malheureusement une grande part de responsabilité dans l’affaire.

    Alors, je vous en prie, je vous en conjure, je vous en supplie, ne vous entredéchirez pas encore plus, ni à propos des ordures, ni à propos de l’électricité, de l’eau, du pétrole ou de tout ce que vous voudrez, mais mettez-vous d’accord. Je sais bien que c’est facile à dire. Je sais bien que nos pays européens s’entredéchirent eux aussi pour de vils intérêts économiques ou de partis. L’Europe elle-même tremble sur ses nouvelles bases : il n’y a qu’à voir ce qui se passe en Grèce, en Ukraine, le problème des migrants, etc.

    Mais ici au Liban, vous savez bien que c’est une question de vie ou de mort de notre pays. Alors faites quelque chose. Il y a tellement de Libanais valables, intelligents, dynamiques, positifs, qui croient encore, malgré tout, à l’avenir du pays... Je vous en prie, faites quelque chose !


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  • Je viens de voir à la télévision David Cameron, le premier ministre britannique, en colère contre l’arrivée des migrants venus de France et qui réussissent à traverser la Manche malgré les forces de la police française. Mais le comble, c’est lorsqu’il dit, sans doute pour éviter un problème diplomatique avec la France, qu’il faut aller résoudre le problème à la source, là où ces migrants se jettent à l’eau pour traverser la Méditerranée au risque de leur vie.

    Oui, pour un comble, c’est un comble et insupportable. Mais David Cameron n’est pas le seul responsable. Je crois que presque tous nos dirigeants européens pensent la même chose, ou au moins font semblant de la penser. Car la source de tout ce drame, messieurs les hommes politiques qui tenez plus à votre carrière politique qu’à la justice et à la solidarité humaine, cette source du problème c’est nous ! Ce sont nos pays occidentaux qui exploitent les pays africains et s’enrichissent sur leur dos en les abandonnant à leur misère qui sont la source de ce désespoir.

    Mais peut-on vraiment penser un seul instant que ces « fous » qui se jettent à l’eau dans des barques de fortune au milieu des vagues de la Méditerranée, le font en toute sérénité, par hobby ou plaisir de l’aventure ? Ne voyons-nous pas que nous continuons à lancer nos produits européens sur toutes les chaines mondiales de télévision, en faisant croire à ces pauvres gens que « l’Europe c’est le paradis », pour ensuite leur dire : cette richesse que nous avons construite sur votre dos, excusez-nous, nous ne pouvons pas la partager, restez chez vous dans votre misère et débrouillez-vous.

    Quand est-ce que nous ouvrirons nos yeux et nos cœurs sur la réalité ? Je sais bien que des centaines et des milliers d’européens se battent pour ce combat de simple reconnaissance de la justice. Mais ce n’est pas suffisant tant que nos institutions et nos gouvernements continuent cette politique hypocrite.

    En tous cas, la nature progresse toujours avec la loi des vases communicants. Si nous ne sommes  pas capables de partager spontanément ces richesses, en partie volées, avec nos frères dans le besoin, ils viendront un jour ou l’autre nous les prendre de force. Et s’ils n’ont pas la force des armes ou de l’argent, ils auront au moins la force du nombre contre laquelle nous ne pourrons finalement rien faire. Ce ne serait pas mieux  de nous décider à résoudre ce problème véritablement à la « source » qui est en nous, avant d’en arriver à de nouvelles catastrophes humanitaires ?


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  • Oui, c’est la rubrique « Batailles » et je crois que là il y a vraiment une grande bataille à mener. Contre qui ? Contre l’ignorance peut-être, ou l’aveuglement, surtout contre la peur en général qui va devenir un sujet spécial de notre blog, si je comprends bien.

    Mais aujourd’hui je ne peux plus me taire. Un ami qui vit en France depuis quelque temps m’envoie une vidéo « à diffuser » que « tout français se doit de voir » et cette vidéo s’intitule : « La vérité sur la France ». Pauvre France et pauvre vérité ! On veut nous montrer que l’islam est en train d’envahir la France et que dans 20 ou 30 ans nous serons devenus un pays musulman gouverné par la chariah, la loi islamique... avec un tas de discours et de témoignages à l’appui de cette thèse.

    Ce genre de vidéos est basé d’abord sur la peur et la pire espèce de peur, la peur panique qui n’est plus capable de raisonner, de distinguer le vrai du faux et qui te fait avaler n’importe quelle fausse « vérité ». J’aimerais bien savoir à qui profite une propagande pareille : à des partis extrémistes qui espèrent gagner les élections par la peur, aux marchands d’armes qui vont pouvoir mieux vendre leurs produits si on commence à s’armer pour se défendre ? Ce n’est pas important de le savoir. L’important c’est d’éradiquer cette peur avant qu’elle n’entraîne des catastrophes.

    Ce qui crève les yeux c’est que l’islam est le premier à avoir peur. Il a peur parce que sa religion est en pleine crise, elle est désemparée devant l’évolution de la civilisation moderne (place de la femme dans la société, rôle de la démocratie, mondialisation, transparence, etc.) Le christianisme, le judaïsme ou les religions orientales ont eu leurs périodes de crise, qui ne sont d’ailleurs pas finies. Il y a là tout un discours sur le sens des religions que nous reprendrons bientôt. Ce qui est sûr c’est que l’humanité avance, progresse. Elle recule peut-être par certains côtés, mais on ne peut plus revenir en arrière sur certaines valeurs. Personne ne peut plus se vanter aujourd’hui d’avoir des esclaves. On le fera peut-être autrement, par des voies cachées, mais l’esclavage est un sujet sur lequel la conscience humaine a fait des progrès irréversibles.

    Il en va de même sur le sens des religions. Certains pensent que les religions sont finies. Ce qui est fini c’est d’utiliser la religion pour dominer au lieu de servir. Le christianisme a été bien puni d’être tombé dans ce piège de vouloir s’imposer au monde entier au lieu de respecter chacun dans son identité et de l’aider à se développer. Heureusement des chrétiens sincères et honnêtes ont compris cette erreur, ce péché horrible qui allait tout gâcher, et notre christianisme, affaibli en apparence, est en train de retrouver sa véritable place dans la société, une place irremplaçable lorsqu’il sait humblement se donner pour la dignité et les valeurs de l’homme, sans autre intérêt caché.

    L’islam, qui a pu aider bien des peuples à se développer, est en pleine crise maintenant parce que certains de ses maîtres à penser croient encore qu’ils peuvent dominer le monde. L’humanité qui s’est finalement éveillée ne se laissera jamais faire. Il ne faut surtout pas tomber dans le piège de vouloir combattre cet ennemi de l’humanité (le mauvais et le faux islamisme) sur son propre terrain, en s’armant par exemple physiquement contre lui : ce serait lui donner les armes pour une fausse victoire. Car il se sert de milliers de jeunes désespérés qui sont prêts à mourir pour leur cause, alors que le reste de l’humanité croit trop désormais à la valeur de la vie pour s’engager dans cette horreur.

    Non, le faux islam tombera tout seul. Au lieu d’avoir peur des musulmans, nous devrions les approcher, les accueillir, comprendre leur crise, leur redonner confiance, leur dire que nous sommes avec eux dans cette recherche d’une religion au service des valeurs humaines, que nous aussi nous avons eu nos crises, que l’avenir de l’humanité sera meilleur quand toutes les religions s’uniront entre elles (avec aussi tous les hommes de bonne volonté qui n’ont pas de référence religieuse) pour servir l’homme tout simplement. Tout le reste est du temps perdu et gâché qu’il faudra rattraper par la suite avec le remords de s’être laissé tromper par cette peur inutile et malsaine. Vous voyez vraiment les choses autrement ?


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  • « 2015, année record pour l’industrie de l’armement de la France. »

    Tel était le titre d’un article du journal Le Monde du 30 avril dernier. Et l’article expliquait : « Avec trois contrats Rafale en moins de trois mois en Égypte, en Inde et au Qatar pour 84 avions de combat, et bientôt 50 hélicoptères en Pologne, la France s’apprête cette année à connaître la meilleure vente d’armes à l’exportation de son histoire. Habituellement classés au troisième ou au quatrième rang mondial, les Français pourraient même détrôner les Russes de la deuxième place cette année, s’ils franchissent la barre des 20 milliards de dollars (18 milliards d’euros). »

    J’avoue que tout à coup j’ai eu honte d’être français. Ce ne sera ni la première ni la dernière fois que ce sentiment m’envahit. Cela ne m’empêche pas par ailleurs d’être fier de mon peuple et de mon identité, comme chacun dans ce monde a le droit et peut-être même le devoir d’être heureux d’appartenir à une nation qui a su au cours des siècles contribuer souvent positivement au progrès de l’humanité.

    Mais pourquoi tout gâcher justement par des actions, des attitudes, des décisions qui semblent venir renier toute une chaîne de valeurs qui pouvaient faire de notre pays une pierre positive dans la mosaïque de la construction d’un monde plus humain. Combien de fois, dans ma longue vie au Moyen Orient, j’ai été désorienté en voyant la France se lancer dans des initiatives de paix dans la région et en même temps écouler ou vendre des armes sur le terrain !

    Mais l’hypocrisie la plus grande, c’est lorsqu’on essaye de faire croire à notre peuple que les armes françaises sont « propres » parce qu’elles sont au service d’une bonne cause, qu’elles sont là pour défendre des peuples opprimés, alors que le but principal de nos hommes politiques (de droite comme de gauche) est de développer l’économie française, de lutter contre le chômage dans notre pays et surtout de pouvoir gagner aux prochaines élections par tous les moyens.

    Comment peut-on faire croire que toutes ces armes vendues ces derniers temps dans les pays du Golfe, en Afrique ou en Asie vont apporter la paix ? Il ne faut pas être très intelligent pour comprendre que, lorsqu’on a beaucoup d’armes à sa disposition, on a à chaque instant de telles occasions de s’en servir (toujours pour la « bonne cause ») qu’on ne cesse de tomber d’un conflit dans l’autre au lieu de privilégier le règlement diplomatique des problèmes.

    Et quand un pays est dévasté par la guerre, comme l’Irak et la Syrie en ce moment, on a bonne conscience d’accueillir sur le territoire français quelques dizaines ou centaines de réfugiés et de se demander (sans rien faire de vraiment concret) comment empêcher les autres malheureux, désespérés, de se jeter à la mer pour essayer de parvenir en Europe par n’importe quel moyen !

    On ne peut pas continuer à augmenter la production des armes dans le monde, avec l’excuse horrible que, si nous ne vendons pas nous-mêmes des armes, nous qui sommes « les bons », ce seront « les méchants » qui le feront à notre place ! Nous sommes en train de devenir tous « les méchants », si nous ne décidons pas d’intervenir par des accords internationaux pour arrêter d’urgence cette course folle à la mort. Il y a là une bataille inéluctable à mener de tout notre cœur.  


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