• Oui, c’est le titre d’un article publié cette semaine dans l’Orient Le Jour. Le titre complet disait : « En Syrie aujourd'hui, tout est détruit, même les gens. » Qui va dire le contraire ? La Syrie est en grande partie un champ de ruines dont on se demande comment elle va se relever.

    Et pourtant je n’ai pas aimé ce titre. L’article qui suit est émouvant. Il donne le témoignage d’un journaliste et photographe syrien qui continue à vivre dans son pays, même au risque de la mort presque chaque jour.

    Mais pourquoi ce titre ? Pour faire appel à la conscience des responsables de ce massacre ? Il y en a beaucoup, de l’intérieur come de l’extérieur du pays. Et j’ai moi-même souvent dit ce que je pensais, en tant que citoyen européen, de la grande responsabilité des occidentaux dans ce drame humanitaire épouvantable.

    Mais il existe aussi une responsabilité terrible des médias dans toute cette histoire. Et ce n’est pas en continuant à faire voir les spectacles de désolation d’Alep, de Homs ou d’ailleurs que l’on va aider nos amis syriens à reprendre espoir. Pourquoi nos médias ne passent-ils pas plus de temps à montrer le courage et la solidarité de ceux qui sont restés dans leur pays malgré tout, par choix réfléchi ou parce qu’ils ne savaient pas où fuir ?

    Ce journaliste lui-même dont on rapporte les propos, est quelqu’un qui continue à se battre de tout son cœur pour son pays, ce qui veut dire que lui, au moins, n’est pas encore complètement détruit. Je connais des amis syriens qui ont organisé ces jours-ci une rencontre de jeunes de plusieurs jours, avec 85 participants venus de toute la Syrie, même des régions les plus meurtries. Les photos qu’ils nous ont envoyées témoignent d’une joie immense au milieu de la souffrance. Tant qu’il y a la vie, dit le proverbe, il y a l’espoir. On doit multiplier et aider à multiplier ces initiatives et les faire connaître partout autour de nous.

    Je me souviens d’un titre paru dans les médias européens au début de la guerre du Liban qui allait durer 16 ans : « Tout Beyrouth brûle ». Ce titre avait complètement affolé ma famille en France et pourtant nous continuions à vivre sous les bombes et à nous organiser. Et le Liban n’est jamais mort et chaque jour il se relève de ses blessures et de ses ruines, jusqu’à aujourd’hui. Si l’on pouvait être du côté de ceux qui se battent encore pour un monde meilleur qui existe en chacun de nous. Si ce titre provocateur pouvait nous amener à ce résultat, ce serait bien. Mais qu’on ne s’arrête jamais à la mort et à la destruction, c’est un chemin sans issue !

     

     

     


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  • Je suis tombé récemment, dans un recueil de citations, sur une citation de Louis Calaferte (écrivain français mort en 1994) tirée d’un livre qu’il a publié en 1990. Dommage qu’il ne soit plus là pour qu’on puisse dialoguer. Mais je me demande où il a pris ses idées sur l’essence du christianisme. Voyez plutôt :

    « Dans cette civilisation de masse, quoi de plus logique que le progressif affaiblissement du christianisme qui, en essence, est distinction de l’individu, appel réitéré à sa dignité, son effort, sa valeur, sa discipline morale, sa maîtrise, sa grandeur ? En quoi cela concernerait-il cette fourmilière promise non pas à quelque sublimation future, comme certains imposteurs politiques y ont intérêt, ou certains optimistes irréfléchis le prétendent, mais à l’épreuve d’une terrible barbarie ; car la seule et dramatique question qui vaut aujourd’hui d’être posée est celle-ci : quand et de quelle façon se produira la réduction du nombre ? » 

    En espérant que cette citation ne soit pas la pensée de notre écrivain, mais peut-être d’un personnage imaginé par lui, je ne voudrais pas commettre d’injustice et je réponds donc seulement à la citation qui m’a véritablement scandalisé. Si c’est cela le christianisme, une religion d’individus qui se croient une élite digne de mépriser la masse ou la fourmilière du peuple ignorant et barbare, alors je peux comprendre que le christianisme n’a pas grand-chose à dire à l’humanité d’aujourd’hui et de toujours.

    Il y a là une confusion terrible contre laquelle il faut vraiment savoir se révolter si l’on croit encore en la force et la beauté du message de Jésus. Bien sûr que Jésus est venu pour libérer l’homme, chaque homme, de l’esclavage de la masse anonyme où chacun n’existe que comme un numéro insignifiant. L’Evangile est venu redonner à chaque personne son importance unique. Chaque homme, chaque femme ont autant de valeur que l’univers entier, car ils représentent le miracle de l’homme créé à l’image de Dieu qui dépasse en grandeur et dignité tout le reste de l’univers.

     

    Mais ce n’est pas l’individu tout seul qui est important, détaché des autres. Jésus est venu créer une civilisation de l’amour : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » A cette condition seulement, Dieu vient demeurer en nous et nous en lui. Et personne ne sera jamais exclu de ce grand dessein d’amour sur l’humanité, même la personne la plus faible, la plus démunie, comme l’a bien compris Mère Teresa dans les rues de la « fourmilière » de Calcutta. Je suis important, parce que je suis « moi » et non pas « toi », mais je suis « moi » avec « toi », sinon je ne suis rien qu’une pauvre épave à la dérive sur l’océan d’une humanité en guerre et en tempête où chacun essaye de s’en tirer comme il peut en écrasant les autres au lieu de les sauver avec lui. Ou le christianisme revient à ses racines merveilleuses, ou bien il sera bientôt balayé définitivement par le vent de l’histoire comme le pensent déjà de nombreuses personnes. Et elles n’ont pas tort si le christianisme s’est réduit à la gloire d’une élite d’individus !


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  • Je sais que je l’ai déjà dit plusieurs fois dans mes articles, mais je crois que je n’ai pas encore été assez clair : une guerre ne se gagne jamais, une guerre se perd toujours !

    A une époque où l’hypocrisie de nos gouvernements occidentaux essaye d’éloigner les guerres de leurs pays en les portant chez les autres, il est temps de se battre pour une véritable culture de paix : on ne peut jamais gagner une guerre, on peut seulement gagner la paix.

    Vous allez me dire que l’histoire dément mes affirmations, que toutes les guerres ont eu un vainqueur et un vaincu depuis que le monde est monde. Et pourtant c’est faux. Oui, j’ai bien appris à l’école que la France avait gagné la première guerre mondiale en 1918 et la deuxième en 1945. Eh bien essayons de voir les faits tels qu’ils se sont réellement déroulés.

    La France et ses alliés ont été déclarés vainqueurs de la guerre en novembre 1918 et tout le pays est encore parsemé de monuments avec les noms de nos héros qui sont tombés au front. Si c’est cela gagner la guerre, que de voir des milliers et des milliers de nos concitoyens morts, blessés physiquement ou psychologiquement, sans compter toutes les destructions et les pertes matérielles ? Mais la preuve que la guerre n’avait pas été gagnée, c’est que tout y a été fait pour préparer une revanche terrible et à peine 21 ans plus tard a éclaté une nouvelle guerre plus horrible que la première avec des millions et des millions de morts.

    Mais, en 1945, un nouvel élément est intervenu. Des hommes hors du commun, d’Allemagne, de France et d’Italie, les trois pays qui avaient été le plus au cœur des combats, ont décidé qu’il fallait tourner la page, qu’il fallait sortir de cette mentalité de vainqueurs, de vaincus et de revanche, et que l’unique solution acceptable désormais était de construire tous ensemble la paix.

    Et c’est là que la paix a gagné, car la paix est dans l’intérêt de tout le monde, tandis que la guerre est toujours dans l’intérêt (apparent) d’une partie contre l’autre. Et combien l’Europe se porte mieux depuis ! Mais elle n’a pas encore vaincu tous ses démons. Les fabricants et les marchands d’armes ont réussi à faire croire que nous étions en danger dans d’autres parties du monde et qu’il y avait là-bas de nouvelles guerres à gagner. Des guerres moins meurtrières pour nous, puisqu’il suffisait de tirer de loin en restant soi-même à l’abri. Sans considération, bien sûr, pour les populations locales qui allaient à leur tour connaître l’enfer !

     

    Mais si nous avons mis tout notre cœur pour construire une nouvelle Europe pacifique, ne voyons-nous pas que faire la guerre ailleurs est comme se tirer une balle dans les jambes ou dans les bras, car un jour ou l’autre la violence semée nous retombera dessus ? Il n’y a qu’à penser aux questions du terrorisme et des réfugiés, pour voir que la guerre n’est jamais une solution. Alors pourquoi ne faisons-nous pas tous les efforts possibles, mais de tout notre cœur, pour gagner la paix. De quoi avons-nous peur ? Que les autres profitent de notre faiblesse apparente pour nous écraser ? Quelle belle excuse ! Mais nous reviendrons encore souvent sur ce sujet !


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  • Nous passons le plus clair de notre vie à nous battre avec le temps. Le temps nous tourmente, nous excite, nous fatigue, nous effraie, nous attire, nous surprend, nous console parfois, nous désespère ou nous encourage, mais il ne nous laisse jamais indifférents. On pourrait penser trouver le bonheur le jour où nous aurions définitivement résolu notre bataille avec le temps, mais voilà le grand problème : avec le temps il n’y a justement jamais rien de définitif. La solution ou le problème de ce matin sont déjà dépassés par de nouvelles réalités qui viennent de s’imposer à nous et qui changent tout. Alors que faire, se résigner à vivre toute notre vie dans un provisoire angoissant où l’on n’est jamais sûr de rien ? Ce n’est pas facile de savoir s’en sortir.

    Et pourtant, je crois que chacun de nous a fait l’expérience, à certains moments privilégiés de la vie, de la beauté et de la bonté du temps. Le temps nous fait déjà dépasser la routine, car il change sans cesse. Il nous permet de relativiser nos problèmes ou même de les oublier parfois pour toujours. Le temps est aussi un grand maître, un grand pédagogue qui nous donne chaque jour de nouvelles leçons. Le temps nous apporte parfois de belles surprises complètement inattendues qui nous font respirer.

    Mais, à côté de cela, il y a bien sûr toutes les expériences négatives qui sont liées à ce temps qui ne nous donne jamais un seul instant de répit. Là où nous pensions finalement pouvoir nous installer sur de belles certitudes acquises après de longs efforts, voilà qu’il nous faut chaque matin tout recommencer de nouveau, comme si les conquêtes d’hier n’avaient déjà plus de sens. A chacun de penser ici à tous les malheurs de notre vie qui sont liés aux caprices du temps ou à notre mauvaise gestion de tout ce qui nous arrive, notre incapacité à savoir nous organiser, le sens d’être toujours en retard ou à cheval sur cinquante réalités qui s’entrecroisent et que nous ne parvenons pas à harmoniser…

    Toutes les grandes figures de l’humanité nous ont pourtant donné de belles indications. D’abord apprendre chaque jour à vivre « l’instant présent ». Puisque le passé est passé, pourquoi continuer à y « perdre son temps », en nous plaignant de ce qui ne pourra plus être changé, en regrettant les malheurs d’hier, oubliant par là même de regarder si cet instant présent a peut-être quelque nouveau message à nous donner dont nous pourrions bien profiter.

    Et c’est la même chose pour le futur qu’on « perd son temps » à imaginer, qui nous angoisse parce que nous avons peur qu’il s’y répète des problèmes passés qui nous ont traumatisés. Ce futur qui nous fait aussi rêver, dans le bon sens du terme, mais qui nous éloigne finalement de l’attention à ce que nous pourrions vivre « maintenant », avec tellement plus d’intensité.

    Mais parler d’instant présent, n’est pas tout. Encore faut-il savoir l’accueillir, comme on accueille un hôte qui vient nous visiter. L’accueillir de tout notre cœur, l’accepter d’abord tel qu’il est, sans vouloir tout de suite le changer, sans faire « à chaque instant » des comparaisons avec le passé ou avec le futur que nous avions imaginé et qui nous apportent finalement de continuelles déceptions.

    Le bonheur viendra le jour où nous accepterons chaque instant qui se présente à nous comme le plus beau des cadeaux. Une joie inattendue ? Prenons-la à bras le corps, remercions-la, goûtons-la de tout notre cœur et partageons-la avec le plus possible de nos compagnons de voyage sur cette terre. Profitons-en au maximum. Une nouvelle découverte surprenante ? Apprenons ou réapprenons à savoir nous émerveiller de tout ce que le temps invente pour nous chaque jour. De nouvelles épreuves qui pourraient nous accabler ? Ne pensons surtout pas : « Encore ce problème ou ce malheur ! Ce sera toujours la même chose ! » Car aucun moment d’épreuve ne ressemble vraiment au précédent. Et chaque instant nous apporte aussi l’énergie nouvelle qui nous a peut-être manqué hier.

    Ce qui est sûr c’est que notre relation avec le temps peut devenir chaque jour plus pacifique, moins traumatisante, si nous nous exerçons à prendre le temps comme il vient, à l’attendre de tout notre être, comme on attend une grosse vague au milieu de la mer, qui peut nous bousculer, mais qui peut aussi nous porter avec elle, si nous sommes capables de nous jeter, pleins de confiance, dans son eau bienfaisante, de jouer avec elle et de nous laisser aller où elle voudra. La bataille ne sera plus alors une guerre perdue d’avance, mais un jeu d’amour qui fera de notre vie un long voyage toujours plus passionnant. Rêve impossible ? A chacun d’essayer. Personne ne nous en empêche.


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  • C’est effrayant ce qu’on entend ces temps-ci sur les réfugiés, en Europe comme au Moyen Orient ! J’en ai vraiment entendu de toutes les couleurs. Depuis l’accusation d’être des terroristes camouflés, à celle d’être des profiteurs, en tous cas des gens malhonnêtes et menteurs ou tout ce que vous avez dû lire ou entendre vous aussi. Il n’y a pas besoin d’allonger notre liste.

    On devrait avoir honte d’être bien tranquille, à côté de ce drame, dans sa société de consommation, ou au moins c’est ce qu’on essaye de croire ; mais ce n’est pas la société de consommation qui nous apportera la paix intérieure.

    La seule paix intérieure, nous l’aurons le jour où la fraternité grandira dans le monde. Je ne dis pas que l’on doit être naïf et croire à tout le monde. Il y a certainement des réfugiés menteurs ou avec de mauvaises intentions. Mais à cause de ceux-là se donner une bonne conscience et refuser de voir la réalité en face et de nous pencher sur la détresse de nos frères et sœurs désespérés ?

    Le mois dernier, j’ai pu visiter un camp de réfugiés syriens au nord du Liban. Une visite émouvante que je n’oublierai jamais. Des hommes, des femmes, des enfants pleins de dignité, qui essayent chaque jour de s’accrocher encore au peu d’espoir qui leur reste…

    Mais pourquoi sont-ils réfugiés au fond ? Parce qu’ils ont perdu leur maison ou des êtres chers ? C’est souvent le cas. Il peut y avoir une foule d’autres raisons concrètes. Mais j’ai été profondément touché par la simple phrase d’un responsable du camp qui nous a dit :

    « Si ces gens ont fui leur pays, c’est parce qu’ils ont refusé à un certain moment de tuer et de mourir ! » Oui, parce qu’il y a des zones dans leur pays où tout homme adulte, en âge de combattre, est appelé à prendre les armes, qu’il le veuille ou non, et à s’en aller tuer des gens de son propre peuple. S’il refuse, on le menace, on l’emprisonne, on le torture, on s’en prend à ses biens ou à sa famille. Et cela dans tous les camps de cette guerre stupide et absolument inhumaine, attisée encore par les intérêts de la politique internationale.

    Alors qu’aurions-nous fait à leur place ? Et qu’aurions-nous fait en voyant chaque jour nos femmes et nos enfants risquer d’être tués, blessés, handicapés pour toujours par une balle perdue, un obus aveugle tiré au hasard ? Je vous assure que je garderai en mémoire pour toute ma vie les regards de ces frères et sœurs syriens que j’ai rencontrés et je continuerai à me battre pour qu’on puisse les accueillir avec générosité et dans la dignité… en attendant que ce conflit bête et inutile, en plus d’être criminel, finisse par cesser comme toutes les guerres, mais à quel prix ?

     

      


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