• La théorie du complot

    Le 4 janvier dernier, j’ai publié ici, dans la rubrique « Désorientés » un article intitulé : « Pourquoi servir la haine ? » parce que j’étais scandalisé par une certaine presse occidentale qui continue à verser de l’huile sur le feu dans les conflits au Moyen Orient ou en Afrique, au lieu de mettre en valeur tous les efforts de paix qui existent malgré tout dans beaucoup de ces pays.

    Jean-Pierre Rosa, ami français de longue date et qui lit de temps en temps notre blog, n’a pas été tendre avec moi : je cite une partie de son commentaire : « Encore une fois je me méfie de toute "théorie du complot" et de toute explication préparée d'avance. Ton petit passage :"Beaucoup de gens, ici au Moyen Orient, ont déjà leur interprétation toute prête : l’Occident et les Etats-Unis en particulier ont décidé de faire la guerre à l’islam." me semble être un cas typique d'absence de sens critique. Avoir une interprétation toute prête est une façon de ne pas penser, ou de refuser de penser. J'ai lu la suite de ton texte. Visiblement tu aimes l'Orient. Et tu te dis : mais comment se fait-il que, dans un pays aussi beau, il y ait tant de guerre. Et, comme cela ne peut pas venir de l'Orient lui-même, tu invoques l'étranger. Un complot ! Eh bien je te demande de réexaminer tes affirmations. Lorsqu'en France le FN gagne du terrain je ne dis pas que c'est la faute au monde arabe ! C'est notre faute à nous, Français, qui ne savons ni intégrer, ni répartir de travail, ni résister à la financiarisation de l'économie… »

    D’abord, je voudrais remercier Jean-Pierre qui a pris le temps de lire et de commenter mon article en disant sincèrement ce qu’il en pense. J’aimerais bien que mes lecteurs soient moins timides et me disent vraiment le fond de leur pensée : c’est toujours une occasion d’échanger, de se comprendre un peu plus et c’est comme cela que ce blog deviendra de plus en plus « notre » blog.

    Mais je voudrais surtout dire à Jean-Pierre qu’il avait raison et que, moi qui pense être devenu optimiste, j’étais sans doute retombé ici encore dans une nouvelle petite crise de pessimisme. Car voilà que, à la surprise presque générale au Liban, les deux figures principales des hommes politiques chrétiens du pays, Samir Geagea et Michel Aoun, qui se traitaient de tous les noms il n’y a pas si longtemps, alimentant la division entre les Libanais, ont décidé de faire maintenant front commun pour sauver le pays.

    Je voudrais quand même dire à Jean-Pierre que s’il vivait ici au Liban, il se rendrait compte que les ingérences étrangères sont évidemment bien plus puissantes, dans un pays de 5 millions d’habitants comme ici, que dans un pays de 66 millions comme la France. Mais malgré la fragilité du pays, voilà que ses habitants veulent montrer au monde que s’ils sont unis personne ne peut décider pour eux l’avenir de leur pays. Et là est la leçon de l’histoire. Sans compter que les manifestations populaires de ces derniers temps ont sans doute beaucoup contribué à ce changement historique.

    J’écris cet article dans la rubrique « Interdépendance », car je suis de plus en plus persuadé qu’aucun pays ne peut désormais faire n’importe quoi tout seul, mais cela n’enlève rien à la responsabilité de chacun et de chaque peuple dans la recherche de solutions positives et constructives pour l’avenir de leur pays, de la région et du monde entier.

    Et ce qui est encore plus positif dans ce tournant de la politique libanaise, c’est que nos deux leaders se sont bien empressés de déclarer que cette nouvelle « unité » n’est contre personne. Elle est là seulement pour sortir le pays de l’impasse dans laquelle il était tombé. Et ce nouveau pas ne peut qu’être bénéfique à tous les Libanais et toutes les communautés du pays, car il sera aussi un motif de plus pour empêcher nos amis sunnites et chiites de tomber à leur tour dans le piège d’un conflit interconfessionnel comme dans les pays voisins.

    Le Liban ne va pas guérir comme cela, par miracle, d’un jour à l’autre. Mais ce nouvel accord est bien la preuve que la bonne volonté et le sens de la responsabilité sont le meilleur remède à toutes les formes de corruptions, à toutes les ambitions individuelles ou de partis, à toutes les ingérences internationales et à toutes les tentatives de se servir des autres au lieu de les servir dans la réciprocité.  

     

     


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  • Commentaires

    1
    JPRosa
    Mardi 19 Janvier 2016 à 10:07

    Bravo à toi Roland ... et surtout au Liban ! Tu as raison : ce tout petit pays subit plus que raisonnable. J'ai surtout beaucoup aimé

    cette phrase : "aucun pays ne peut désormais faire n’importe quoi tout seul". Tellement vrai !

    2
    Hayat
    Mercredi 20 Janvier 2016 à 14:50
    Merci Roland !je ne savais quoi penser de l'accord entre nos deux hommes politiques qui ont divisé le pays pendant de trop longues années : faire confiance ? Penser qu'ils ne vont pas tarder à se "chamailler" à nos dépends ? Quelle magouille se cache encore derrière cet accord ? Tu m'as donné le coup de pouce pour faire le pari de la confiance ! Et puis tu es le seul à faire le lien entre le mouvement populaire des derniers mois et ce qui se passe aujourd'hui !
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