• Luc 1 (2e partie)

    Nous avons commencé notre voyage chez Luc avec le début de l’histoire de Zacharie et Elisabeth, déjà tellement extraordinaire. Mais maintenant nous allons faire un immense bon en avant : passer d’un seul coup de l’Ancien au Nouveau Testament. Car le cœur de notre chapitre va être soudain la plongée dans les mystères de l’Annonciation et de la Visitation, ceux qu’on appelle les premiers mystères du « chemin de Marie », qui sont en même temps l’entrée dans cet autre mystère inouï qui est celui de l’Incarnation…

    C’est tout simplement la plus grande surprise de l’histoire de l’humanité, racontée en quelques mots dans deux simples petits dialogues. Dieu a décidé de descendre sur terre et il exécute son plan d’amour. Mais cette fois-ci, pour tout comprendre, nous allons tricher un peu, nous allons dépasser un instant l’Evangile de Luc et tous les Evangiles et même toute l’Ecriture Sainte pour en arriver à notre époque, à la fois si sombre et si lumineuse.

    Les mystiques ont commencé à nous dire que Marie est devenue alors tout à coup « quatrième dans la Trinité » ! Et les théologiens protestent en disant qu’une telle affirmation est presque scandaleuse. Et pourtant les mystiques ont bien dit « quatrième dans la Trinité » et pas « quatrième de la Trinité » : il y a une belle différence ! Je respecte la théologie quand elle reste dans les limites de son domaine, mais pourquoi ne respecte-t-on pas la mystique, lorsqu’elle sait elle aussi transmettre humblement ce qu’elle a vu ?

    Les mystiques sont allés au bout de ce que l’Evangile et vingt siècles de vie de l’Eglise nous ont appris. Notre Dieu est merveilleux parce qu’il est un Dieu Amour. Cet Amour fait qu’il est à la fois Un et Trine, et qu’en lui le Père ne cesse de se donner totalement au Fils dans l’Esprit et le Fils d’accueillir de tout son être le don du Père dans l’Esprit… pour redonner aussitôt au Père qui l’accueille à son tour le don reçu et enrichi de son être de Fils…

    Mais Dieu n’a pas voulu se contenter de vivre en lui-même, de toute éternité, cet Amour ineffable. Il a inventé la création et y a mis l’homme comme la perle de l’univers. L’incident de parcours du péché originel n’a pas découragé l’amour de Dieu, il a même voulu maintenant devenir homme parmi les hommes en se faisant le fils de Marie. Alors quoi de plus naturel qu’un fils qui invite sa mère chez soi, à la maison ? Le contraire serait scandaleux. Dieu a décidé d’inviter Marie chez lui à la maison, au cœur de la Trinité. Mais si on y réfléchit bien, Marie n’est pas pour Dieu une fin en soi, elle n’est que le lien ou le lieu à travers lequel Dieu veut conduire toute l’humanité chez lui pour toujours. Chacun de nous est invité à entrer maintenant pour toujours au cœur de la Trinité, pas chacun tout seul évidemment, mais unis tous ensemble avec Jésus au milieu de nous, comme nous l’a si bien dit Matthieu…

    « Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille, une vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph, et le nom de la jeune fille était Marie. »

    « L’ange entra chez elle et dit : ‘Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi.’ A cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. L’ange lui dit alors : ‘Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin.’ »

    « Marie dit à l’ange : ‘Comment cela va-t-il se faire, puisque je suis vierge ?’ L’ange lui répondit : ‘L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, et il sera appelé Fils de Dieu. Et voici qu’Elisabeth, ta cousine, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse, et elle en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu.’ Marie dit alors : ‘Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole.’ Alors l’ange la quitta. »

    Marie a bien demandé des explications devant une invitation tellement incroyable, mais elle a tout de suite pris au sérieux les paroles de l’ange et dit son oui, sans lequel Dieu n’aurait même pas pu réaliser son plan d’amour. Quelle humilité de ce Dieu amour qui se fait vulnérable, dépendant de la liberté de l’homme qui pourrait lui dire non ! On croirait rêver !

    Mais la surprise ne s’arrête pas là. Si on se met à la place de Marie, devant une telle responsabilité si attendue, n’aurait-elle pas dû se retirer chez elle pour toute la durée de la grossesse, pour protéger cet enfant divin à naître, pour ne pas risquer de tout gâcher ? Mais non, voilà que Marie est justement entraînée dans cette logique de l’accueil et du don perpétuels qui règnent au cœur de la Trinité et sur laquelle son oui l’a branchée pour toujours. L’ange lui a bien dit que sa cousine était enceinte, qu’elle en était même au sixième mois, mais il ne lui a absolument pas dit d’aller chez Elisabeth pour l’aider, ce qui n’était d’ailleurs pas évident du tout car cela demandait déjà un voyage à pied ou à dos d’âne de plusieurs jours. Et voilà que c’est de l’intérieur que l’Esprit Saint fait comprendre à Marie que cet amour divin qui la remplit désormais jusqu’au plus profond de son être, n’est pas fait pour être gardé jalousement pour soi, mais pour être donné aussitôt à qui en a besoin.

    « En ces jours-là, Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth. Or, quand Elisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Elisabeth fut remplie de l’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte : ‘Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque j’ai entendu tes paroles de salutation, l’enfant a tressailli d’allégresse au-dedans de moi. Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur.’ »

    Là aussi il s’agit d’un autre miracle. Mais on dirait que l’Esprit Saint avait un peu envie de s’amuser : comment Elisabeth pouvait-elle comprendre ce qui arrivait à Marie ? C’est bien l’Esprit Saint qui le lui souffle à l’oreille. Et la conséquence est sublime. Car la situation de Marie était bien sûr un cadeau inouï de Dieu, mais un cadeau qui risquait de l’isoler, de la rendre étrange au reste de la société. Marie était entrée dans la dynamique de la réciprocité trinitaire, mais comment vivre maintenant cette réciprocité avec le reste de l’humanité ? Et voilà que l’Esprit Saint lui fait goûter une nouvelle réciprocité incroyable avec Elisabeth. L’amour de Dieu qu’elle avait trouvé dans la visite de l’ange, c’est maintenant sa cousine qui le lui fait sentir, avec en plus la joie de découvrir que Jésus et Jean, dans le ventre de leurs mères, ont commencé eux aussi à communiquer…

    C’est déjà une nouvelle expérience trinitaire de laisser Dieu en nous aimer Dieu dans le frère ou la sœur que nous rencontrons : la vie de la Trinité, de l’accueil et du don de soi à l’autre, qui peut se vivre désormais entre les hommes. Les théologiens disent d’ailleurs que c’est cet accueil d’Elisabeth qui a libéré en Marie le Magnificat : l’amour d’Elisabeth en réponse à l’amour de Marie, qui fait comprendre soudain à Marie avec une lumière nouvelle ce qui est vraiment en train de se passer…

    « Marie dit alors : ‘Mon âme exalte le Seigneur, mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur. Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! Son amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de bien les affamés, renvoie les riches les mains vides. Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa race à jamais.’ Marie demeura avec Elisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle. »

    [Il nous reste encore la 3e partie de ce merveilleux chapitre : la fin de l’histoire de Zacharie et Elisabeth avec la naissance de Jean…]

     

     


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