• Nous voici devant un chapitre moins original que d’autres dans l’Evangile de Luc, ce qui n’enlève rien à sa beauté saisissante. Les 15 premiers versets sont uniques en Luc, mais tout le reste du chapitre nous propose ensuite une série d’épisodes ou de phrases de Jésus à peu près semblables à des passages déjà vus en Marc et Matthieu.

    C’est donc le début qui va nous surprendre le plus. Avec d’abord cet encouragement à la prière dans cet épisode étonnant du juge inique qui va exaucer tout de même les prières d’une pauvre veuve pour avoir enfin la paix. « Jésus dit encore une parabole pour montrer à ses disciples qu’il faut toujours prier sans se décourager : ‘Il y avait dans une ville un juge qui ne respectait pas Dieu et se moquait des hommes. Dans cette même ville, il y avait une veuve qui venait lui demander : ‘Rends-moi justice contre mon adversaire.’ Longtemps il refusa ; puis il se dit : ‘Je ne respecte pas Dieu, et je me moque des hommes, mais cette femme commence à m’ennuyer : je vais lui rendre justice pour qu’elle ne vienne plus sans cesse me casser la tête.’’ Le Seigneur ajouta : ‘Ecoutez bien ce que dit ce juge sans justice ! Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? Est-ce qu’il les fait attendre ? Je vous le déclare : sans tarder il leur fera justice. »  Et ce premier passage se termine par une phrase terrible qui sort de la bouche de Jésus : « Mais le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »

    Et Luc nous présente ensuite la fameuse parabole du pharisien et du publicain qui est sans doute une des plus belles perles de son Evangile : « Jésus dit une parabole pour certains hommes qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient tous les autres. ‘Deux hommes montèrent au Temple pour prier. L’un était pharisien, et l’autre, publicain. Le pharisien se tenait là et priait en lui-même : ‘Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes : voleurs, injustes, adultères, ou encore ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne’.

    Le publicain, lui, se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel ; mais il se frappait la poitrine, en disant : ‘Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis !’ Quand ce dernier rentra chez lui, c’est lui, je vous le déclare, qui était devenu juste, et non pas l’autre. » Et Luc termine ce paragraphe par cette phrase célèbre, déjà rencontrée en Matthieu : « Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. »

    A partir de là tout le reste est déjà plus ou moins connu et très semblable à des phrases du chapitre 10 de Marc et des chapitres 19 et 20 de Matthieu. En commençant par Jésus qui demande qu’on ne l’empêche pas d’accueillir les enfants : « On présentait à Jésus même les nourrissons, afin qu’il les touche. En voyant cela, les disciples les écartaient vivement. Mais Jésus les appela en disant : ‘Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. Amen, je vous le dis : celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas.’ »

    Puis encore un épisode célèbre, celui du riche qui voulait recevoir la vie éternelle comme un héritage : « Un chef lui demanda : ‘Bon maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ?’ Jésus lui dit : ‘Pourquoi m’appelles-tu bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul. Tu connais les commandements : Ne commets pas d’adultère, ne commets pas de meurtre, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, honore ton père et ta mère.’ L’homme répondit : ‘Tout cela, je l’ai observé depuis ma jeunesse.’ A ces mots Jésus lui dit : ‘Une seule chose te fait encore défaut : vends tout ce que tu as, distribue-le aux pauvres et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi.’ Mais en entendant ces paroles, l’homme devint profondément triste, car il était très riche. En le voyant, Jésus lui dit : ‘Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses de pénétrer dans le royaume de Dieu ! Car il est plus facile à un chameau de passer par un trou d’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu.’ Ceux qui l’entendaient lui demandèrent : ‘Mais alors, qui peut être sauvé ?’ Jésus répondit : ‘Ce qui est impossible pour les hommes est possible pour Dieu.’ »

    Et pour continuer sur le thème de la richesse nous retrouvons ici celui du centuple : « Alors Pierre lui dit : ‘Voilà que nous, en quittant tout ce qui nous appartenait, nous t’avons suivi.’ Jésus déclara : ‘Amen, je vous le dis : personne n’aura quitté à cause du royaume de Dieu une maison, une femme, des frères, des parents, des enfants, sans qu’il reçoive en ces temps-ci bien davantage et, dans le monde à venir, la vie éternelle.’ »

    De là, une nouvelle annonce de la passion : « Prenant les Douze avec lui, il leur dit : ‘Voici que nous montons à Jérusalem, et tout ce qui a été écrit par les prophètes sur le Fils de l’homme s’accomplira. En effet, il sera livré aux païens, on se moquera de lui, on le maltraitera, on crachera sur lui ; après l’avoir flagellé, on le tuera et, le troisième jour, il ressuscitera.’ Mais eux n’y comprirent rien, le sens de cette parole leur restait caché, et ils ne voyaient pas de quoi Jésus parlait. »

    Et notre chapitre se termine par la guérison d’un aveugle à Jéricho, un des plus beaux miracles de Jésus, comme en Marc et Matthieu, avec la petite différence qu’en Matthieu ils étaient deux aveugles ensemble : « Comme Jésus approchait de Jéricho, un aveugle qui mendiait était assis au bord de la route. Entendant une foule arriver, il demanda ce qu’il y avait. On lui apprit que c’était Jésus le Nazaréen qui passait. Il s’écria : ‘Jésus, fils de David, aie pitié de moi !’ Ceux qui marchaient en tête l’interpellaient pour le faire taire. Mais lui criait de plus belle : ‘Fils de David, aie pitié de moi !’

    Jésus s’arrêta et ordonna qu’on le lui amène. Quand il se fut approché, Jésus lui demanda : ‘Que veux-tu que je fasse pour toi ?’ ‘Seigneur, que je voie !’ Et Jésus lui dit : ‘Vois. Ta foi t’a sauvé.’ A l’instant même, l’homme se mit à voir, et il suivait Jésus en rendant gloire à Dieu. Et tout le peuple, voyant cela, adressa ses louanges à Dieu. » Nous voici encore mieux préparés à la prochaine entrée de Jésus à Jérusalem, son « heure » est toute proche et les évènements vont maintenant se précipiter…  

     


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    Les deux miracles

    « Aussitôt ils se mirent à voir, et ils le suivirent. » (Mt 20,34) (cf. Lc 18,43 : « A l’instant même, l’homme se mit à voir, et il suivait Jésus en rendant gloire à Dieu. » et cf.  aussi Mc 10,52)

    Je ne sais pas si vous voyez comme moi qu’il y a ici deux miracles en un. Ou, si l’on veut, deux dimensions extraordinaires du même miracle. Et c’est bien pour cela qu’on parle de miracle, car il s’agit d’une intervention de Dieu qui transforme tout sur son passage, qui bouleverse nos vies et ne nous laisse plus jamais comme avant.

    On aurait pu imaginer que nos deux aveugles remercient Jésus de tout leur cœur, puis retournent tout de suite chez eux partager avec leurs amis et leurs parents la joie de leur guérison et se mettent à profiter désormais de cette nouvelle vie qui leur était donnée. Mais voilà qu’à peine guéris, nos deux amis suivent Jésus, « aussitôt » ! C’est plus fort qu’eux : la force divine qui les a touchés, qui leur a permis de sortir enfin de leurs ténèbres, les pousse et les attire en même temps à marcher sur la route de Jésus, sans même savoir peut-être où cela va les conduire.

    Toute notre vie avec Jésus se passe au fond toujours de la même façon. Du matin au soir, Dieu nous parle par des évènements ou des rencontres qui nous frappent et qui nous touchent. Ce sont parfois des moments de joie, parfois des moments de souffrance et nous nous arrêtons souvent sur cette première impression. Et c’est là que nous commençons à tout gâcher. Nous remercions la vie quand elle est belle ou nous nous plaignons d’elle quand elle semble nous faire souffrir et nous perdons de vue que la vie véritable, ce ne sont pas ces apparences joyeuses ou tristes, mais la rencontre avec Jésus qui est venu une fois de plus nous visiter et qui nous invite à le suivre.

    A chaque instant, Jésus nous invite à le suivre. Parfois pour partir avec lui en mission, parfois pour participer à ses beaux projets au service de l’humanité, parfois pour monter avec lui sur la croix, au moins pour un moment. Mais l’important c’est que nous sortons de nous-mêmes pour l’accompagner sur sa route qui devient notre route. Alors nos journées prennent un autre sens et des horizons infinis s’ouvrent devant nous jusqu’à la fin de notre vie. Jusqu’au jour où nous passerons du paradis déjà expérimenté sur cette terre à celui de l’au-delà, mais il n’y aura plus de fossé entre ces deux paradis qui sont tous les deux remplis de la présence de l’amour de Dieu.

     

     


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    Comme il nous l’a promis

    « Et tout homme qui aura quitté à cause de mon nom des maisons, des frères, des sœurs, un père, une mère, des enfants ou une terre, recevra le centuple et aura en héritage la vie éternelle. » (Mt 19,29) (cf. Lc 18,29-30 : « Amen, je vous le dis : personne n’aura quitté à cause du royaume de Dieu une maison, une femme, des frères, des parents, des enfants, sans qu’il reçoive en ces temps-ci bien davantage et, dans le monde à venir, la vie éternelle. » et cf. Mc 10,28-31)

    Au milieu d’une période où nous vivons des moments si dramatiques, cela peut donner un immense courage de revenir sur les promesses de l’Evangile. Car l’Evangile n’est pas seulement un beau livre spirituel qui fait du bien à l’âme quand on le médite. Ce n’est pas seulement un beau recueil de poésies qui peuvent nous inspirer, ni une recherche philosophique originale. L’Evangile est bien sûr un recueil de sagesse étonnant, mais c’est aussi un véritable médicament universel, une invention pour résoudre nos problèmes concrets de tous les jours. Car les paroles de ce Dieu qui s’est fait homme pour nous, sont des paroles de vie, des paroles de chair et pas seulement d’esprit. Ce sont des mots capables de changer la réalité… si on les prend au sérieux.

    Sinon ce serait terrible, tout l’Evangile serait une pauvre illusion, comme un peu de pommade sur une blessure qui ne guérit jamais. Vous pensez que Dieu serait descendu sur terre parmi nous et serait mort pour nous sur la croix pour un but aussi faible que cela ? Il faudrait reprendre une à une toutes les promesses inouïes dont est parsemé l’Evangile pour nous convaincre pour toujours que nous avons ici entre les mains la plus grande découverte de l’histoire de l’humanité !

    Mais contentons-nous aujourd’hui de cette histoire de centuple qui semble aller contre toute logique. Sans faire de théorie inaccessible, je pourrais vous raconter ici ce qui m’est arrivé à moi personnellement. J’ai senti un jour l’appel de tout quitter pour suivre Jésus. J’ai quitté ma maison, mes parents, mes sœurs (je n’avais pas de frère), et mon pays. Eh bien, plus de 50 ans plus tard, j’ai réellement plus de 100 maisons dans presque tous les pays du monde, des maisons qui seraient prêtes à m’accueillir si c’était nécessaire. J’ai bien plus que 100 sœurs et même que 100 frères (moi qui n’en avais même pas un) dans tous les pays du Moyen Orient et ailleurs, j’ai un tas de villes, de villages ou de pays où je me sens chez moi, mais réellement chez moi.

    Tout cela ne m’évite pas la souffrance, qui est le lot de toute l’humanité. Cette souffrance a même augmenté d’une certaine manière puisqu’au lieu d’être seulement préoccupé pour ma petite famille, je suis continuellement secoué par les épreuves et les angoisses de toutes ces personnes que j’aime de tout mon cœur et qui me le rendent bien. Suivre Jésus ne facilite pas la vie, ce n’est pas une manière d’éviter les problèmes, mais c’est une clé pour trouver une solution concrète et profonde à tout ce qui nous arrive. Car, lorsqu’on a 100 frères et sœurs de tous les côtés, il y a toujours une porte qui s’ouvre quelque part au bon moment. On ne peut pas raisonnablement être définitivement désespéré.

    Mais ce qui est le plus beau dans tout cela, c’est que cette découverte, Dieu ne me l’a pas fait faire pour moi, comme une assurance sur la vie avec laquelle je pourrais essayer de me protéger égoïstement. Non, c’est un passepartout pour le bonheur au milieu des difficultés dont je peux faire profiter tous ceux avec qui je suis en cordée sur le chemin de la vie et qui peuvent eux aussi jouir de ces 100 frères et sœurs qui sont finalement les frères et les sœurs de tous ceux qui se mettent à vivre l’Evangile. Car s’il y a des personnes à qui Jésus demande de ne même pas se marier pour le suivre, comme nous venons de le voir au début de notre chapitre, ce seront toujours des exceptions, comme le levain dans la pâte, mais toute la pâte du peuple de Dieu est appelée à suivre le Christ, même en restant chez soi avec les problèmes de tous les jours.

    Et ce centuple est fait réellement pour chacun : il suffit d’accueillir jusqu’au bout les paroles de Jésus avec toutes leurs conséquences et surtout de le faire ensemble, en pleine unité avec d’autres qui partagent avec nous le même idéal. Car c’est cet amour réciproque à l’image de la vie de la Trinité qui est déjà notre centuple sur cette terre. Un centuple que toutes les guerres ou les explosions du monde ne pourront jamais nous enlever. Car, avec les promesses de Jésus, cette « vie éternelle » qui nous attend après la mort a déjà commencé à se répandre parmi nous sur la terre…

     

     

     

     


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  • [Pour nous préparer à la lecture du chapitre 18 de l’Evangile de Luc, nous reprenons ce commentaire publié dans ce blog en 2016 et 2020]

    « Mais alors qui peut être sauvé ? » ... « Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu, car tout est possible à Dieu. » (Mc 10,26-27) (cf. Mt 19,25-26 : « Qui donc peut être sauvé ? » … « Pour les hommes, c’est impossible, mais pour Dieu tout est possible. » et Lc 18,26-27 : « ‘Mais alors, qui peut être sauvé ?’ Jésus répondit :’Ce qui est impossible pour les hommes est possible pour Dieu.’ ») 

    Oui, il faut à la fois une grande humilité et une grande foi ou une grande confiance pour accepter une phrase pareille. C’est que Dieu qui nous aime ne veut pas nous tromper et en même temps il veut bien nous prouver qu’il n’est pas en train de se moquer de nous : quel Dieu amour ce serait ? Alors il est important de se convaincre qu’avec nos propres forces nous n’irons pas loin. Mais nous décourager ne servirait à rien. La sagesse sera toujours un équilibre subtil entre l’optimisme conquérant et libérateur de celui qui sait qu’il arrivera à bon port, encouragé par ce regard de Dieu qui nous aime, et l’abandon total à Dieu et au chemin par lequel il va nous mener et que nous ne découvrirons que peu à peu en cours de route, instant après instant, jusqu’au port final où il nous conduit.

     


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  • [Pour nous préparer à la lecture du chapitre 18 de l’Evangile de Luc, nous reprenons ce commentaire publié dans ce blog en 2016 et 2020]

    « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! » (Mc 10,23) (cf. Mt 19,23 : « Un riche entrera difficilement dans le Royaume des cieux. » et Lc 18,24 : « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses de pénétrer dans le royaume de Dieu ! »)

    Vous m’excuserez si j’insiste encore. C’est tellement évident et pourtant si difficile à mettre en pratique. « Posséder » veut dire s’arrêter, bloquer, paralyser, alors qu’aimer c’est sortir de soi pour entrer dans le cœur de nos frères et sœurs en humanité, c’est pénétrer dans un mouvement qui nous libère sans relâche en libérant les autres avec nous. Tout ce qui arrête la vie de Dieu en nous et parmi nous est comme un cancer qui dessèche peu à peu nos relations et fait de la société des blocs figés qui ne savent plus s’harmoniser entre eux et qui en arrivent à s’entretuer, en croyant qu’ainsi ils trouveront finalement la solution à leurs problèmes. Comme si la guerre qui tue allait apporter la vie qui était en nous et que nous ne savons plus voir.

     

     


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