• Liberté impossible?

    Puisque nous sommes dans la rubrique « provocations », vous n’allez pas vous fâcher avec moi si je vous provoque un peu. On dit souvent que la liberté, c’est pouvoir faire ce qu’on veut. Pourquoi pas ? Ce n’est pas une si mauvaise définition. Quelquefois même ça marche. Mais, avouez quand même que, le plus souvent, cette liberté ne va pas bien loin. Il suffit que quelqu’un ait juste envie de faire le contraire de ce que je voulais et voilà mon projet à l’eau. Et puis il y a les circonstances de la vie quotidienne, les imprévus qui viennent souvent tout gâcher. Sans compter les limites de toutes sortes de temps et d’espace. Depuis les désirs tout simples de vouloir visiter un ami et d’apprendre qu’il est occupé, jusqu’aux rêves plus profonds de voyages ou de projets professionnels ou familiaux qui ne peuvent se réaliser...

    Alors nous ne sommes pas libres ? Ou bien nous le sommes un peu, ou de temps en temps seulement, si nous avons de la chance, si nous sommes nés sous une bonne étoile ? Nous sommes condamnés à vivre une vie à moitié ? Car il est difficile d’imaginer une vraie vie sans liberté. Sans dire quand même que nous sommes les esclaves des autres ou des circonstances, nous nous résignons souvent à une vie parfois intéressante, parfois triste ou ennuyeuse...

    Et pourtant ne sentons-nous pas qu’être homme cela veut dire être libre ? Les plus grands combats pour l’humanité, ceux d’un Gandhi ou d’un Nelson Mandela, dont nous avons déjà beaucoup parlé dans notre blog, étaient au départ des combats pour la liberté. Car l’homme sent un appel immense à ouvrir toujours plus de nouveaux horizons où il pourrait enfin s’épanouir et développer tous ses talents, satisfaire tous ses rêves, sinon les plus fous, du moins les plus naturels, ceux qui lui permettent vraiment de se réaliser. Tout cela serait finalement impossible ou presque ?

    C’est maintenant que je vais vous provoquer. Et si nous retournions complètement notre phrase ? Non pas « je fais ce que je veux », mais « je veux ce que je fais ». Un simple jeu de mots un peu stupide, qui ne correspond pas à la réalité ou qui est encore plus impossible à vivre que le premier ? Mais, avant de juger trop rapidement, vous avez essayé de vivre cette phrase à l’envers ?

    La liberté c’est finalement l’harmonie entre ce que je veux et ce que je fais. Quand il n’y a plus de contradiction entre les deux, je me sens libre, c’est évident. Alors commençons par vouloir faire ce qui est possible. Je n’ai pas l’argent pour faire un voyage au Japon, je ferai une excursion dans les montagnes de mon pays : pourquoi pas ? Je vais l’organiser de tout mon cœur, je vais y inviter mes meilleurs amis et je vais y passer des moments inoubliables. Je m’y sentirai libre et je ne penserai pas un seul instant qu’il y a des gens plus libres que moi parce qu’ils peuvent se payer un voyage au Japon.

    Là où cela devient plus compliqué c’est quand arrivent des obstacles ou des imprévus. Mais je vais prendre quelques exemples. Je suis à la mer et aujourd’hui elle est un peu agitée : n’est-ce pas amusant d’aller affronter les vagues qui déferlent, qui me jettent presque par terre sur le sable, si je ne fais pas attention, et qui me retournent dans tous les sens ? Jamais il ne me viendrait à l’idée de me plaindre parce qu’aujourd’hui les vagues sont trop fortes et qu’elles m’empêchent de marcher tranquillement sur la plage en toute liberté : cela fait partie du jeu, de l’amour de la nature. On pourrait reprendre des exemples à l’infini, des efforts inouïs qu’on est capable d’accomplir pour grimper au sommet d’une montagne, des heures que passe une maîtresse de maison à la cuisine, dans la chaleur du four, pour donner un peu de joie à ses invités, de la souffrance ou même de l’angoisse qui traverse l’artiste en train de créer une nouvelle œuvre qui va le rendre célèbre. Toutes ces difficultés prévues ou imprévues, avec les problèmes rencontrés et résolus en route, ces souffrances même acceptées à l’avance, c’est cela qui donne du piment à notre vie. Le sportif, la maîtresse de maison ou l’artiste se sentent complètement libres lorsqu’ils se donnent tout entiers à leur passion.

    Alors, finalement, ne pensez-vous pas que si nous considérons toute la vie comme une œuvre d’art, ou une randonnée sportive, avec beaucoup de problèmes imprévus à résoudre, beaucoup d’énergie à dépenser, beaucoup de belles surprises en cours de route, nous pourrions nous sentir libres quoi qu’il arrive. Et si les autres nous empêchent ? Mais vous ne croyez pas que Dieu qui est la liberté même, se sent moins libre de nous aimer si nous nous détournons de lui ? N’est-ce pas cela la liberté : être libre même devant les méchancetés des autres, leur ingratitude, leurs infidélités ? (Toutes chose négatives qui sont le plus souvent bien compensées d’ailleurs par tout ce que les autres aussi nous ont donné de tout leur cœur.) Et être libres devant nos propres peurs, nos défauts, nos limites, nos maladies ?

    Moi qui vis depuis plus de 40 ans au Moyen Orient au milieu de situations insoutenables de violence, de guerres ou d’injustices de toutes sortes, c’est bien moi qui ai décidé de rester ici pour partager ma vie avec ces amis et ces amies qui sont tellement formidables et qui souffrent tellement de se sentir abandonnés parfois par le monde entier. Je vous assure que je me sens libre chaque jour de continuer cette aventure qui a donné un sens à ma vie et tous les problèmes, les souffrances que j’endure avec mes amis sont comme les vagues qui déferlent sur la plage. Un jour j’ai décidé de vouloir ce que je fais. Je veux rester ici, je veux partager jusqu’au bout les joies et les problèmes de mes amis et je vous assure que je me sens libre, parce que je veux vraiment ce que je fais. Utopie ? Peut-être, rien ne vous empêche d’essayer, mais je suis sûr que vous avez sûrement déjà essayé. Ce n’est quand même pas moi qui ai inventé la liberté !


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  • Commentaires

    1
    Hayat
    Mardi 4 Août 2015 à 18:44
    Quel hymne à la liberté!!!! Pas facile cette harmonie entre ce que je veux et ce que je fais ...et que dire de" vouloir " ou "accepter "ce qui m'arrive et "vouloir" le vivre avec sérénité en continuant à aimer....dans ce cas je peux être prisonnière de circonstances ou de mon propre corps, ou être enfermée dans une prison ....et être libre ! Et je ne crois que ce soit une utopie....
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