• Luc 6

    Encore un chapitre extraordinaire ! Et pourtant on n’y trouve seulement quelques phrases originales au milieu de paroles déjà vues et revues en Marc et Matthieu. Mais la Parole de Dieu est toujours la Parole de Dieu avec les mêmes effets. Et changer de contexte une phrase de Jésus déjà bien connue est aussi lui donner un nouvel éclairage qui ne manque pas de bouleverser, comme l’amour pour les ennemis qui arrive ici chez Luc juste après les béatitudes…

    Si les phrases de Marc que l’on retrouve en Luc 6 ne sont pas très nombreuses et viennent presque seulement des chapitres 2 et 3 de Marc, les citations de Matthieu reprises par Luc sont innombrables : on y retrouve les chapitres 4, 5, 7, 10, 12 et 15 de Matthieu et dans un ordre complètement différent. C’est comme une belle symphonie musicale ou les mêmes thèmes sont repris chaque fois par l’orchestre, à la fois semblables et différents, avec de nouveaux instruments qui se répondent, pour la joie de l’âme de ceux qui écoutent…

    Tout commence ici par l’histoire des disciples qui traversent des champs de blé : « Un jour de sabbat, Jésus traversait des champs de blé ; ses disciples arrachaient et mangeaient des épis, après les avoir froissés dans leurs mains. Des pharisiens lui dirent : ‘Pourquoi faites-vous ce qui n’est pas permis le jour du sabbat ?’ Jésus leur répondit : ‘N’avez-vous pas lu ce que fit David un jour qu’il eut faim, lui et ses compagnons ? Il entra dans la maison de Dieu, prit les pains de l’offrande, en mangea, et en donna à ses compagnons, alors que les prêtres seuls ont la permission d’en manger.’ Jésus leur disait encore : ‘Le Fils de l’homme est maître du sabbat.’

    Un autre jour de sabbat, Jésus était entré dans la synagogue et enseignait. Il y avait là un homme dont la main droite était paralysée. Les scribes et les pharisiens observaient Jésus afin de voir s’il ferait une guérison le jour du sabbat ; ils auraient ainsi un motif pour l’accuser. Mais il connaissait leurs pensées, et il dit à l’homme qui avait la main paralysée : ‘Lève-toi, et reste debout devant tout le monde.’ L’homme se leva et se tint debout. Jésus leur dit : ‘Je vous le demande : Est-il permis, le jour du sabbat, de faire le bien, ou de faire le mal, de sauver une vie ou de la perdre ?’ Alors, promenant son regard sur eux tous, il dit à l’homme : ‘Etends ta main.’ Il le fit, et sa main redevint normale. Quant à eux, ils furent remplis de fureur et ils discutaient entre eux sur ce qu’ils allaient faire è Jésus. »

    Luc passe ensuite à l’épisode de l’appel des Douze. Mais, cette fois-ci, il ajoute une touche personnelle en insistant sur l’importance de la prière pour Jésus. Nous avions déjà noté, lors du baptême de Jésus, que le ciel s’était ouvert, selon Luc, quand « Jésus priait après avoir été baptisé », alors que Marc et Matthieu disaient seulement que c’était arrivé au moment où Jésus sortait de l’eau, sans parler spécifiquement de la prière de Jésus.

    « En ces jours-là, Jésus s’en alla dans la montagne pour prier, et il passa la nuit à prier Dieu. Le jour venu, il appela ses disciples, en choisit douze, el leur donna le nom d’apôtres : Simon, auquel il donna le nom de Pierre (…) et Judas Iscariote, celui qui fut le traitre.

    Jésus descendit de la montagne avec les douze apôtres et s’arrêta dans la plaine. Il y avait là un grand nombre de ses disciples, et une foule de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon, qui étaient venus l’entendre et se faire guérir de leurs maladies. Ceux qui étaient tourmentés par des esprits mauvais en étaient délivrés. Et toute la foule cherchait à le toucher, parce qu’une force sortait de lui et les guérissait tous. » [On peut remarquer ici cette note de Luc : « … parce qu’une force sortait de lui » qui rappelle l’épisode de l’hémorroïsse en Mc 5,30]

    Et voilà que Luc revient ici en arrière, par rapport à Matthieu, et se lance dans le discours des béatitudes, mais ses paroles sont bien différentes et les béatitudes de Luc sont beaucoup plus courtes que celles de Matthieu, mais là Luc va nous surprendre par la suite de son discours…

    « Regardant alors ses disciples, Jésus dit : ‘Heureux, vous les pauvres, le royaume de Dieu est à vous ! [Ici il ne s’agit pas seulement de pauvres de cœur ou en esprit, mais de tous les pauvres !] Heureux, vous qui avez faim maintenant : vous serez rassasiés ! [Matthieu parlait de ceux qui avaient faim et soif de justice.] Heureux, vous qui pleurez maintenant : vous rirez ! [Pour Matthieu : « ils seront consolés ! »]

    Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous repoussent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme. Ce jour-là, soyez heureux et sautez de joie, car votre récompense est grande dans le ciel : c’est ainsi que leurs pères traitaient les prophètes. »

    Et c’est ici que Luc ajoute ce passage terrible : « Mais malheureux, vous les riches : vous avez votre consolation ! Malheureux, vous qui êtes repus maintenant : vous aurez faim ! Malheureux, vous qui riez maintenant : vous serez dans le deuil et vous pleurerez ! Malheureux êtes-vous quand tous les hommes disent du bien de vous : c’est ainsi que leurs pères traitaient les faux prophètes. »

    Et Luc passe ici directement à l’amour pour les ennemis. « Je vous le dis, à vous qui m’écoutez : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. A celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre. A celui qui te prend ton manteau, laisse prendre aussi ta tunique. Donne à quiconque te demande, et ne réclame pas à celui qui te vole. Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance pouvez-vous attendre ? Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment. Si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance pouvez-vous attendre ? Même les pécheurs en font autant. Si vous prêtez quand vous êtes sûrs qu’on vous rendra, quelle reconnaissance pouvez-vous attendre ? Même les pécheurs prêtent aux pécheurs pour qu’on leur rende l’équivalent. Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Dieu très-haut, car il est bon, lui, pour les ingrats et les méchants.

    Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux. [Phrase originale en Luc, même si elle s’accorde très bien, évidemment avec la béatitude de Matthieu sur la miséricorde.] Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés.  Pardonnez et vous serez pardonnés. »

    Et ici, un nouveau passage merveilleux où déborde l’âme de Luc : « Donnez, et vous recevrez : une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans votre tablier ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira aussi pour vous. »

    Et Luc continue à jongler avec les phrases de Jésus : « Il leur dit encore en paraboles : ‘Un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? Ne tomberont-ils pas tous deux dans un trou ? Le disciple n’est pas au-dessus du maître, mais celui qui est bien formé sera comme son maître. [Ces derniers mots sont aussi originaux chez Luc] Qu’as-tu à regarder la paille de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? Comment peux-tu dire à ton frère : ‘Frère, laisse-moi retirer la paille qui est dans ton œil’ alors que tu ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Esprit faux ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour retirer la paille qui est dans l’œil de ton frère. »

    On se sent pris avec Luc dans un pèlerinage qui change sans cesse de panorama, mais qui secoue, qui illumine, qui rappelle l’essentiel et prépare les étapes suivantes qui vont à la fois nous confirmer dans notre cheminement et nous porter toujours plus loin…

    « Jamais un bon arbre ne donne de mauvais fruits ; jamais non plus un arbre mauvais ne donne de bons fruits. Chaque arbre se reconnaît à son fruit : on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne vendange pas non plus de raisin sur des ronces. L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais : car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur. Et pourquoi m’appelez-vous en disant : ‘Seigneur ! Seigneur !’ et ne faites-vous pas ce que je dis ?

    Tout homme qui vient à moi, qui écoute mes paroles et qui les met en pratique, je vais vous montrer à qui il ressemble. Il ressemble à un homme qui bâtit une maison. Il a creusé très profond, et il a posé les fondations sur le roc. Quand est venue l’inondation, le torrent s’est précipité sur cette maison, mais il n’a pas pu l’ébranler parce qu’elle était bien bâtie. Mais celui qui a écouté sans mettre en pratique ressemble à l’homme qui a bâti sa maison à même le sol, sans fondations. Le torrent s’est précipité sur elle, et aussitôt elle s’est effondrée ; la destruction de cette maison a été complète. »

    Une seule de ces phrases pourrait en effet changer notre vie, si nous la mettions vraiment en pratique. Mais l’Evangile nous attend toujours, même si nous avons tardé à le prendre complètement au sérieux dans notre vie de tous les jours. Chaque Evangile est tellement riche qu’on est en tous cas obligé d’y avancer pas à pas, pour en profiter pleinement. L’Evangile est une aventure sans fin qui se renouvelle en se répétant et qui produit de plus en plus de fruits en nous et autour de nous dès que nous plongeons en son cœur. Les quelques « perles de la Parole » qu’il nous reste maintenant à méditer vont nous aider à le faire…


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