Je ne sais pas si vous connaissez cette citation de Saint Augustin : « Tu ne dois jamais te contenter de ce que tu es, si tu veux parvenir à ce que tu n’es pas encore. » Je la trouve extraordinaire. Je sais que certains lecteurs, à orientation non religieuse, vont se décourager avec moi si je commence à mettre Dieu et les saints à toutes les sauces. Mais cette phrase n’est-elle pas à contre courant justement par rapport à tout un courant « religieux » qui se contente de ce qu’il est sous prétexte que Dieu est avec nous ou parce que nous devons nous contenter du peu que nous avons sur cette terre, vu que la vraie vie sera au ciel... Un tas de bêtises que l’on entend malheureusement souvent au nom d’une certaine foi.

Je trouve qu’il y a quelque chose de profondément humain dans l’attitude de celui qui ne se contente jamais, ni devant les situations d’injustice de notre monde, ni devant l’ignorance ou la fatalité, ni devant nos propres limites ou défauts ou médiocrités. Cette vie que nous avons reçue comme un talent à faire fructifier, il lui manquera toujours quelque chose. Et nous aurons toujours le choix entre deux attitudes : nous résigner ou faire quelque chose pour aller « au bout de nous-mêmes », là du moins où nos limites nous permettent d’avancer. Et ces limites nous laissent encore beaucoup d’espace, si nous sommes un peu attentifs.

Mais alors, si nous ne sommes pas contents de ce que nous sommes, nous allons commencer à nous plaindre et ne plus jamais nous arrêter de le faire jusqu’à la fin de nos jours ? Ce ne serait pas mieux d’accepter avec philosophie ce que nous sommes et de continuer à vivre le plus paisiblement possible le peu d’années que nous avons encore devant nous ?

C’est là qu’il faut faire une distinction bien claire et définitive entre se plaindre et vouloir plus ou mieux, toujours plus et toujours mieux. Se plaindre est comme une sorte de maladie psychique qui gâche tout sur son passage. Les gens qui passent leur temps à se plaindre sont désagréables, tristes, pessimistes, repliés sur eux-mêmes. Et chacun de nous correspond à cette description lorsqu’il se laisse aller à se plaindre. Parce que se plaindre est simplement regretter ce qui nous est arrivé, regarder en arrière, comparer avec le passé, c’est une vision figée de nous-mêmes qui simplement paralyse tout et ne propose rien de nouveau pour changer.

Tandis que ne pas se contenter et chercher quelque chose de plus ou de meilleur, c’est se jeter en avant avec courage, faire confiance à l’inconnu que nous devons encore inventer, risquer avec confiance de se tromper mais aussi de réussir finalement à améliorer notre condition et celle de nos compagnons de voyage. Ne pas se contenter veut dire avoir une vision optimiste qui pense qu’on peut toujours faire mieux.

A nous de choisir entre les deux : à la fin de la vie nous sentirons certainement la différence ! Et ne perdons pas notre temps non plus à nous plaindre de ceux qui se plaignent, ce serait tomber dans un piège, essayons d’aider ces frères et ces sœurs, qui sont souvent victimes des autres ou des circonstances, à transformer leur mécontentement en énergie positive que chacun garde certainement cachée au fond de lui-même.