• Peur de l'islam (2)

    Le 5 juin dernier, dans cette même rubrique « Batailles », j’avais déjà écrit un article un peu fort sur la « peur de l’islam » qui grandit malheureusement en occident. Je voudrais revenir aujourd’hui sur le sujet, poussé par ma dernière visite en France d’il y a quelques jours, qui m’a vraiment choqué. Cette peur de l’islam ne cesse de grandir dans des proportions inquiétantes.

    On trouve maintenant en France, un peu partout, toute une littérature qui prétend expliquer « la vérité » sur l’islam et ses projets malsains, voire diaboliques. Et le pire c’est que ceux qui écrivent de tels propos se présentent comme de grands experts de la question, d’anciens musulmans convertis qui « savent » de quoi il s’agit, ou des musulmans « ouverts » qui ont fui la persécution du monde islamique et se sont réfugiés en Europe, ou des penseurs « chrétiens » qui démontent scientifiquement toutes les « contradictions » de l’islam et du Coran qu’ils prétendent connaître mieux que les musulmans eux-mêmes.

    Je n’entrerai pas sur le terrain de ces discussions stériles et malsaines, car ce serait tomber dans le piège de confondre des bribes de vérités, prises en dehors de leur contexte, avec la vérité tout entière. Et qui peut prétendre posséder la vérité ? Mais ce qui est sûr, c’est que la vérité qui vient de la peur ne sera jamais une vérité. Ou bien alors que ce soit la peur « pour » quelqu’un, mais pas la peur « de » quelqu’un. Dans toute cette fausse littérature, je n’ai pratiquement pas trouvé une phrase ou une page qui me montrent que leurs auteurs aiment les musulmans et ont peur « pour eux ».

    Alors, bien sûr, si on n’est pas capable d’essayer de comprendre les musulmans, qui souffrent certainement encore plus que nous en ce moment de cette situation dramatique liée au terrorisme ou à l’Etat islamique, si on n’est pas capable d’ « aimer » les musulmans, c’est-à-dire d’entrer dans leur cœur, dans leurs souffrances et leurs peurs à eux, de vouloir leur bien de tout notre cœur, il n’y a évidemment aucune autre solution que de se fuir les uns les autres. Il n’y a plus d’autre solution que d’ériger de nouveaux murs pour nous isoler un peu plus, pour rester seulement avec des gens « en qui nous aurions confiance »…

    Il est normal d’avoir peur du « mal » qui travaille sournoisement dans le monde et pas seulement chez les autres, mais aussi en chacun de nous. Mais la peur ne doit être qu’une occasion de réfléchir, de s’entraider encore plus. La peur ne sera jamais une issue, elle ne peut être qu’un obstacle dont il faut sortir au plus vite. Il ne faut jamais cultiver la peur. Il faut chercher de toutes nos forces de nouveaux moyens de nous comprendre, de collaborer, et surtout de nous connaître dans nos différences et de nous aider à chasser ensemble nos mauvais esprits.

    S’il y a en ce moment des musulmans sincères qui nous semblent devenus fous (mais il y a aussi de faux musulmans qui se servent de ce terrorisme pour d’autres buts), n’oublions pas que notre civilisation chrétienne a produit des guerres de religions, a brûlé sur des bûchers des gens qui voulaient faire progresser l’humanité et a tué des millions de personnes il y a de cela seulement 70 ans, sous prétexte de purification ethnique. Nous avons tous nos démons. Et on ne peut pas oublier que, dans cette Syrie aujourd’hui martyrisée, les chrétiens et les musulmans étaient encore il y a 100 ans chacun 50% de la population du pays et vivaient ensemble en harmonie. Et ce sont les musulmans syriens d’il y a 100 ans qui ont ouvert tout grands leur bras, avec leurs frères chrétiens, pour accueillir en Syrie les centaines de milliers d’arméniens qui fuyaient le génocide perpétré par les Turcs d’alors…

     

    On ne peut pas tout confondre, on ne peut pas se laisser aller à la panique sans réfléchir. Il faut sortir de cette impasse et le plus vite possible, si l’on ne veut pas provoquer des incompréhensions et des conflits encore plus grands. Je vis personnellement au milieu de musulmans depuis 45 ans et jamais je n’ai eu peur « des musulmans ». J’ai peur des fous, comme tout le monde, et je les évite bien sûr. Mais je tiens à dire que si on entre dans cette logique de la méfiance universelle, ce serait presque mieux de se suicider tout de suite : n’est-ce pas mieux de croire en l’humanité présente au fond du cœur de chaque homme ?


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  • Commentaires

    1
    Hayat
    Mardi 22 Décembre 2015 à 10:19
    Ansolument ! D'abord connaître les personnes en tant que personnes humaines tout simplement,après et seulement après "étudier " leur différence,religieuses , ethniques ou autre ..."dépasser la peur " pour "accueillir" la personne humaine ...
    2
    lenach
    Mercredi 3 Février 2016 à 16:59

    La peur n'est jamais bonne conseillère. L'ignorance aussi.  Tisser des liens avec l'autre qui est différent...Un peu de géopolitique des courants religieux qui s'affrontent au sein de l'Islam ou du Christianisme peut aussi être utile à connaître afin que notre bonté ne se confonde pas avec de la naïveté.

      • Mercredi 3 Février 2016 à 18:34

        Tout à fait d'accord. J'aime bien la fin de votre phrase: "afin que la bonté de se confonde pas avec de la naïveté." Je crois qu'elle va me pousser à écrire un article sur ce sujet très prochainement. Merci pour cette occasion de dialoguer et donc de se comprendre toujours plus.

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