• Indépendance? Oui, mais pour quoi faire?

    Lorsque j’étais enfant puis adolescent, la plupart des pays africains ont acquis leur indépendance. Beaucoup de gens comme mon père, sans doute intellectuel un peu naïf, avaient encore sincèrement la nostalgie de l’époque des colonies, l’époque qui avait permis, pensaient-ils, d’apporter la « civilisation » à tous ces gens...

    Avec le recul de l’histoire, on a pu se rendre compte de toutes les injustices subies par tous ces peuples sous le couvert justement d’une certaine idée de la « civilisation ». Je ne pense pas qu’il soit besoin aujourd’hui de revenir sur ce point. C’est tellement beau lorsqu’une nation peut enfin prendre ses propres responsabilités, décider de son avenir, sans qu’on lui impose de l’extérieur la marche à suivre. La plupart des pays fêtent aujourd’hui leur « fête de l’Indépendance » comme fête nationale, avec tous les fastes qui s’imposent.

    Pour ne pas rester naïfs, on sait très bien, malheureusement, que cette indépendance est souvent bien fragile, que les grandes puissances ou les multinationales économiques ont réussi à trouver de nouvelles manières d’exploiter les nations les plus faibles et de leur dicter dans quelle direction avancer sans qu’elles puissent vraiment protester. Nous en reparlerons plus tard, c’est un sujet tellement important pour l’avenir de l’humanité.

    Mais je voudrais revenir aujourd’hui sur un point de base qui me semble plus important encore et dont on ne parle que si rarement : l’indépendance est une belle et grande chose, un idéal auquel parvenir un jour le plus possible, mais après ? L’indépendance peut-elle être un but en soi, une conquête définitive ?

    Chaque pays est sans doute comme un adolescent qui doit un jour apprendre à se débrouiller dans la vie sans toujours avoir besoin de ses parents. Ce passage de l’adolescence à l’âge adulte est souvent délicat, surtout si les parents le compliquent, mais tôt ou tard advient l’autonomie désirée. Autonomie ne veut pas dire que notre jeune homme ou notre jeune fille se retrouve soudain tout seul, perdu au milieu de la jungle sociale. D’abord notre jeune apprend  à tisser des liens avec ses semblables, il s’éprend d’amitié ou d’amour pour d’autres jeunes comme lui avec lesquels il peut se sentir en confiance et découvrir la vie. Puis, peu à peu, il trouve même un nouveau rapport avec ses parents et les autres générations qu’il côtoie. Si tout s’est bien passé, il se sentira finalement à l’aise avec tout le monde, sans complexe. C’est le jeu de l’humanité, ce jeu de la réciprocité où l’on grandit en accueillant et en donnant à son tour...

    Aucun jeune n’aurait l’idée de fêter le jour de son indépendance, le jour où il aurait quitté par exemple ses parents pour se jeter tout seul dans l’aventure de la vie (ou alors c’est que sa famille était pour lui comme une prison). Ce dont on se souvient plutôt ce sont les dates de nos plus belles rencontres, le jour où j’ai connu tel ou tel ami ou amie, le jour de notre mariage, le jour où j’ai commencé ce travail qui allait remplir toute ma vie, le jour où je suis entré dans cette association qui a donné un sens à tout ce que je cherchais jusque là, le jour où j’ai pu faire un voyage dans un pays de rêve...

    Pourquoi n’en va-t-il pas de même pour une nation, un pays, un peuple ? Pourquoi le jour de l’indépendance serait-il si important ? C’est sans doute justement parce que ce pauvre peuple était auparavant humilié, écrasé, comme dans une véritable prison. On ne va pas lui refuser cette joie de se sentir enfin libre. Mais ce pays sait très bien que sa véritable croissance va se faire par les rencontres et les amitiés avec d’autres peuples. C’était évident autrefois et cela le deviendra toujours plus avec la mondialisation, les relations internationales de plus en plus complexes. L’avenir de l’humanité ne peut pas être dans l’indépendance des peuples, même si c’est là une étape importante et nécessaire. L’avenir de l’humanité ne peut être que dans l’interdépendance, des liens d’amitié réelle, concrète et sincère entre les peuples. L’idéal de l’indépendance continuera à produire des guerres tant qu’un pays ne se sentira pas indépendant.

    L’idéal de l’interdépendance sincère sera le seul moyen d’ôter la peur du cœur des nations, cette peur qui guide encore la plus grande partie de notre politique et qui empêche de faire des calculs constructifs pour l’avenir. L’unité des pays européens est partie d’un sursaut de sagesse au lendemain de la deuxième guerre mondiale, elle a permis de faire bien des pas en avant, mais cette Europe est bien frileuse encore, bien divisée à l’intérieur d’elle-même par tellement de peurs, déclarées ou non. Et surtout notre Europe est encore tellement égoïste : elle laisse au moins les individus ou les associations prendre l’initiative de ces rencontres sincères avec les autres peuples qui sont encore tellement loin de nous, mais combien y a-t-il encore d’hypocrisie dans nos gouvernements qui font semblant d’aider pour pouvoir mieux vendre leurs armes, au lieu de chercher à créer une véritable mentalité de confiance réciproque entre les peuples. Cette rubrique n’en est qu’à ses premiers balbutiements, mais quelle joie ce serait pour nous de rencontrer toujours plus de gens qui croient vraiment que seule l’interdépendance nous sauvera, celle de la réciprocité ou personne n’essaye de dominer l’autre ou de l’exploiter, mais seulement de l’aider de tout son cœur quand il est dans le besoin en sachant bien que l’autre en fera de même le jour où ce sera notre pays qui sera à son tour dans le besoin. Utopie ? Sans doute !  Vous avez une autre solution meilleure ?

     


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  • Commentaires

    1
    Samir N
    Mercredi 18 Février 2015 à 16:22

    tout a fait d'accord à propos de l’interdépendance. Il suffit de penser aux relations économiques:  pétrole, gaz, métaux etc. pour réaliser combien, comme personnes, (sans parler des nations) sommes nous dépendants les uns  des autres. 

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