• Malheureux, malheureux...

    « Mais malheureux, vous les riches : vous avez votre consolation ! Malheureux, vous qui êtes repus maintenant : vous aurez faim ! Malheureux, vous qui riez maintenant : vous serez dans le deuil et vous pleurerez ! » (Lc 6,24-25)

    Nous allons faire un petit effort ici, ou peut-être un grand effort pour certains d’entre nous : nous allons sortir de la vision morale dans laquelle en général, depuis 2000 ans, on enferme l’Evangile. On a fait de Jésus un juge qui met des notes sur le comportement de chacun et si l’on essaye d’être de bons chrétiens c’est pour devenir à notre tour des juges de ces malheureux qui n’ont rien compris à l’Evangile, en nous croyant nous-mêmes meilleurs que les autres… et nous sommes peut-être ceux qui ont le moins compris de tous.

    Mais revenons à la logique trinitaire des béatitudes. Jésus a voulu nous donner son trésor et ce trésor, c’est le paradis de l’amour de l’accueil et du don réciproques qui brûle au cœur de la Trinité et que Jésus est venu nous apporter sur la terre. Et c’est seulement quand on est pauvre en esprit, doux, humble, miséricordieux, pur de cœur, artisan de paix, qu’on est libre d’aimer pour toujours et qu’on n’a plus peur de rien ni de personne. Car lorsqu’on est pauvre, dans le sens qu’on donne au fur et à mesure toutes les richesses que Dieu partage avec nous, on ne pense qu’à vivre cette communion avec nos frères et sœurs en humanité et on n’a plus aucune raison d’avoir peur que l’autre nous prenne nos richesses, puisqu’on allait de toute façon les lui donner.

    Tandis que le riche qui a accumulé ses possessions pour lui-même, qui a fait de son « moi » égoïste et orgueilleux, le but et le centre de sa vie, ne dort pas la nuit par peur d’être volé, ne fait confiance à personne, considère tous les autres hommes comme des concurrents dangereux. Il ne sait pas ce qu’est la joie de l’amour réciproque et il est vraiment le plus malheureux des hommes. Et Jésus n’est pas là pour le punir, mais pour lui dire simplement : malheureux es-tu parce que tu n’as rien compris à la vie et à l’amour et tes pauvres richesses vont être le début et la cause de ton plus grand malheur. Alors, réveille-toi, quand il en est encore temps. Moi, Jésus, je t’ai fait naître pour que tu profites de cette vie merveilleuse que je t’ai donnée. Ne te renferme pas sur toi-même en te créant ta propre prison, comme un oiseau qui aurait tout le ciel pour voler et qui se croirait riche en s’enfermant dans une cage en or…

     


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