• « Comme les pharisiens demandaient à Jésus quand viendrait le règne de Dieu, il leur répondit : ‘Le règne de Dieu ne vient pas d’une manière visible. On ne dira pas : ‘Le voilà, il est ici !’ ou bien : ‘Il est là !’ En effet, voilà que le règne de Dieu est au milieu de vous.’ » (Lc 17,20-21)

    Cette petite phrase est inouïe si on y pense. Nous en sommes à l’une de ces descriptions apocalyptiques effrayantes qui nous préparent à la fin des temps, où l’on aurait toutes les raisons de perdre la paix, la foi ou l’espérance, et voilà que Jésus nous dit en toute simplicité que le règne de Dieu est au milieu de nous, comme si tout le reste ne pouvait plus nous toucher. Mais est-ce possible ?

    Non seulement c’est possible mais c’est l’unique réalité qui tient debout au milieu de la catastrophe universelle qui nous attend. Jésus veut d’abord nous rassurer, nous empêcher de nous laisser emporter par la panique. Et remarquons qu’il dit cela aux pharisiens, pas même à ses disciples, cela veut dire que cette vérité est valable pour tout le monde : c’est pour toute l’humanité que Jésus est descendu sur terre pour donner sa vie.

    Mais voilà qu’au milieu de la confusion des voix se font entendre de tous les côtés : le règne de Dieu est ici, non, il est là. Et c’est de nouveau la panique. Car il y a véritablement à la fin des temps, qui a commencé avec la venue de Jésus sur terre, une ultime bataille décisive entre Dieu et le diable. Car ce pauvre diable voit bien que sa fin est proche. C’est pour cela qu’il veut tout casser, comme si par là il pouvait empêcher le règne de Dieu de se manifester.

    C’est là qu’il ne faut pas tomber dans le piège du diable qui, avec la panique, sème la zizanie entre les hommes. Chacun crie sa vérité, et plus personne ne comprend ce qui se passe. Non seulement on perd la paix, mais on perd en même temps la confiance les uns dans les autres. Jésus est venu apporter la concorde et l’unité et nous nous retrouvons au milieu des pires divisions. Alors que faire pour éviter de nous laisser tromper par le malin ? Rester bien ancrés chacun de nous au règne de Dieu, ce qui veut dire rester unis avec Jésus et entre nous.

    Et si un de nos frères ou de nos sœurs se met à dire n’importe quoi, ne nous mettons surtout pas à le juger, comme il serait inutile de juger Pierre qui a trahi Jésus. Nous ne savons pas ce que nous aurions fait à sa place. Faisons toujours confiance à Jésus dans l’autre et ces tentations passeront toutes seules. Et alors nous resterons unis avec Jésus au milieu de nous comme nous le rappelle l’Evangile de Matthieu (Mt 18,20). Car il ne suffit pas d’être convaincus que le règne de Dieu est tout proche, qu’il est là au milieu de nous, il faut surtout vivre selon sa loi qui est celle de l’amour qui nous arrive tout droit de la Trinité en Jésus et dans l’Esprit. A ce moment-là, ce pauvre diable ne pourra vraiment plus rien contre nous et contre Dieu…

     


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  • « Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s’arrêtèrent à distance et lui crièrent : ‘Jésus, maître, prends pitié de nous.’ En les voyant, Jésus leur dit : ‘Allez vous montrer aux prêtres’. En cours de route, ils furent purifiés. L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta la face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or c’était un Samaritain. Alors Jésus demanda : ‘Est-ce que tous les dix n’ont pas été purifiés ? Et les neuf autres, où sont-ils ? On ne les a pas vus revenir pour rendre gloire à Dieu ; il n’y a que cet étranger !’ Jésus lui dit : ‘Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé’. » (Lc 17,12-19)

    Vous allez bien vouloir m’excuser de nouveau, si vous avez l’impression que je dis toujours la même chose. Mais est-ce que c’est ma faute si Jésus revient toujours et toujours sur les mêmes points, même si c’est chaque fois dans un cadre différent avec des touches d’une profonde humanité ? C’est que Jésus ne se lasse pas, il espère toujours que quelqu’un finira par ouvrir son esprit et son cœur à la lumière de l’Esprit.

    Ici, c’est évidemment étonnant de voir qu’un seul des 10 lépreux qui ont été guéris retourne vers Jésus pour lui exprimer sa reconnaissance, et en plus c’est un étranger. Mais que veut nous dire ici Jésus ? Que la gratitude est tellement plus belle que l’indifférence ou, pire encore, que l’ingratitude ? Certainement. Mais ce n’est pas cela son véritable but. Dieu n’est pas un patron qui se fâche si on ne sait pas lui dire merci. Ce n’est pas pour lui-même que Jésus se fatigue chaque fois avec nous sans relâche, de tout son cœur. C’est pour notre bien. Jésus ne veut pas que nous lui soyons reconnaissants, comme on peut s’acquitter d’un devoir social. Ce serait ne rien comprendre à son amour que de nous arrêter à ce stade.

    Non, Jésus sait seulement que celui qui fait le pas de retourner tout simplement vers lui, d’entrer en relation avec son amour infini, va aussitôt pénétrer dans le secret de la réciprocité divine qui se vit au sein de la Trinité. Jésus ne guérit pas simplement pour nous guérir, mais pour nous inviter en même temps au banquet de son paradis. L’homme qui comprend cela au moment du miracle de la guérison va retomber malade un jour ou l’autre, mais il ne reviendra plus jamais en arrière dans cette relation d’amour réciproque avec Dieu.

    Et c’est bien pour cela que Jésus dit au samaritain : « Ta foi t’a sauvé ! » Il ne l’a pas dit aux autres lépreux qui ont été guéris. Car ils ont été seulement guéris provisoirement, mais ils n’ont pas été « sauvés ». Le salut avec lequel Dieu nous sauve, c’est la joie d’entrer pour toujours dans la béatitude du Père, sur la terre comme au ciel. Et c’est pour cela que ce message se répète inlassablement, avec la patience d’un Dieu qui n’est pas là pour nous juger, mais pour nous sauver, c’est-à-dire pour nous attendre, pour nous accueillir au cœur de son amour.

     

     


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  • « De même vous aussi, quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : ‘Nous sommes des serviteurs inutiles : nous n’avons fait que notre devoir’. » [Une autre traduction dit : « Nous sommes des serviteurs quelconques. »] (Lc 17,10)

    Comment comprendre cette phrase ? Est-ce que Jésus veut soudain nous déprécier, nous convaincre que nous ne valons rien pour que nous l’adorions, Lui qui est le Tout-Puissant ? Quelle idée horrible nous aurions alors de notre Dieu, comme dans certaines religions primitives : un Dieu tyran ou dictateur qui prend plaisir à nous dominer ?

    Nous savons bien, nous chrétiens en particulier, que l’homme est la perle de l’univers, que nous avons été créés à l’image de Dieu. Et pourtant nous passons souvent le plus clair de notre vie au milieu d’une société d’autres hommes qui se moquent de nous, qui nous critiquent, qui nous ignorent, ou qui essayent même de nous écraser et de nous montrer que nous sommes des moins que rien. La confiance en nous-mêmes et le courage de vivre en prennent un drôle de coup. Est-ce pour cela que nous sommes venus au monde ?

    La tentation est alors bien forte de mendier cette reconnaissance de nous-mêmes et de notre importance, qui ne semble pas évidente du tout. Nous prétendons que les autres nous apprécient, nous remercient continuellement, nous mettent en valeur et ils font souvent le contraire. Alors que faire ? Passer notre temps, tout seuls, à nous regarder dans un miroir, pour nous convaincre que nous sommes merveilleux, beaux ou intelligents ?

    C’est là que Jésus veut nous aider à sortir de ce piège dans lequel le démon s’amuse continuellement à nous faire tomber : passer notre journée à nous regarder, au lieu de tourner notre attention vers les autres pour les aimer, sans rien attendre…

    Dans la Trinité, le Père ne se regarde jamais : il aime le Fils et lui donne sa vie divine dans l’Esprit Saint, et ainsi fait le Fils avec le Père. Nous regarder et vouloir obliger les autres à nous aimer et à nous considérer, est simplement une perte de temps inutile. Alors que, lorsqu’on passe son temps à se donner pour vivre l’amour de l’Evangile, voilà que les autres sont tellement touchés, bouleversés, qu’ils n’arrêtent plus de nous remercier et de nous aimer à notre tour, mais comme une belle surprise qui vient toute seule, sans qu’on l’ait cherchée.

    C’est ce qui est arrivé à Marie, au début de cet Evangile de Luc, lorsqu’elle est partie pour aider sa vieille cousine Elisabeth et pour la servir, simplement parce que son cœur était plein d’amour de Dieu. Et c’est là que s’est produit le miracle : Elisabeth, remplie de l’Esprit Saint a fait tout à coup découvrir à Marie l’immense richesse que Dieu avait mise dans son cœur et dans tout son être, et Marie a chanté son Magnificat. C’est ce qui nous arrive à nous aussi, lorsque nous prenons au sérieux l’amour de l’Evangile. Mais il faut le mettre en pratique pour y croire vraiment et définitivement.

     

     


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  • « Les apôtres dirent au Seigneur : ‘Augmente en nous la foi !’ » (Lc 17,5)

    Encore une demande bien maladroite de ces pauvres apôtres qui continuent à ne pas comprendre grand-chose à ce qui leur arrive. Comme si la foi était une question de quantité ou de volume, ou pire encore, comme quelque chose que l’on possède. Jésus se moque d’ailleurs d’eux bien gentiment : « La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde, vous diriez au grand arbre que voici : ‘Déracine-toi et va te planter dans la mer’, et il vous obéirait. »

    La foi n’est pas une conquête ou le fruit d’une recherche obstinée. Elle est un don de Dieu, une grâce que Dieu nous donne pour nous brancher à la source de sa vie. Cette foi nous arrive du ciel à chaque instant pour nous sauver : « Ta foi t’a sauvé ! » ne cesse de dire Jésus à ceux qu’il vient de guérir. Mais cette foi arrive-t-elle seulement à quelques privilégiés ? Bien sûr que non ! Dieu qui nous aime de tout son cœur ne va pas favoriser certains de ses enfants et d’autres non. Mais il a simplement besoin de notre amour pour laisser cette foi divine porter ses fruits en nous.

    Même si elle est un peu mal placée, cette demande est tout de même au fond une bonne demande, car elle est guidée par l’amour des apôtres qui veulent pénétrer chaque jour un peu plus dans cette vie mystérieuse que Jésus leur offre. Pour laisser cette foi merveilleuse nous envahir, il suffit donc de se brancher sur elle, même si on ne comprend pas bien encore de quoi il s’agit. Il suffit d’aimer Dieu, d’avoir soif de Lui et de nous tourner vers Lui, chaque fois que nous le pouvons. Il suffit de rester éveillés, attentifs, pour ne pas laisser passer le don de Dieu devant nous et en nous, sans que nous nous en rendions compte. La foi, c’est finalement faire confiance que Dieu nous fait confiance, même si on ne voit pas encore grand-chose : « Bienheureux ceux qui croient sans avoir vu », dira Jésus après sa résurrection ! Et l’on peut goûter alors à la foi comme à la plus belle des béatitudes…


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  • Voici encore un chapitre capable à lui seul de changer toute une vie, tellement il est riche d’esprit divin. On y retrouve des sujets déjà approfondis en Marc, Matthieu et Luc lui-même, tels que le pardon, la foi ou le salut, mais dans une nouvelle synthèse. Mais l’essentiel du chapitre y est tout de même vraiment original et ouvre de nouvelles perspectives étonnantes.

    Luc commence par revenir sur le problème du péché et du scandale qu’il provoque : « Jésus disait à ses disciples : ‘Il est inévitable qu’il arrive des scandales qui entraînent au péché, mais malheureux celui par qui ils arrivent. Si on lui attachait au cou une meule de moulin et qu’on le précipite à la mer, ce serait mieux pour lui que d’entraîner au péché un seul de ces petits. Tenez-vous sur vos gardes !’ » [En Mt 18,6, nous avions déjà trouvé à peu près la même affirmation terrible : « Celui qui entraînera la chute d’un seul de ces petits qui croient en moi, il est préférable pour lui qu’on lui accroche au cou une des ces meules que tournent les ânes, et qu’on l’engloutisse en pleine mer. »]

    Puis, en harmonie avec Matthieu, Luc nous parle ensuite du pardon : « Si ton frère a commis une faute contre toi, fais-lui de vifs reproches, et, s’il se repent, pardonne-lui. Même si sept fois par jour il commet une faute contre toi, et que sept fois de suite il revienne à toi en disant : ‘Je me repens’, tu lui pardonneras. »

    Et de là, Luc passe à la réalité de la foi avec ce cri original des apôtres qui devrait nous toucher tellement fort : « Les apôtres dirent au Seigneur : ‘Augmente en nous la foi !’ Le Seigneur répondit : ‘La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde, vous diriez au grand arbre que voici : ‘Déracine-toi et va te planter dans la mer’, et il vous obéirait.’ »

    Et ensuite un passage original qui donne vraiment à réfléchir : « Lequel d’entre vous, quand son serviteur vient de labourer ou de garder les bêtes, lui dira du retour des champs : ‘Viens vite à table’ ? Ne lui dira-t-il pas plutôt : ‘Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et que je boive. Ensuite tu pourras manger et boire à ton tour’. Sera-t-il reconnaissant envers ce serviteur d’avoir exécuté ses ordres ? De même vous aussi, quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : ‘Nous sommes des serviteurs inutiles : nous n’avons fait que notre devoir’. » [Une autre traduction dit : « Nous sommes des serviteurs quelconques. »]

    A partir de là, et jusqu’à la fin du chapitre, tout est original chez Luc, à part deux petits passages sur le salut, sur lesquels nous avons déjà eu l’occasion de nous arrêter. Mais voici d’abord le fameux épisode de la guérison des dix lépreux : « Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la Samarie et la Galilée. Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s’arrêtèrent à distance et lui crièrent : ‘Jésus, maître, prends pitié de nous.’ En les voyant, Jésus leur dit : ‘Allez vous montrer aux prêtres’. En cours de route, ils furent purifiés. L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta la face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or c’était un Samaritain. Alors Jésus demanda : ‘Est-ce que tous les dix n’ont pas été purifiés ? Et les neuf autres, où sont-ils ? On ne les a pas vus revenir pour rendre gloire à Dieu ; il n’y a que cet étranger !’ Jésus lui dit : ‘Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé’. »

    Ce qui suit est enfin un recueil des paroles de Jésus appelé « petite apocalypse », pour la distinguer du chapitre 21 où Luc reprendra le discours apocalyptique de Marc. C’est un passage terrifiant d’un côté, mais où Jésus nous explique que tout ce déchaînement du mal est en même temps le signe que le Fils de l’homme est là tout proche, en train d’arriver, comme est désormais toute proche la conclusion de notre Evangile.

    « Comme les pharisiens demandaient à Jésus quand viendrait le règne de Dieu, il leur répondit : ‘Le règne de Dieu ne vient pas d’une manière visible. On ne dira pas : ‘Le voilà, il est ici !’ ou bien : ‘Il est là !’ En effet, voilà que le règne de Dieu est au milieu de vous.’ Et il dit aux disciples : ‘Des jours viendront où vous désirerez voir un seul des jours du Fils de l’homme, et vous ne le verrez pas. On vous dira : ‘Le voilà, il est ici ! il est là !’ N’y allez pas, n’y courez pas. En effet, comme l’éclair qui jaillit illumine l’horizon d’un bout à l’autre, ainsi le Fils de l’homme, quand son jour sera là. Mais auparavant, il faut qu’il souffre beaucoup et qu’il soit rejeté par cette génération.

    Ce qui se passera dans les jours du Fils de l’homme ressemblera à ce qui est arrivé dans les jours de Noé. On mangeait, on buvait, on se mariait, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche. Puis le déluge arriva, qui les a tous fait mourir. Ce sera aussi comme dans les jours de Loth : on mangeait, on buvait, on achetait, on vendait, on plantait, on bâtissait ; mais le jour où Loth sortit de Sodome, Dieu fit tomber du ciel une pluie de feu et de soufre qui les a tous fait mourir ; il en sera de même le jour où le Fils de l’homme se révélera.

    Ce jour-là, celui qui sera sur sa terrasse, et qui aura des affaires dans sa maison, qu’il ne descende pas pour les emporter ; et de même celui qui sera dans son champ, qu’il ne retourne pas en arrière. Rappelez-vous la femme de Loth. Qui cherchera à conserver sa vie la perdra. Et qui la perdra la sauvegardera. Je vous le dis : Cette nuit-là, deux personnes seront dans le même lit : l’une sera prise, l’autre laissée. Deux femmes seront en train de moudre du grain : l’une sera prise, l’autre laissée.’ Les disciples lui demandèrent : ‘Où donc, Seigneur ?’ Il leur répondit : ‘Là où il y a un corps, là aussi se rassemblent les vautours.’ »

    Finie cette brève introduction, il est certainement bon de relire tout le chapitre d’un seul trait pour se laisser emporter par ce mouvement impressionnant. On sent déjà que l’heure de Jésus approche. Puis nous reviendrons sur les plus importantes « perles de la Parole » de ce passage qui ont encore tant à nous dire…

     


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