• Peur d'être envahis

    A une époque où les frontières s’ouvrent de plus en plus, au moins dans les médias, où les cultures du monde entier apprennent à s’entrepénétrer et à s’enrichir mutuellement, il est impressionnant de constater combien de personnes ont encore peur, terriblement peur d’être envahis par les autres. Combien d’hommes politiques à la courte vue pensent gagner les élections en promettant à leur électorat qu’ils les protégeront contre ces « autres » qui veulent les envahir. Et le pire c’est que beaucoup de gens les élisent pour cela.

    Mais ici, je voudrais être très clair : mon article ne voudrait surtout pas s’adresser au Liban et aux Libanais qui ont été depuis longtemps envahis : Arméniens, Palestiniens, Irakiens, Syriens… Les Arméniens ont heureusement eu le temps de s’intégrer ainsi que certains Syriens, mais la plupart des autres sont là comme une charge bien lourde pour ce petit pays. Et tant que les grands de ce monde ne voudront pas s’accorder pour résoudre ensemble tous les problèmes du Moyen Orient, la situation restera écrasante pour un pays qu’on appelait il n’y a pas si longtemps la Suisse du Moyen Orient…

    Non, mon intention aujourd’hui est une autre : me moquer de mes compatriotes français et de mes frères d’Europe qui ont peur d’ouvrir leurs frontières. « Me moquer », entendons-nous, il n’y a rien de méchant pour moi dans ce mot : les vrais amis ont le droit et le devoir de se moquer gentiment de ceux qui risquent de faire une grosse bêtise, si on ne les réveille pas à temps. C’est une des plus grandes « batailles » que nous devons mener aujourd’hui.

    Le monde, comme la nature, avance, progresse, même si cela semble parfois à reculons, mais ce qui est sûr c’est que le passé n’existera plus jamais et qu’il faut bien s’adapter aux nouvelles réalités. On peut le faire avec la mentalité de quelqu’un qu’on conduit à l’abattoir pour y être achevé, ou avec la passion de celui qui sait que dans toute évolution de l’humanité il y a toujours de bonnes surprises, des éléments positifs.

    Trouverait-on aujourd’hui quelqu’un qui préférerait revenir vivre au Moyen Age ou au temps de l’empire romain ? Est-ce simplement parce que nous avons maintenant l’électricité, nos voitures, la télévision ou internet ? Ou est-ce aussi que beaucoup de valeurs de respect de la personne, d’écoute et de dialogue, de progrès relationnel ou social rendent notre vie de maintenant plus humaine, plus harmonieuse qu’autrefois, malgré toutes les contradictions que nous devons affronter ?

    Il faudrait voir maintenant les causes réelles de notre peur d’être envahis. Si ce sont seulement des causes matérielles, la peur que des gens venus d’ailleurs viennent partager nos richesses, alors nous avons sans doute raison d’avoir peur et c’est bien mérité : si nous ne commençons pas volontairement à partager les richesses que nous nous sommes accumulées depuis surtout deux siècles, souvent sur les dos des autres, nous serons bientôt obligés de le faire par la force et la violence : c’est mieux de s’y mettre aujourd’hui de tout notre cœur en comprenant ceux qui se sentent lésés.

    Mais si notre peur est de perdre notre identité, notre personnalité, il y a là effectivement un problème de fond à examiner. Nous y reviendrons prochainement dans un autre article, mais aujourd’hui je voudrais simplement lancer quelques pistes provocatrices.

    -          Si j’ai peur que l’autre m’envahisse et m’impose sa personnalité et son identité, c’est peut-être que j’ai une bien pauvre idée de moi-même : à approfondir.

    -          Si je pense que l’autre risque de me donner ses valeurs, cela veut dire que je n’ai rien compris aux valeurs, car les valeurs ne s’imposent jamais par la force, elles entrent en nous seulement par l’expérience et la conviction, sinon ce ne sont pas des valeurs.

    -          Si je pense que l’autre va me voler mes valeurs, c’est que je n’ai pas compris que les valeurs sont faites pour être partagées.

    -          Si je pense que celui qui va m’envahir n’a pas de valeurs, c’est que je suis un pauvre homme raciste ou qui vit sur la lune. Tout peuple a des valeurs et c’est beau de les mettre en commun, tout le monde y gagne : voyez la beauté d’un peuple comme le peuple brésilien.

    L’exemple du peuple libanais va m’aider à me faire comprendre. Les Libanais souffrent car la situation de leur pays est intenable. Ils sont victimes d’une grande injustice internationale. Si l’on pense que le nombre de personnes d’origine étrangère qui vivent sur le sol Libanais arrive au moins aux deux tiers de la population totale du pays, c’est comme s’il y avait en France 40 millions de personnes d’origine étrangère installées depuis la fin de la seconde guerre mondiale. On ne parle pas ici de recevoir quelques milliers de réfugiés. Et bien je vois qu’avec toute cette situation parfois dramatique, les Libanais sont toujours les Libanais, ils ont leur identité, leur âme libanaise, leurs valeurs, leur personnalité qui est différente de celle des Palestiniens, des Syriens, des Irakiens (qui ont eux aussi leurs valeurs et leurs richesses, différentes). Ils sont parfois tentés eux aussi d’émigrer ailleurs, mais ils sont toujours eux-mêmes et ils n’ont pas peur de l’être.

    Affaire à suivre…

     

     

     


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  • Commentaires

    1
    Hayat
    Jeudi 1er Octobre 2015 à 11:01
    C'est en grande partie vrai ce que tu dis ...mais je me mets à la place d'une petite ville d'un petit département français qui recevrait un grand nombre d'immigrés ..je comprends leur crainte...sans compter qu'ils craindraient des intégristes parmi les arrivants , surtt ceux qui arrivent clandestinement ...Je crois cependant fermement que cette interpénétration de peuples et de culture donnera ,après les turbulences inévitables du début,des fruits inestimables pour l'humanité entière !
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