• Nous voilà déjà en route pour notre dernier voyage vers Jérusalem. Le chapitre prochain sera l’entrée triomphale de Jésus dans la cité sainte et, en même temps le début de la fin… On y trouve d’ailleurs, comme une charnière de ce beau chapitre, la troisième annonce de la passion et de la résurrection, comme en Marc et Luc : « Au moment de monter à Jérusalem, Jésus prit à part les Douze et, pendant la route il leur dit : ‘Voici que nous montons à Jérusalem. Le Fils de l’homme sera livré aux chefs des prêtres et aux scribes, ils le condamneront à mort et le livreront aux païens pour qu’ils moquent de lui, le flagellent et le crucifient, et, le troisième jour, il ressuscitera.’ »

    Aucun commentaire sur ces quelques phrases qui sont pourtant la clé pour comprendre tout l’Evangile, sans doute parce que les disciples eux-mêmes n’étaient pas encore capables de comprendre, d’imaginer même une toute petite part de ce qui allait réellement se passer. Ces pauvres disciples, après tout ce que Jésus leur avait déjà dit et montré, n’avaient encore presque rien compris. Au lieu de se préoccuper de ce qui allait arriver à Jésus, ils en étaient encore là à penser à eux-mêmes, à se regarder, à se comparer les uns aux autres avec des regards de jalousie, à se demander qui était le plus grand parmi eux.

    C’est déjà pour eux, et en même temps pour chacun de nous qu’en Matthieu nous trouvons la parabole si originale du maître de la vigne. « Le Royaume des cieux est comparable au maître d’un domaine qui sortit au petit jour afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne. Il se mit d’accord avec un salaire d’une pièce d’argent pour la journée, et il les envoya à la vigne. Sorti vers neuf heures, il en vit d’autres qui étaient là, sur la place, sans travail. Il leur dit : ‘Allez, vous aussi, à ma vigne, et je vous donnerai ce qui est juste’… Vers cinq heures, il sortit encore, en trouva d’autres qui étaient là et leur dit : ‘Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ?’ Ils lui répondirent : ‘Parce que personne ne nous a embauchés.’ Il leur dit : ‘Allez, vous aussi, à ma vigne.’

    Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : ‘Appelle les ouvriers et distribue le salaire, en commençant par les derniers pour finir par les premiers.’ Ceux qui n’avaient commencé qu’à cinq heures s’avancèrent et reçurent chacun une pièce d’argent. Quand vint le tour des premiers, ils pensaient recevoir davantage, mais ils reçurent eux aussi, chacun une pièce d’argent. En la recevant, ils récriminaient contre le maître du domaine : ‘Ces derniers venus n’ont fait qu’une heure, et tu les traites comme nous, qui avons enduré le poids du jour et de la chaleur !’ Mais le maître répondit à l’un d’entre eux : ‘Mon ami, je ne te fais aucun tort. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour une pièce d’argent ? Prends ce qui te revient et va-t’en. Je veux donner à ce dernier autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mon bien ? Vas-tu regarder avec un œil mauvais parce que moi, je suis bon ?’ Ainsi les derniers seront premiers et les premiers derniers. »

    Il y a ici une logique déconcertante qui révolutionne complètement les plus simples catégories que nous avons d’ordinaire au sujet de la justice. Notre pauvre justice humaine est surtout basée sur la comparaison entre la manière dont sont traités les autres et celle dont nous sommes nous-mêmes traités. Car c’est nous et nos revendications qui sommes la base de tous nos raisonnements. Jamais il ne nous viendrait à l’idée que le bon patron peut avoir des raisons connues peut-être de lui seul pour traiter les autres selon leurs besoins et non d’après leur comparaison avec nous. L’autre a peut-être une grande nécessité dont je ne suis pas au courant : pourquoi me méfier tout de suite de la bonté du patron, au lieu de me réjouir de la joie de l’autre que le patron a si bien traité ? Quand c’est l’autre qui est le critère de base et non plus mon moi égoïste, bien des perspectives changent. Et probablement, 2000 ans après le passage de Jésus sur la terre, nous n’avons pas encore compris grand-chose à cette parabole…

    Et voilà justement que les disciples tombent tout de suite dans ce piège de la comparaison, de la jalousie, de l’égoïsme qui risque de gâcher toute la belle atmosphère que Jésus est en train de créer avec ses disciples. Alors que Jésus vient à peine de leur annoncer de nouveau la passion prochaine, ses disciples commencent à se disputer pour savoir comment ils pourront profiter des avantages du futur royaume. Cette fois-ci, ce ne sont même pas Jacques et Jean qui font cette requête à Jésus, comme en Marc et en Luc, c’est leur mère qui veut profiter de la situation pour s’assurer de l’avenir de ses fils : « ‘Voilà mes deux fils : ordonne qu’ils siègent, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche dans ton Royaume.’ Jésus répondit : ‘Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire ?’ Ils lui dirent :’Nous le pouvons.’ Il leur dit : ‘Ma coupe, vous y boirez ; quant à siéger à ma droite et à ma gauche, il ne m’appartient pas de l’accorder ; il y a ceux pour qui ces places sont préparées par mon Père.’ »

    Vraiment, il y aurait de quoi se scandaliser devant l’attitude de ces disciples et de leur mère, si nous ne pensions pas humblement que nous aurions peut-être fait la même chose à leur place. Et l’attitude des autres disciples n’est pas bien différente : « Les dix autres avaient entendu, et s’indignèrent contre les deux frères. Jésus les appela et leur dit :’Vous le savez : les chefs des nations païennes commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand sera votre serviteur ; et celui qui veut être le premier sera votre esclave. Ainsi le fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude.’ » Encore une révolution totale de l’Evangile par rapport à la mentalité courante du monde. Nous en avions déjà longuement parlé en commentant ce même passage chez Marc…

    Et pour finir, l’épisode de la guérison de Jéricho, comme en Marc et Luc, sauf que chez Matthieu il y a deux aveugles, alors que les deux autres évangélistes nous parlaient d’un seul aveugle, dont Marc citait même le nom : Bartimée, fils de Timée. Mais pour le reste, c’est encore à peu près la même histoire. « ‘Seigneur, aie pitié de nous, fils de David !’… ‘Que voulez-vous que je fasse pour vous ?’ » Bartimée avait dit à Jésus : « Rabbouni, que je voie ! » En Matthieu, les deux aveugles demandent : « Seigneur, que nos yeux s’ouvrent. » Et Matthieu ajoute ici que Jésus a été alors « saisi de pitié ». Et la conclusion est identique : « Jésus leur toucha les yeux ; aussitôt ils se mirent à voir, et ils le suivirent. »

    Désormais les déplacements de Jésus sont presque terminés. Jéricho est déjà tout près de Jérusalem. La Galilée est loin. Cette vie merveilleuse de la petite communauté de Jésus avec les disciples va bientôt prendre fin. Jésus va encore donner toute son énergie pour son ultime séjour à Jérusalem, avant que son heure arrive. On sent que les apôtres sont bien loin d’être préparés pour ce qui va être le plus grand évènement de l’histoire de l’humanité. Mais la Parole de Dieu n’est pas pour un temps plus que pour un autre. La Parole du Verbe incarné est éternelle. Jésus sait bien que son enseignement, même s’il est si mal compris sur le moment, servira ensuite pour les siècles des siècles jusqu’à nos jours et jusqu’à la fin des temps. A nous de nous préparer à notre tour le mieux possible, en profitant de tous ces passages importants, en relisant notre vie à la lumière de cet immense dessein d’amour qui est en train de se révéler au monde pour toujours…

     


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  • [Pour nous préparer à la lecture du chapitre 20 de l’Evangile de Matthieu, je reprends un commentaire publié dans ce blog en 2016]

    « Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur. Celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. » (Mc 10,43-45) (cf. Mt 20, 26-28 : « Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur ; et celui qui veut être le premier sera votre esclave. Ainsi le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. »)

    Il faut avouer que Jésus y va fort. Et je crois que la mentalité d’il y a 2000 ans n’est pas bien différente de celle d’aujourd’hui. Tout de même, nous proposer de devenir esclaves les uns des autres, est-ce le meilleur moyen de faire des disciples ? Donner sa vie, cela se comprend peut-être un peu mieux, mais c’est le plus souvent une sorte d’idéal héroïque inaccessible que nous laisserions volontiers à d’autres plus adaptés que nous. Alors pourquoi Jésus utilise-t-il un tel vocabulaire ?

    Je crois qu’avec Jésus, il faut accepter de ne pas tout comprendre au départ, de se laisser faire et de découvrir peu à peu ce qui se passe en cours de route. La beauté et la force de l’Evangile passent par là. Les paroles de Jésus sont pleines de lumière, mais à condition de les essayer sur soi-même et dans nos relations avec les autres. Et puis ses mots sont des passepartouts qui ne voudront pas forcément dire la même chose pour l’un ou pour l’autre. C’est pour cela qu’il est tellement important de les expérimenter et ensuite de partager nos échecs et nos découvertes dans une humble communion dans la réciprocité qui va peu à peu nous donner la clé de tout, au moins la clé qui nous convient à chacun pour avancer et comprendre l’Evangile de l’intérieur.

    Mais celui qui a le courage de mettre ces mots révolutionnaires en pratique, va expérimenter par-là la plus grande liberté qu’un homme puisse connaître. Etre libre d’être l’esclave de l’autre, même si cet autre est ingrat ou injuste avec moi. Car ma liberté ne dépend plus de la réponse de l’autre, mais de la force intérieure que la vie du Christ en moi va me donner. Et c’est cette force qui va peu à peu conquérir l’autre et le libérer lui-même de soi-même pour en faire un nouveau compagnon de route dans la diffusion de la « Bonne nouvelle ».

     

     

     


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  • « Et tout homme qui aura quitté à cause de mon nom des maisons, des frères, des sœurs, un père, une mère, des enfants ou une terre, recevra le centuple et aura en héritage la vie éternelle. » (Mt 19,29)

    Au milieu d’une période où nous vivons des moments si dramatiques, cela peut donner un immense courage de revenir sur les promesses de l’Evangile. Car l’Evangile n’est pas seulement un beau livre spirituel qui fait du bien à l’âme quand on le médite. Ce n’est pas seulement un beau recueil de poésies qui peuvent nous inspirer, ni une recherche philosophique originale. L’Evangile est bien sûr un recueil de sagesse étonnant, mais c’est aussi un véritable médicament universel, une invention pour résoudre nos problèmes concrets de tous les jours. Car les paroles de ce Dieu qui s’est fait homme pour nous, sont des paroles de vie, des paroles de chair et pas seulement d’esprit. Ce sont des mots capables de changer la réalité… si on les prend au sérieux.

    Sinon ce serait terrible, tout l’Evangile serait une pauvre illusion, comme un peu de pommade sur une blessure qui ne guérit jamais. Vous pensez que Dieu serait descendu sur terre parmi nous et serait mort pour nous sur la croix pour un but aussi faible que cela ? Il faudrait reprendre une à une toutes les promesses inouïes dont est parsemé l’Evangile pour nous convaincre pour toujours que nous avons ici entre les mains la plus grande découverte de l’histoire de l’humanité !

    Mais contentons-nous aujourd’hui de cette histoire de centuple qui semble aller contre toute logique. Sans faire de théorie inaccessible, je pourrais vous raconter ici ce qui m’est arrivé à moi personnellement. J’ai senti un jour l’appel de tout quitter pour suivre Jésus. J’ai quitté ma maison, mes parents, mes sœurs (je n’avais pas de frère), et mon pays. Eh bien, plus de 50 ans plus tard, j’ai réellement plus de 100 maisons dans presque tous les pays du monde, des maisons qui seraient prêtes à m’accueillir si c’était nécessaire. J’ai bien plus que 100 sœurs et même que 100 frères (moi qui n’en avais même pas un) dans tous les pays du Moyen Orient et ailleurs, j’ai un tas de villes, de villages ou de pays où je me sens chez moi, mais réellement chez moi.

    Tout cela ne m’évite pas la souffrance, qui est le lot de toute l’humanité. Cette souffrance a même augmenté d’une certaine manière puisqu’au lieu d’être seulement préoccupé pour ma petite famille, je suis continuellement secoué par les épreuves et les angoisses de toutes ces personnes que j’aime de tout mon cœur et qui me le rendent bien. Suivre Jésus ne facilite pas la vie, ce n’est pas une manière d’éviter les problèmes, mais c’est une clé pour trouver une solution concrète et profonde à tout ce qui nous arrive. Car, lorsqu’on a 100 frères et sœurs de tous les côtés, il y a toujours une porte qui s’ouvre quelque part au bon moment. On ne peut pas raisonnablement être définitivement désespéré.

    Mais ce qui est le plus beau dans tout cela, c’est que cette découverte, Dieu ne me l’a pas fait faire pour moi, comme une assurance sur la vie avec laquelle je pourrais essayer de me protéger égoïstement. Non, c’est un passepartout pour le bonheur au milieu des difficultés dont je peux faire profiter tous ceux avec qui je suis en cordée sur le chemin de la vie et qui peuvent eux aussi jouir de ces 100 frères et sœurs qui sont finalement les frères et les sœurs de tous ceux qui se mettent à vivre l’Evangile. Car s’il y a des personnes à qui Jésus demande de ne même pas se marier pour le suivre, comme nous venons de le voir au début de notre chapitre, ce seront toujours des exceptions, comme le levain dans la pâte, mais toute la pâte du peuple de Dieu est appelée à suivre le Christ, même en restant chez soi avec les problèmes de tous les jours. Et ce centuple est fait réellement pour chacun : il suffit d’accueillir jusqu’au bout les paroles de Jésus avec toutes leurs conséquences et surtout de le faire ensemble, en pleine unité avec d’autres qui partagent avec nous le même idéal. Car c’est cet amour réciproque à l’image de la vie de la Trinité qui est déjà notre centuple sur cette terre. Un centuple que toutes les guerres ou les explosions du monde ne pourront jamais nous enlever. Car, avec les promesses de Jésus, cette « vie éternelle » qui nous attend après la mort a déjà commencé à se répandre parmi nous sur la terre…

     

     

     


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  • « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi. » (Mt 19,21)

    Comme c’est beau ce désir d’être parfait ! Mais attention, l’idée de la perfection est bien différente entre le ciel et la terre. Sur la terre une chose parfaite est une œuvre complète, achevée, à laquelle il n’y a plus rien à ajouter. Un verre est parfait quand il est plein, car il est fait justement pour être rempli. Tandis que le symbole de la perfection à l’image du paradis, c’est un cœur qui se vide pour se donner à l’autre.

    Bien sûr que pour donner ou se donner, il faut aussi se remplir à un certain moment et même toute la vie, mais ce n’est jamais pour s’arrêter sur ce plein qui est en nous, mais pour le vider tout de suite sur l’autre en le partageant.

    La différence est bien évidente. Celui qui possède un trésor à la façon des riches de ce monde, est tout le temps figé, bloqué sur son trésor, avec la peur qu’on vienne le lui voler. Tandis que celui qui donne aussitôt tout ce qu’il reçoit en don de la vie, est toujours en mouvement et libre d’aimer. C’est la logique de l’amour qui sort sans cesse de soi-même pour chercher l’autre et entrer dans son cœur. L’amour que Dieu nous demande est un amour qui ne s’arrête jamais sur lui-même car sa référence est la vie de Dieu en l’autre avec lequel je peux créer cette réciprocité qui se vit au ciel au cœur de la Trinité.

    C’est une perfection qui n’est jamais fermée, car elle s’ouvre sans cesse à l’infini. Elle est dépossession de soi-même pour laisser la vie de Dieu couler en nous. Elle va et elle vient, elle suit le Christ partout où il va. Elle ne prend pas, elle n’accumule pas et elle découvre à chaque pas le miracle de voir qu’en Dieu plus je me donne, plus je suis rempli de son amour. Mais comme nous ne sommes pas encore au paradis, cela demande bien sûr un entrainement continuel, pour dépasser cette tendance ancrée en nous qui voudrait détourner sur soi tout ce que la vie lui apporte. Mais le bonheur de vivre, même si c’est seulement par instants au début, la dynamique du ciel, nous entraîne peu à peu vers Dieu et transforme finalement notre cœur de pierre en un cœur de chair, avec lequel nous nous sentons pour toujours tellement mieux.

     


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  • « Maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle ? » … « Si tu veux entrer dans la vie éternelle, observe les commandements. » (Mt 19,16-17)

    Ce n’est pas la première fois que je reviens sur ce sujet, mais il est tellement important, car il est peut-être la clé qui peut nous ouvrir à la fois la porte du ciel et le bonheur sur cette terre. Il nous aide à nous libérer définitivement du désir de posséder la vie et tous ses biens, pour entrer dans l’amour de Dieu qui règne au sein de la Trinité et que Jésus est venu nous apporter sur la terre.

    Nous disons toujours qu’au ciel le Père et le Fils « passent leur temps », si on peut se permettre une telle expression pour nous faire comprendre, à s’accueillir et à se donner l’un à l’autre dans l’amour de l’Esprit Saint qui est le lien d’unité entre eux. Jamais il ne viendrait au Père l’idée de posséder le Fils, ni au Fils l’idée de posséder le Père, de profiter de Lui, de l’exploiter. Le Père et le Fils ne savent pas faire autre chose que de pénétrer l’un dans l’autre dans la plus parfaite réciprocité qui les libère en recréant de toute éternité cet amour entre eux qui est en même temps l’amour infini qui se déverse sur toute la création dont l’humanité est la perle.

    Alors, si nous avons commencé à comprendre cette dynamique inouïe qui insuffle en nous la vie de Dieu et nous porte de l’avant en nous soutenant et en nous faisant grandir en même temps, nous n’avons rien d’autre à faire que de nous donner à cette vie, en nous donnant à Dieu et à nos frères et sœurs en humanité. Alors cette vie, qui est déjà ici-bas une goutte de la vie éternelle qui nous attend au paradis, commence à nous transformer de l’intérieur, à nous libérer en nous faisant respirer de tout notre être. Et le miracle est de voir que plus je me jette dans cette vie, en m’oubliant moi-même pour Dieu et pour les autres, plus Dieu et les autres me remplissent de cet amour infini qui me donne la force d’aller de l’avant au milieu de tous les problèmes du monde. Et plus j’aide les autres à être eux-mêmes dans cette dynamique de l’amour trinitaire et plus les autres m’aident à être profondément moi-même. Un moi-même qui est toujours en devenir, un moi-même qui ne cherche pas à défendre le moi que j’étais hier, car je laisse Dieu dans l’instant présent inventer ce moi qui s’ouvre sans cesse à l’horizon de l’avenir. Vouloir se posséder, c’est s’arrêter sur le passé et rester figé pour toujours.

    Le jeune homme riche voulait « avoir » la vie éternelle. Jésus ne répond même pas à sa question, car la vie éternelle ne sera jamais une réalité que l’on peut « avoir » ou « posséder ». « Entrer dans la vie », c’est se déposséder de tout ce que nous étions jusqu’à présent pour laisser Dieu nous surprendre à chaque instant par de nouvelles découvertes qui continuent à construire cette personnalité qui se prépare chaque jour un peu plus à la vie éternelle qui nous attend, mais qui est en même temps déjà là. La vie éternelle, c’est une relation avec le temps qui libère au lieu de nous angoisser, c’est la fin de la peur, parce que chaque nouvel instant que Dieu nous donne est une nouvelle chance de sortir de notre tunnel et d’aller vers la lumière. Et quand cette vie éternelle est partagée en même temps avec d’autres compagnons de voyage sur cette terre, c’est une symphonie merveilleuse qui se développe dans le temps, toujours identique et toujours nouvelle. Mais il faut l’expérimenter pour y croire… avec ceux qui ont vécu déjà tout cela avant nous et qui nous tendent les bras.


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