• Les dangers de la dialectique

    Je pense que nous avons tous été formés par la dialectique, à l’école, au collège, au lycée ou à l’université. Tous nos devoirs et nos examens tournaient autour de ces fameux concepts de « thèse, antithèse et synthèse ». Cela nous a sûrement fait du bien, cela nous a appris à raisonner, à relativiser nos idées, à comprendre que tout n’est pas ou tout noir ou tout blanc. S’ouvrir à la dialectique, c’est accepter d’écouter une pensée qui semble au départ complètement en contradiction avec mes convictions, c’est finalement me faire à l’idée que j’aurai toujours besoin de l’autre pour parvenir à une synthèse plus complète et plus enrichissante…

    Mais la dialectique, c’est malheureusement aussi s’opposer trop facilement à l’autre, chercher ce qui ne va pas en lui et essayer finalement de le démolir ou au moins de démolir ses idées, soi-disant pour l’aider, mais tellement souvent pour se débarrasser de lui. Et en ce sens, je n’aime pas du tout ce concept d’antithèse. Il y a toujours un danger à être « anti » quelque chose, comme les « antibiotiques » qui servent en principe à guérir mais qui détruisent aussi la santé par un autre biais. On devrait se résigner à être « anti » seulement quand on a cherché sincèrement toutes les autres solutions possibles et qu’on n’en a pas trouvé.

    On ne doit jamais oublier que c’est cette « dialectique » de l’antithèse qui a fait naître le monstre du communisme moderne. Les riches ont pris le pouvoir et oppriment le peuple et les pauvres ? Je supprime les riches, je me débarrasse d’eux et il n’y aura plus de pauvres et la société deviendra un paradis. Mais on ne peut pas tuer quelqu’un ou se débarrasser de lui en prétendant arriver ainsi à une synthèse harmonieuse…

    Je crois que le remède aux dangers de la dialectique est d’abord une question d’écoute et de confiance. Commencer à se mettre devant l’autre dans la position de s’émerveiller de ce qu’il est et de ce qu’il pense, ou au moins de s’intéresser sincèrement à sa personnalité, à ses actions, à ses suggestions, être capable de découvrir en chacun un aspect qui va m’enrichir et me faire du bien, au-delà de la première impression qui est parfois tellement négative, car on s’arrête souvent aux apparences extérieures au lieu d’entre dans le cœur de l’autre.

    Quand on apprend à écouter l’autre sans vouloir s’opposer tout de suite à ce qui ne nous plaît pas en lui, un monde nouveau de relations s’ouvre à nous. C’est d’abord la surprise de l’autre de rencontrer quelqu’un qui l’accueille sans préjugé, sans étiquette mise à l’avance. Cet accueil est tellement rare dans la jungle de notre société si souvent basée sur la peur d’être mangé par l’autre ou trompé par lui. La dialectique est encore pleine de peur. L’accueil et l’écoute sont le meilleur chemin pour arriver à une vraie synthèse qui fera respirer tout le monde. Car en général les discussions où l’on passe tout de suite à l’antithèse, comme par principe, avant d’avoir écouté l’autre, ne parviennent qu’à un dialogue de sourds qui ne débouchera jamais sur aucune synthèse. Chacun de nous s’enferme alors dans sa tour d’ivoire, invente chaque jour de nouveaux arguments plus forts et plus malins pour se protéger des attaques de l’autre et notre pauvre monde crée chaque jour de nouvelles guerres qui ne savent plus s’arrêter. A chacun de choisir quel est le but de sa vie…

     


  • Commentaires

    1
    JPRosa
    Jeudi 4 Juillet 2019 à 11:32

    Je comprends bien ce souci d'une synthèse qui soit une vraie synthèse et qui ne s'arrête justement pas à l'antithèse mais je trouve

    dommage de ne pas mettre en avant l'intérêt profond et quasi spirituel de l'exercice de la dissertation. Celle-ci permet en effet d'

    intérioriser le mouvement d'affirmation, négation et  ... synthèse justement. Bien sûr c'est un exercice rhétorique mais, bien compris,

    ce peut être aussi une école de vie et d'intelligence de l'autre. En me forçant à poser ma propre conception, je me clarifie, 

    puis, en essayant d'imaginer une position antinomique de la mienne, je perds ma propre affirmation, ce qui est proprement

    spirituel, puis en imaginant une position qui dépasse la mienne et celle de mon supposé adversaire mais qui les contient toutes

    les deux, je fais là aussi un exercice spirituel qui me force à abandonner cette fois les deux postions précédentes pour aller à la

    recherche - et là c'est toujours une aventure - d'un ailleurs qui les dépasse et les englobe. D'où l'importance de l'étude car,

    contrairement à ce que l'on en dit trop souvent, c'est une école de vie

     

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