• Ecouter la douleur

    Oui, je voudrais écouter avec vous, ce matin, la douleur du peuple libanais, pour laquelle il n’y a en ce moment aucune réponse, aucune solution…

    Je vous transcris simplement cette citation qui circule ces jours-ci sur les réseaux sociaux, du grand Amin Maalouf :

    « De la disparition du passé, on se console facilement : c’est de la disparition de l’avenir qu’on ne se remet pas. Le pays dont l’absence m’attriste et m’obsède, ce n’est pas celui que j’ai connu dans ma jeunesse, c’est celui dont j’ai rêvé, et qui n’a jamais pu voir le jour. »

    Il y a en tout homme une vocation à l’immortalité. Et il n’est pas besoin d’être croyant en une vie après la mort pour le ressentir. Tout homme qui s’approche de la mort vit dans l’espoir que ses enfants pourront continuer ce pour quoi il s’est battu pendant toute sa vie. Et s’il n’a pas d’enfant, il sait que son peuple portera de l’avant son testament. L’écrivain ou l’artiste qui donne tout son cœur à l’œuvre qui jaillit de ses entrailles, sait qu’il le fait aussi pour la postérité…

    Mais si tout à coup, il n’y avait plus d’avenir… Si les rêves allaient être brisés pour toujours… C’est peut-être là l’aspect le plus tragique, le plus angoissant de ce que vit en ce moment le peuple libanais. Et devant une telle détresse, les mots glissent comme des gouttes d’eau sur un imperméable. Les paroles de consolation, d’encouragement, de condoléances. Chacun se sent impuissant, abandonné au milieu d’un océan immense qui n’aboutit nulle part, parce qu’il n’a plus d’horizon, plus de soleil qui se couche maintenant parce que demain matin il va revenir nous illuminer.

    A certains moments, il n’y a vraiment plus rien d’autre à faire que d’être là sans rien dire, à pleurer avec celui qui pleure, à faire sentir simplement notre présence à ceux qui n’ont même plus les larmes pour se libérer. Mais au fond de cet abîme de souffrance, on sent tout à coup que cette proximité réciproque est déjà tout.

    Si Amine Maalouf, avec son génie et son talent, a réussi à exprimer si bien ce que tout un peuple ressent, c’est qu’il a passé déjà lui-même toute une vie à écouter la douleur de ses frères et sœurs libanais. Il les a écoutés des heures et des jours et des années durant, et il a pu laisser son esprit distiller cette perle de mots rares et bouleversants. Et si Amin Maalouf a fait cet effort de nous donner comme un cadeau cette douleur qui le transperce jusqu’au plus profond de lui-même, c’est qu’il sait que beaucoup de gens vont le lire, des centaines et des milliers, et qu’il va créer entre tous cette communion qui est déjà au fond le début de son rêve qui ne parvient pas à mourir.

    Communiquer, partager, écouter, communier, c’est déjà quelque part faire vibrer cette humanité en nous qui ne mourra jamais et qui ne peut pas rester figée, désespérée, isolée sur elle-même pour toujours…


  • Commentaires

    1
    Hayat Fallah
    Samedi 22 Août 2020 à 14:31
    Sal, a et moi te remercions ! C'est magnifique ...
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