• La culture du soupçon

    Il y a quelques jours, j’écoutais Margaret Karram, la nouvelle présidente du Mouvement des Focolari, nous parler avec enthousiasme de la « culture de la confiance ». Il est bien évident qu’une véritable culture de la confiance est la seule capable de ramener l’harmonie dans le corps social de cette humanité malade dans laquelle nous vivons. Mais ce qui m’a le plus touché dans les paroles de Margaret, c’est lorsqu’elle nous a encouragés à vivre cette culture de la confiance à la place de la culture du soupçon, ou de la suspicion. Ce sont des mots très forts tout de même. On se serait attendu à une simple allusion à la culture de la méfiance, puisque la méfiance est considérée en général comme le contraire de la confiance.

    Mais non, Margaret a voulu nous faire réfléchir un peu plus profondément. Essayons de nous demander tout à coup : mais serait-il possible que nous nous soyons tombés nous aussi dans le piège du soupçon ou de la suspicion ? Je crois que nous sommes tous contraints d’avouer que, cent fois par jour, il y a un petit moteur qui s’allume tout seul dans notre tête et qui commence à raisonner, à faire des calculs et des comparaisons, à vouloir se défendre contre les autres avant même qu’ils nous aient attaqués, à imaginer un tas de problèmes dans nos relations qui n’existeront peut-être jamais.

    Car la soupçon se base surtout sur de mauvaises expériences passées et voudrait nous obliger à croire que ce soir ou demain tout va mal se passer de nouveau. Alors nous commençons à nous barricader en nous-mêmes pour ne pas nous laisser surprendre par les coups que nous allons recevoir. Et chacun de nous pourrait s’amuser, si l’on peut dire, à trouver des dizaines et des dizaines d’exemples de ce genre qui nous gâchent une grande partie de la journée. Cette personne au travail qui veut toujours prendre la place des autres : si elle recommence ce matin, je lui dis quelque chose ou c’est mieux de me taire et de supporter en silence ? Et ce monsieur qui nous dérange à chaque réunion par ses idées politiques, on arrête de l’inviter ? Et ce voisin qui semble fâché avec nous depuis quelques semaines, quel nouveau coup il nous prépare ?

    Pas besoin d’insister pour comprendre ce discours. Mais alors, sommes-nous tous malades de ce virus du soupçon ? Sommes-nous tous au fond de mauvaises personnes ? Là aussi je crois qu’il faut prendre les choses avec simplicité. Toutes ces pensées ou ces sentiments négatifs qui nous envahissent tout au long de la journée ne sont pas mauvais en soi. Ce sont des réactions naturelles liées à notre histoire, à nos blessures, à nos souffrances. C’est comme la peur : quel mal y a-t-il à avoir peur ? Au départ ce sont comme des réflexes de défense qui jaillissent tout seuls dans notre tête et dont nous n’avons même pas la responsabilité.

    Mais notre responsabilité commence lorsque nous nous laissons prendre au piège, lorsque nous nous réfugions dans ces pensées négatives comme si elles allaient nous protéger contre les coups que la société ne cesse de nous donner. Alors que c’est justement le contraire qui va nous libérer. Dire à la peur ou à ces raisonnements négatifs : d’accord vous avez peut-être des motifs de penser de la sorte, mais moi, j’ai autre chose de bien plus intelligent à faire, je m’occupe toute la journée d’aider les gens à reprendre confiance en eux. Et c’est tellement rare de trouver des personnes positives dans ce monde malade que cela crée un courant de paix, d’espoir, de dialogue constructif si enthousiasmant que nous n’avons bientôt plus le temps de nous occuper de toutes ces peurs qui voudraient nous faire considérer chaque homme ou chaque femme autour de nous comme un ennemi potentiel contre lequel élever des murs de protection pour ne plus risquer de nous faire mal de nouveau.

    La culture de la confiance est un véritable vaccin qui détruit peu à peu en nous les cellules de méfiance, de soupçon et de suspicion et voilà que nous nous sentons tellement mieux et que les gens viennent nous voir parce qu’ils se sentent finalement à l’aise. Parce ce n’est pas si difficile que cela de changer le monde autour de nous. Mais il faut être vigilant, ne pas se laisser prendre à tous ces pièges négatifs qui nous guettent du matin au soir. Et surtout aller chercher ceux qui ont déjà commencé à cultiver la culture de la confiance et, avec eux, partir à la recherche de ceux qui sont encore hésitants et faire triompher peu à peu cette confiance et cet amour de l’humanité qui sont les seuls à pouvoir nous faire respirer.


  • Commentaires

    1
    JPR
    Dimanche 2 Mai 2021 à 09:22

    Marx, Nietzsche et Freud au placard ? Ces maitres du soupçon sont-ils dignes de confiance ?

      • Dimanche 2 Mai 2021 à 16:07

        Cher Jean-Pierre, si tu as bien lu mon article, évidemment que Marx, Nietzsche et Freud sont dignes de confiance, d'abord parce que toute personne est par essence digne de confiance, ensuite parce que ces trois là sont des génies et qu'ils ont certainement quelque chose à dire à l'humanité. Toi, tu les définis comme "maîtres du soupçon" et tu me demandes donc comment je vais m'en tirer à faire confiance à qui ne fait pas confiance, c'est un peu un jeu de mots pour me provoquer? Au delà de cette caricature, il y a évidemment une question importante à approfondir, mais un pauvre article de blog ne suffirait pas ici... Si ça t'intéresse de continuer ce dialogue, on peut le faire par mail...

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