• Quand on n'est pas compris

    Oui, je sais que vous allez dire que je ne vous comprends pas. Mais c’est normal, c’est la rubrique « provocations » : il faut bien quelquefois se secouer les uns les autres pour avancer, vous ne pensez pas ?

    « Quand on n’est pas compris », disions-nous ? Eh bien j’ai envie de vous dire : «Et alors, qu’est-ce que ça fait ? » Réaction superficielle et méchante ? Je voudrais partager avec vous une découverte que je suis en train de faire depuis quelques années et qui se renouvelle maintenant en moi chaque jour. C’est très difficile d’être vraiment compris.

    J’ai passé une grande partie de ma vie à essayer d’être compris, je me suis même beaucoup fatigué pour ça. J’ai très souvent été déçu, même par les personnes que je pensais les plus proches de moi, celles qui auraient dû en principe être les premières à me comprendre…

    Bien sûr, j’ai retrouvé beaucoup de paix quand j’ai commencé à essayer moi-même de comprendre les autres. Cela fait du bien de ne pas être trop centré continuellement sur soi-même et de penser aux autres, de les écouter, d’essayer de voir ce dont ils ont besoin. Et puis, avant de juger les autres, c’est toujours une bonne leçon de voir que moi aussi je ne suis pas toujours capable de comprendre ces autres en profondeur, en vérité. Combien de gaffes j’ai faites dans ma vie, alors que, plein de bonne volonté, je voulais aider quelqu’un et je voyais que mon intervention avait fait empirer les choses au lieu de les résoudre…

    Mais alors, encore une crise de pessimisme ? Non, pas du tout. Simplement un peu de réalisme. Mais surtout je voudrais dire, je voudrais crier à tous les gens qui peuvent m’entendre, que ce n’est pas si important que cela d’être compris. Il y a quelque chose de beaucoup plus important dans la vie, c’est d’être aimé. D’aimer et d’être aimé !

    Prenons une famille unie, il y en a dans ce monde, même si on parle beaucoup de la crise de la famille. Eh bien, vous pensez que les enfants comprennent vraiment les parents ? C’est presque impossible, ils devraient avoir déjà fait l’expérience d’être eux-mêmes des parents pour pouvoir comprendre certaines choses. Cela viendra plus tard. Mais les enfants eux-mêmes sont-ils vraiment compris par les parents ? Là aussi trop d’éléments nouveaux entrent en ligne de compte. C’est un peu cela qui provoque la crise de l’adolescence, en plus du fait que ce n’est déjà pas facile d’entrer dans le monde des adultes : l’adolescent sent souvent une distance énorme entre ce qu’il vit, ce qu’il découvre, ce qui le préoccupe et les préoccupations de ses parents. Et entre frères et sœurs ? Ne se sentent-ils pas souvent dans des mondes tellement différents ? Et pourtant on peut s’aimer et s’aimer beaucoup dans une famille unie, il n’y a qu’à voir le drame de perdre soudain un être cher à cause d’une maladie ou d’un accident.

    Ces temps-ci, où les évènements se précipitent de plus en plus au Liban et dans tout le Moyen Orient, c’est touchant de voir combien de nos amis se mobilisent en Europe ou ailleurs pour « faire quelque chose », pour nous venir en aide, pour accueillir des réfugiés. Et pourtant combien de fois nous avons l’impression qu’ils ne comprennent pas grand-chose à notre situation. Combien de fois, lorsque je vais pour quelques semaines en France ou en Italie, j’essaye d’expliquer à mes amis là-bas ce que nous vivons de particulier au Moyen Orient. Je reçois en général une belle écoute, pleine de bonne volonté, mais je vois bien que le message que je voudrais donner a beaucoup de mal à passer. J’ai fini par comprendre que c’est normal. Ce n’est la faute de personne. L’important c’est que cet élan de solidarité continue à se développer, et pas tellement que tout le monde puisse comprendre tout le monde. Et nos amis réfugiés de Syrie ou d’Irak, est-ce qu’ils se sentent compris au Liban ou en Jordanie, où lorsqu’on les accueille finalement dans un nouveau pays ? Combien de souffrances dues justement à des incompréhensions !

    Alors, pour conclure, je voudrais dire et redire qu’il n’y a qu’une chose importante dans la vie : aimer et être aimé. Bien sûr, pour aimer on va essayer de comprendre l’autre. Parfois on y arrivera et parfois non. L’important c’est qu’il ressente notre amour. Et si nous aimons nous-mêmes chaque jour, du matin au soir, en nous donnant de tout notre cœur à ceux que nous rencontrons, à ceux qui partagent notre vie, il est impossible que nous ne nous sentions pas aimés en retour. C’est vrai que parfois certaines personnes à qui nous avons tellement donné semblent ne pas s’en rendre compte et nous risquons quelques déceptions. Mais nous serons aussi surpris de voir combien d’autres personnes que nous connaissons à peine nous aiment tellement.

     

    C’est presque mathématique : si on sème de l’amour, on récoltera de l’amour, ici ou là peu importe, aujourd’hui ou demain, peu importe. Ce qui importe c’est que nous n’avons qu’une seule vie et que nous pouvons la remplir ou non d’amour, au-delà des obstacles et des incompréhensions de toutes sortes. Et il faut aussi un peu de sagesse et de bon sens : lorsque quelqu’un ne veut pas nous comprendre, concentrons-nous déjà sur ceux avec qui le courant passe aujourd’hui, puis attendons une bonne occasion pour essayer de nouveau avec ceux qui semblent les plus difficiles. La vie est une aventure, on doit s’y battre jusqu’au bout. C’est aussi pour cela qu’elle est si belle.


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  • Commentaires

    1
    Hayat
    Dimanche 13 Septembre 2015 à 12:24
    C'est vrai que ce n'est pas toujours possible de comprendre l'autre , mais on peut accepter de ne pas le comprendre, l mais le com-prendre dans le sens de le prendre en soi, de l'accueillir en soi comme il est...il y faut de l'humilité,et du courage...
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