• Marc 13

    Cette fois-ci le ton de l’Evangile est soudain tellement différent, une atmosphère d’apocalypse, de fin du monde, de catastrophe universelle. Mais pourquoi tout cela ? Un simple avertissement pour nous faire réfléchir ? Et quand cela va-t-il avoir lieu ? Ou bien cela a-t-il déjà eu lieu, comme semble l’affirmer Jésus lui-même à la fin de notre chapitre ? « Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que cela n’arrive. »

    Mais écoutons plutôt : « Tu vois ces grandes constructions ? Il n’en restera pas pierre sur pierre ; tout sera détruit. » « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume, il y aura des tremblements de terre çà et là, il y aura des famines… » « Le frère livrera son frère à la mort, et le père, son enfant ; les enfants se dresseront contre leurs parents et les feront mettre à mort. » « Lorsque vous verrez le Sacrilège Dévastateur installé là où il ne faut pas, alors ceux qui seront en Judée, qu’ils s’enfuient dans la montagne ; celui qui sera sur sa terrasse, qu’il n’en descende pas et ne rentre pas pour emporter quelque chose de sa maison ; celui qui sera dans son champ, qu’il ne retourne pas en arrière pour emporter son manteau. Malheureuses les femmes qui seront enceintes et celles qui allaiteront en ces jours-là ! Priez pour que cela n’arrive pas en hiver, car en ces jours-là il y aura une détresse comme il n’y en a jamais eu depuis le commencement, quand Dieu créa le monde, jusqu’à maintenant, et comme il n’y en aura jamais plus. »

    Que se passe-t-il donc tout à coup dans notre Evangile qui semblait jusque-là aller de l’avant avec une immense logique ? Je crois que tout est au fond très simple, au moins vu de Dieu, vu de Jésus qui va bientôt être mis à mort… et ressusciter. La mise à mort de Dieu est la pire des catastrophes que l’on puisse imaginer. C’est bien plus qu’un tremblement de terre, qu’une famine, qu’une détresse universelle. C’est le choc frontal entre les ténèbres et la lumière. Et malheureux ceux qui se trouvent à ce moment-là au milieu de ce terrain de bataille. C’est que la présence si forte de la lumière qui est descendue du ciel sur la terre rend fou le mal qui croyait régner dans le monde, et voilà que ce mal se débat de toutes ses forces pour résister à la lumière et il semble tout emporter sur son passage. Mais c’est aussi le début de la fin pour les ténèbres. C’est au moment où le mal arrive à son paroxysme que la lumière montre enfin sa force immuable, ce dessein d’amour et de lumière sur l’humanité et tout l’univers. La pire des catastrophes ne sera donc qu’un passage. « C’est le début des douleurs de l’enfantement. » « En ces temps-là, après une terrible détresse, le soleil s’obscurcira et la lune perdra son éclat. Les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l’homme venir sur les nuées avec grande puissance et grande gloire. Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, de l’extrémité de la terre à l’extrémité du ciel. »

    Que veut dire tout cela ? Est-ce une image de la résurrection qui s’approche après l’épreuve de la mort sur la croix ? Ou bien est-ce l’annonce de la parousie, le retour de Jésus à la fin des temps ? Je crois qu’ici ces deux réalités se mélangent dans un élan prophétique dont il est inutile d’essayer d’expliquer tous les détails. Les exégètes n’ont d’ailleurs pas fini de donner une foule d’explications à ce chapitre, qui sont parfois assez contradictoires. Car ce ne sont pas les détails qui comptent mais la leçon que Jésus veut nous donner ici jusqu’à la fin de nos jours.

    Cette leçon, Jésus est en train de la donner à ses disciples, au moins à ceux qui sont les plus aptes à comprendre. Et l’on voit une fois de plus qu’il s’adresse spécialement à Pierre, Jacques, Jean et André, les mêmes qui étaient avec lui lors de la transfiguration, avec André en plus. Jésus est en train de lancer une semence au cœur de l’humanité, une semence qui va reprendre son flambeau après sa mort et sa résurrection et faire naître ainsi l’Eglise pour continuer sa présence au milieu des hommes. Ce petit groupe suffit pour l’instant. Le reste de l’humanité n’est pas prêt pour comprendre, mais les disciples continueront bientôt la leçon pour tous les hommes.

    La situation des disciples est extraordinaire : les voilà déjà avec Jésus en pleine lumière. Mais elle est en même temps terrible, car le mal qui va s’abattre sur Jésus va essayer aussi de se venger sur eux. C’est beau d’être disciple du Christ. Mais il faut s’attendre à toutes sortes d’épreuves, épreuves intérieures de peur et de découragement et épreuves extérieures de persécutions. « Prenez garde que personne ne vous égare. Beaucoup viendront sous mon nom, en disant : ‘C’est moi’, et ils égareront bien des gens. Quand vous entendrez parler de guerres et de rumeurs de guerre, ne vous laissez pas effrayer, il faut que cela arrive, mais ce n’est pas encore la fin. » « Soyez sur vos gardes ; on vous livrera aux tribunaux et aux synagogues ; on vous frappera, on vous traduira devant des gouverneurs et des rois à cause de moi ; il y aura là un témoignage pour eux. Mais il faut d’abord que la Bonne Nouvelle soit proclamée à toutes les nations. Et lorsqu’on vous emmènera pour vous livrer, ne vous tourmentez pas d’avance pour savoir ce que vous direz, mais ce qui vous sera donné à cette heure-là, dites-le. Car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est le Saint Esprit. » « Vous serez détestés de tous à cause de mon nom. Mais celui qui aura persévéré jusqu’au bout, celui-là sera sauvé. »

    La rédemption de l’humanité est commencée. La présence même de ces quelques disciples attire déjà une grâce toute spéciale sur tous les hommes, même s’ils ne le savent pas encore. « Si le Seigneur n’abrégeait pas le nombre des jours, personne n’aurait la vie sauve, mais à cause des élus, de ceux qu’il a choisis, il a abrégé ces jours-là. » La semence est jetée et elle n’arrêtera plus de se développer. A une condition pourtant, que les disciples écoutent la leçon du Seigneur. Une leçon très simple au fond : ne vous laissez pas égarer, impressionner par tout ce qui va se passer, ne vous préoccupez pas, car Dieu est avec vous, mais aussi prenez vos responsabilités et allez proclamer la Bonne Nouvelle à toutes les nations : l’Eglise vient de naître comme un levain à l’action au milieu de la pâte de toute l’humanité. Et la fin de la leçon est encore plus simple : « Prenez garde, veillez : car vous ne savez pas quand viendra le moment… Veillez car vous ne savez pas quand le maître de la maison reviendra, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin. Il peut arriver à l’improviste et vous trouver endormis. Ce que je vous dis là, je le dis à tous. Veillez ! »

    Suivre Jésus est donc à la fois terriblement exigeant et difficile, et extrêmement simple. Celui qui suit Jésus aura à souffrir, mais il sait que Dieu est avec lui et qu’au fond il n’a rien à craindre. Il n’a même rien d’autre à faire que de veiller, d’être là, disponible à l’action de l’Esprit, car c’est l’Esprit en nous qui va en fin de compte faire l’essentiel du travail. Et quelle joie de découvrir, au cœur de toutes ces tribulations, que Dieu est désormais si proche, pour toujours. « Lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte. Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que cela n’arrive. Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. Quant au jour et à l’heure, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père. »

     

    Je ne sais pas si vous voyez ce que je vois dans ce chapitre, tellement court, tellement fort et tellement dense de lumière et de vérité ? On y trouve exprimés dans une synthèse rapide et unique tous les mystères de la vie et de la foi. Le mystère de Dieu un et trine dans lequel Jésus nous fait entrer en dévoilant le rôle de chacun : le Père qui sait tout, le Fils qui donne sa vie pour affronter le mal, pour le vaincre et pour racheter toute l’humanité, et l’Esprit qui veille sur nous et nous conduit. Il y a là aussi tout le mystère de la vie, de l’enfantement jusqu’à la mort, en passant par l’importance de l’activité humaine, de la famille, du travail, des liens sociaux. Et donc le mystère de la souffrance, de la mort et du mal qui est au cœur du monde et de chacun de nous. Le mystère de l’homme, ce joyau de l’univers si faible et si extraordinaire à la fois. Le mystère de la création et de l’univers. Et en même temps le mystère du temps et de la bataille qui s’y déroule entre la lumière et les ténèbres. De quoi donner le vertige, en si peu de mots. Jésus n’a plus le temps d’entrer dans trop de détails : le chapitre suivant sera déjà celui de la passion et de la résurrection. Mais qui est donc l’homme, qui sommes-nous chacun d’entre nous pour avoir eu la grâce et le privilège d’être appelés à un dessein si grandiose qu’on en a véritablement le souffle coupé ?


  • Commentaires

    1
    Hayat Fallah
    Lundi 27 Mars 2017 à 14:20
    Roland tu as illuminé pour moi cet évangile comme jamais personne n'avait réussi à le faire !!!!!
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