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Bonté et naïveté
Il y a quelques jours un de mes lecteurs, « Ienach », a réagi à l’article « Peur de l’islam (2) du 22 décembre dernier dans la rubrique « Batailles » avec ce commentaire intéressant : « La peur n'est jamais bonne conseillère. L'ignorance aussi. Tisser des liens avec l'autre qui est différent...Un peu de géopolitique des courants religieux qui s'affrontent au sein de l'Islam ou du Christianisme peut aussi être utile à connaître afin que notre bonté ne se confonde pas avec de la naïveté. »
J’ai aussitôt répondu à « lenach » en lui disant : « Tout à fait d'accord. J'aime bien la fin de votre phrase : "afin que la bonté de se confonde pas avec de la naïveté." Je crois qu'elle va me pousser à écrire un article sur ce sujet très prochainement. Merci pour cette occasion de dialoguer et donc de se comprendre toujours plus. »
A vrai dire, j’aurais bien aimé savoir qui est « lenach » pour pouvoir porter de l’avant ce dialogue en particulier sur l’ignorance. Car l’ignorance d’une personne qui vit en France sera bien différente d’une personne qui vit au Moyen Orient dans des pays à majorité musulmane.
Mais je voudrais revenir aujourd’hui sur ce sujet de la bonté et de la naïveté. Il est évident que la naïveté est en général perçue, avec raison, comme un défaut, une faiblesse, une lacune. Et il est sûr que la naïveté, trop de naïveté est le plus souvent cause de gros problèmes, même si elle a certainement des aspects positifs sur lesquels nous reviendrons un autre jour. C’est qu’être naïf ne va pas avec la responsabilité nécessaire aux relations humaines.
Mais là où j’ai envie de réagir maintenant c’est sur notre idée de la bonté. Ne voyez-vous pas comme moi qu’on accuse trop souvent la bonté d’être elle aussi bien faible, trop naïve, trop innocente ? Il y a là un problème, car si je peux me passer de la naïveté, je ne peux pas me passer de la bonté. Alors quoi faire ? Etre bon seulement à certaines conditions ou dans certaines circonstances et rester méfiant ou au moins attentif le reste du temps, pour ne pas « me faire avoir » par les autres ?
Je crois profondément que l’homme est bon par nature, même s’il porte en lui tellement de blessures, de conflits, de traumatismes qui le poussent à être violent, méfiant, replié sur lui-même avec toutes les conséquences négatives que cela peut avoir. Mais on ne dira jamais que cet homme est tout entier « méchanceté » alors qu’on dira qu’un autre est « tout amour » ou tout entier bonté. C’est que la « méchanceté » ne peut pas être le fond de notre nature, mais un défaut dont on a hérité, ou qu’on s’est construit au fil des ans avec sans doute bien des causes objectives. Mais personne ne pourra dire qu’il va se réaliser dans la « méchanceté. »
Tandis qu’on peut se réaliser dans la « bonté ». Mais de quelle bonté parlons-nous ici ? D’un sentiment de gentillesse envers les autres qui nous pousse à être polis, attentifs, serviables et en bonne relation avec tout le monde ? Je comprends alors qu’au premier obstacle cette pauvre bonté, bien gentille, va devoir se replier sur soi et se cacher chez elle.
Non, ce n’est pas cela la vraie bonté. La bonté, c’est un choix de vie. C’est décider un jour que l’homme ne peut rien construire sans elle et qu’il faut à tout prix la faire renaître de ses cendres si l’on ne veut pas que l’humanité en arrive à un suicide collectif généralisé.
L’homme, chaque homme ou chaque femme, a certainement un puits de bonté au fond de son cœur. Mais il a tellement peur de l’autre qu’il finit par cacher cette bonté, par en avoir honte. Ou bien il la réserve seulement à sa famille et à ses amis ou à quelques personnes privilégiées.
Non, la bonté est une bataille, c’est celle d’un Gandhi capable d’aimer son peuple mais aussi son ennemi, ou d’un Nelson Mandela qui voulait le bien des opprimés en même temps que des oppresseurs. La bonté ne veut pas dire ignorance ou naïveté. La bonté sait bien comment est la situation, elle connaît les défis que l’humanité doit affronter, mais elle continue à croire qu’on peut s’en sortir.
La bonté, c’est ce qui est au cœur d’une mère dont le fils est en prison, mais qui continue à croire qu’il y a quelque chose de bon dans l’âme de son fils, au-delà des apparences. La bonté n’est pas ignorance, mais c’est un savoir qui sait retrouver en chaque homme ses énergies positives qu’il semblait avoir perdues.
C’est vrai que l’ignorance est dangereuse, mais le savoir aussi ne l’est pas moins. Il existe un savoir qui sait seulement juger l’autre et le condamner, le tuer s’il le faut, au lieu de le sauver de lui-même. Tandis que la bonté qui connaît bien les obstacles et les difficultés mais qui continue à croire jusqu’au bout à la possibilité de l’autre de redevenir meilleur, est l’unique voie pour donner encore de l’espoir à notre humanité en crise. Si vous voyez les choses autrement dites-le moi !
Tags : bon, bonté, bien, bataille, peur, l'autre, responsabilité, relations, vie, homme, construire, humanité, espoir
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Commentaires
2HayatDimanche 7 Février 2016 à 23:24Merci Roland pour ce chef-d'oeuvre de vérité et de "bonté " ! Et non je ne connais pas d'autres moyens pour donner un peu d'espoir à notre humanité malade que j'aime et aimerai toujours ,justement parce qu'elle est en crise et en manque d'amour, d'espoir et presque de raison de vivre !
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Cher Roland,à propos de la bonté de coeur, dans ma vie j'ai souvent rencontré des gens durs , extérieurement, mais c'était une carapace qui cachait une grande bonté et un grand coeur, la société actuelle ne laisse pas bcp de place pour exprimer cette bonté, c'est souvent un champ de bataille dans cette société malheureusement mais on est là pour prouver le contraire.
Heureusement, et malheureusement en même temps, l'homme est libre. Mais quand on choisit de miser sur la bonté en soi et chez l'autre, on se sent tellement mieux et on aide un tas de gens à se sentir eux aussi tellement mieux...