• Le droit, le devoir ou la liberté?

    Si on nous demandait ce qui est le plus important pour notre vie, notre personnalité, notre identité, est-ce que ce sont nos droits, nos devoirs ou notre liberté ? Ce n’est pas si évident que cela de répondre…

    Nos droits sont tellement importants. Le monde a fait de grands pas en avant avec la déclaration universelle des droits de l’homme, tout de suite après la tragédie de la deuxième guerre mondiale. Mais nos devoirs aussi ont une grande valeur. On parle toujours de l’équilibre entre les droits et les devoirs du citoyen. Et quant à la liberté, elle est souvent conditionnée justement par nos droits et nos devoirs envers les autres dans la société…

    Pour ne pas être trop long, je vais vous dire tout de suite que je n’aime pas beaucoup les droits et les devoirs. J’ai l’impression que quand on passe son temps à revendiquer ses droits on devient souvent amer ou même replié sur soi. Et quand la vie est un passage incessant d’un devoir à l’autre envers nos frères et sœurs en humanité, tout cela devient bien lourd à gérer.

    Je crois que la vie est au fond comme une belle promenade en montagne. La montagne est belle et attirante, mais nous savons aussi qu’elle est pleine de dangers et de menaces. On ne fait pas n’importe quoi pour arriver au sommet qui nous attend. Il y des règles élémentaires à respecter, envers la nature et envers nos compagnons de randonnée. Mais ces règles, ces droits et ces devoirs du randonneurs ne sont pas une obsession, ce sont seulement comme les barrières ou les parapets qu’il faut respecter pour ne pas tomber dans un précipice. Mais l’essentiel de notre bonheur est de contempler le sommet qui s’approche et la vue sur la vallée qui devient toujours plus vaste et surprenante, les détours du chemin qui deviennent continuellement de nouvelles surprises. Et puis la beauté des fleurs, le mystère de la forêt, toute cette nature qui semble nous faire fête du début à la fin de notre excursion.

    C’est cela qui constitue le plus beau de notre existence : le bonheur de vivre et de se laisser porter par la vie. Les droits et les devoirs sont en quelque sorte des accessoires, nécessaires pour aller de l’avant, mais ils ne sont pas notre bonheur. Tandis que c’est notre liberté qui va faire au fond notre vrai bonheur.

    Mais là aussi de quelle liberté parle-t-on ? Si je parle de ma liberté extérieure, celle d’exercer mes droits par exemple, je vais continuellement me plaindre de ce qui m’arrive, car nos droits n’arrêtent pas d’être menacés ou carrément bafoués. Que doit dire un Libanais, ces jours-ci, qui ne trouve plus d’essence pour sa voiture, de pain dans les boulangeries et qui n’a plus que deux ou trois heures d’électricité par jour. Ce ne sont pas là des droits élémentaires de la vie de tous les jours ? Alors, quand on y ajoute le droit d’un malade à acheter des médicaments ou d’être accueilli dans un hôpital, on passe vite de la tristesse au désespoir ou à la dépression. Mais que faire ? J’ai des droits, mais je n’ai plus le droit de vivre. Et les gens autour de moi ne respectent plus leurs devoirs. La société s’écroule et on se demande comment elle va se relever.

    C’est là que l’on peut se tourner vers la vraie liberté que la vie nous a donnée à notre naissance. C’est d’abord la liberté de vivre, dans le sens plein de la parole, c’est-à-dire d’être moi-même, d’aimer, d’accueillir l’autre et de me donner à lui. Profiter de tous les talents que je découvre chaque jour au fond de mon cœur et de mon esprit et que je peux faire fructifier pour redonner de l’espoir à ceux qui l’ont perdu. Alors si aujourd’hui, je ne suis pas libre d’acheter du pain, pourquoi me désespérer ? Car personne ne pourra jamais me prendre cette liberté d’être moi-même, d’aimer et de me donner qui fait l’essentiel de mon vrai bonheur.

    Facile à dire, penserez-vous ? Et pourtant c’est ce que je vis et nous vivons ici au Liban depuis des mois et chaque jour nous sommes émerveillés par la joie que nous avons de voir grandir la solidarité entre une foule de gens, de découvrir que la liberté intérieure est sans limite, comme celle de ce grand ami qui est mort récemment et qui a vécu les deux dernières années de son existence sur terre entre le lit de sa chambre et celui de l’hôpital, mais qui était tout le temps disponible à recevoir des gens, amis ou inconnus et à partager avec eux son bonheur, comme si tout le reste n’était que secondaire. Mais cette liberté ne peut se vivre qu’ensemble avec des personnes avec lesquelles nous partageons la confiance réciproque et qui nous donnent la force d’arriver au sommet de notre montagne quelles que soient les circonstances…


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