• « … Car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé…  Il fallait bien festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ! » (Lc 15,24.32)

    Comme il insiste, le père : par deux fois il nous dit que son fils était mort et qu’il est revenu à la vie. Il le dit d’abord aux domestiques de la maison pour les convaincre de mettre tout leur cœur dans la préparation de la fête du pardon. Et puis il répète ces mêmes mots pour essayer de convaincre le fils aîné de participer lui aussi à la fête de son jeune frère. Comme si toute la vie du père se trouvait là dans le retour du fils…

    Ici encore, que veut nous dire Jésus ? Que la vraie vie et la vraie mort ne sont pas toujours ce qui apparaît. Il y a une vie et une mort de la nature, de notre séjour sur la terre. Mais finalement tout cela n’est qu’un passage, tellement important bien sûr, mais l’essentiel n’est pas là. Car la vraie vie et la vraie mort sont ailleurs. La vraie vie, c’est Dieu. Ce que Jésus nous dira plus tard, dans l’Evangile de Jean : « Je suis le pain de vie. » et surtout : « Je suis la Vie ».

    Dieu est la vie-même et donc l’unique source de vie de tout l’univers. Et cette vie que les Trois se donnent au ciel de la Trinité dans cette réciprocité d’amour incroyable, le Père et le Fils dans l’Esprit Saint, ils ont décidé de la partager avec toute la création, et en particulier avec l’humanité qui est la perle de cette création. Tout l’Evangile nous dit que nous pouvons être morts à la terre et déjà ressuscités en Dieu à la Vie ! Mais aussi que nous pouvons être encore en vie sur cette terre et avancer comme des morts vivants qui ont perdu la vie.

    Nous pouvons encore respirer et entendre les battements de notre cœur et être morts à l’amour que Dieu a mis dans ce cœur et sans lequel la vie a perdu tout son sens. Nous pouvons souffrir et traverser de grandes épreuves et ressentir pourtant au fond de nous la paix de la Vie. La vie ce sont ces relations d’amour réciproque entre les hommes qui nous donnent le vrai bonheur. Et la mort, c’est nous trouver au milieu de nos frères et sœurs en humanité et nous sentir en enfer. 

    Quand on a expérimenté même seulement un peu de cet enfer, on n’a plus jamais envie d’y retourner, on ne vit désormais plus que pour la Vie, pour nous et pour les autres. Et notre passion devient jusqu’â notre dernier souffle sur cette terre de faire renaître la vie partout où elle est en danger et de la partager avec le plus grand nombre possible des personnes que nous rencontrons sur notre route. Le reste devient bien secondaire…


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  • « Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais désobéi à tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est arrivé après avoir dépensé ton bien avec des filles, tu as fait tuer pour lui le veau gras ! » (Lc 15,29-30)

    Que se passe-t-il ici encore ? Si on écoute le fils aîné à la lettre, on pourrait même lui donner raison. Si c’est vrai que le père n’a jamais fait une telle fête pour son fils qui était resté toujours fidèle à la maison, cela voudrait dire que, dans l’amour du père, il y a deux poids et deux mesures et une grande injustice. Cela fait penser aux ouvriers qui ont travaillé toute la journée à la vigne et qui sont fâchés en voyant que ceux qui sont arrivés à la dernière heure ont reçu finalement le même salaire…

    Quelle est la leçon de Jésus ici ? C’est d’abord bien sûr qu’il faut arrêter de se regarder et de se prendre soi-même comme critère ultime de tout ce qui nous arrive. Il faut sortir de soi et vivre pour les autres. Mais je crois que ce qui tue en nous l’amour le plus souvent ce sont les comparaisons. Entendons-nous, la comparaison en soi est une capacité merveilleuse de l’intelligence. Combien de découvertes scientifiques extraordinaires qui ont fait progresser l’humanité, sont parties de simples comparaisons banales. Combien il est utile de se comparer à d’autres qui peuvent nous servir de modèles dans la vie pour encore mieux progresser. Jusque là tout est positif, car ce sont des comparaisons qui construisent.

    Ce qui tue la vie, c’est encore une fois de se comparer à l’autre en se prenant soi-même pour le centre du monde. A ce moment-là on commence à ne plus rien comprendre. Le premier résultat de ces comparaisons négatives est souvent la jalousie, une jalousie maladive qui nous coupe complètement de la personne dont nous sommes tout à coup jaloux. Ou bien nous tombons dans la maladie du jugement : on se met à juger l’univers entier des personnes qui ne font pas comme nous, ou qui ne font pas comme nous croyons qu’elles devraient faire et nous voilà coupés d’une grande partie de la société par rapport à laquelle nous nous sentons supérieurs.

    Ou bien nous sommes déçus et fâchés par les réactions des autres, une autre manière d’être centrés sur nous-mêmes. Dieu n’est jamais déçu, car il n’attend rien de nous, il nous prend là où nous sommes et il nous élève, que nous soyons sur le bon chemin ou loin de Lui : c’est toujours son amour de miséricorde. Comme l’épisode du jeune homme riche qui refuse de suivre Dieu car il avait de grands biens : voilà que Jésus, au lieu de le juger et d’être déçu par lui, se met à le regarder et à l’aimer plus encore après son refus qu’au début de leur conversation. Quelle libération d’accepter et d’accueillir les personnes à chaque instant comme elles sont, sans se compliquer la vie en se disant qu’elles auraient dû être autrement…

     


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  • « Son père qui était sorti, le suppliait. » (Lc 15,28)

    Deux petits verbes vont ici retenir notre attention pour mieux comprendre encore l’amour du père. Quand il apprend que son fils aîné refuse d’entrer et de participer à la fête pour son jeune fils qui est revenu à la maison, voilà qu’il sort dehors pour le retrouver. Un peu plus tôt, il avait déjà couru pour accueillir son plus jeune fils et le couvrir de baisers. Et maintenant il sort de nouveau pour aller à la rencontre du fils aîné. Ce père ne s’arrête pas d’aimer et de se donner pour chacun de ses fils. Il se donne à l’un et à l’autre en s’adaptant à chaque situation…

    Mais quand il comprend que le fils aîné est fâché, il change complètement d’attitude. L’amour véritable de Dieu et de qui se branche sur le cœur de Dieu est toujours différent pour chacun, unique pour chacun, c’est comme cela que Dieu sait nous aimer. Alors qu’il aurait pu se fâcher devant l’attitude ingrate du fils aîné, voilà que le père se met à le supplier de rentrer à la maison et de participer à la fête pour ne pas tout gâcher. Il ne donne pas d’ordre à son fils. Il ne le prend pas de haut. On dirait qu’il s’abaisse devant lui, comme s’il se mettait à genoux pour le convaincre. C’est un autre visage de la tendresse du père, image de la tendresse de Dieu.

    C’est une autre leçon de l’amour de Dieu. Dieu ne nous parle presque jamais d’en haut, comme il pourrait le faire, lui qui est tout-puissant. Mais au contraire, il se met à notre niveau, il nous traite comme des frères ou des sœurs, il se fait petit et humble devant nous et c’est comme cela qu’il entre dans nos cœurs, car personne ne peut résister à un tel amour. Et il nous invite par là à en faire de même avec tous nos compagnons de voyage sur cette terre. Etre pour chaque prochain source de miséricorde et de tendresse…

     


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  • « ‘C’est ton frère qui est de retour. Et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a vu revenir son fils en bonne santé.’ Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. » (Lc 15,27-28)

    Cette phrase, tellement en contraste avec l’accueil miséricordieux du père, est la suite du récit de Luc. Luc vient de nous dire : « Le fils aîné était aux champs. A son retour, quand il fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des domestiques, il demanda ce qui se passait. » Et le domestique de répondre justement : « C’est ton frère qui est de retour. Et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a vu revenir son fils en bonne santé. » Et Luc continue : « Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. » On ne va pas laisser passer un tel drame sans essayer de comprendre en profondeur le message de Jésus derrière toute cette histoire.

    Qu’est-il arrivé au fils aîné qui rentrait tranquillement des champs comme chaque jour ? Le fils aîné lui-même va nous expliquer qu’il a senti dans la fête que le père vient d’organiser pour son fils retrouvé une sorte d’immense injustice. Mais ne voit-il pas que le retour de son frère est une bonne nouvelle ? Ne voit-il pas que le pardon du père pour le fils perdu est une bonne nouvelle ? Eh bien, non ! Il ne le voit pas. Et pourquoi cela ? Parce que le fils aîné ne pense à ce moment qu’à lui-même. Et cette sorte de caricature va nous révéler tout à coup le véritable sens de l’amour que chacun devrait avoir pour soi-même.

    Il faudrait relire ici tout l’Evangile. Jésus a repris déjà le fameux second commandement qui demande d’aimer le prochain comme soi-même. Cela a souvent été interprété en disant qu’il faut donc bien aimer le prochain, mais qu’il faut d’abord s’aimer soi-même. « Charité bien ordonnée commence par soi-même » dit le fameux proverbe. Mais on risque ainsi de comprendre complètement de travers le message de Jésus. L’Evangile nous révèle que Dieu est Amour car il est Trinité. Le centre de la vie du Père, c’est le Fils dans l’Esprit Saint. Et le centre de la vie du Fils, c’est le Père dans l’Esprit Saint. Aucun des Trois ne se regarde, chacun vit pour les deux autres.

    Vouloir entrer dans l’amour trinitaire, comme l’a fait Marie en donnant son oui tout de suite à Dieu, c’est arrêter de se regarder et penser d’abord à l’autre, que cet autre soit Dieu ou le prochain, comme Marie justement s’est précipitée en hâte au service d’Elisabeth, sans penser à sa propre fatigue. Mais alors, est-ce mal de se regarder et de s’aimer soi-même ? Cela dépend comment on le fait.

    Les saints nous disent que chacun de nous est comme une goutte de divin que Dieu a créée et envoyée vivre sur terre la bataille de l’humanité, avant de retourner à la fin au ciel pour y occuper la place que Dieu a pensée par amour pour chacun de nous pour l’éternité. Alors, bien sûr, que mon moi est une merveille divine. Bien sûr que je suis tellement important moi-même puisque Dieu a pensé à me créer comme une part entière de ce joyau de l’univers qu’est l’humanité au cœur de la création. Mais à une condition, c’est que je reste branché sur la source divine qui ne cesse de me donner la vie pour toujours. Isoler tout à coup ce moi de la source qui lui donne son sens, son identité, sa force et sa vie, c’est comme me suicider et refuser la vie.

    Mon moi, ce trésor que Dieu a inventé pour moi, comme un cadeau gratuit incroyable, n’a de sens que s’il porte en lui la loi de l’amour trinitaire. Je n’ai de sens que si moi-même je vis pour me donner pour les autres avant de penser à moi, comme les Trois font dans la Trinité. Et si je pense à moi quand je fais par exemple un examen de conscience, c’est pour me remettre toujours plus sur le chemin de l’amour duquel j’ai parfois pu dévier en route.

    On pensera alors que suivre Dieu est impossible, que si je ne pense pas à moi, les autres vont me détruire. Alors que c’est exactement le contraire. Si je vis avec cent personnes et que je passe mon temps à vouloir les dominer ou me défendre contre eux, je finirai par être tout seul et alors je serai vraiment détruit. Mais si j’aime toute ma vie ces 99 autres de tout mon cœur, malgré mes limites et mes faiblesses, et malgré leurs limites et leurs faiblesses, voilà que va se produire le miracle : quand je vais passer un moment difficile, je vais voir ces 99 amis courir pour me redonner la vie et pour me remercier de mon amour pour eux. Et surtout je vais être rempli de la vie de Dieu en moi et au milieu de ces amis avec lesquels je suis uni au nom de Jésus et il ne me manquera plus rien.

    C’est la leçon de ce récit de Jésus : choisir si je veux me brancher sur la vie de Dieu et vivre pour les autres, ou si je veux vivre pour moi-même en m’isolant et en me privant de la vie. C’est bien sûr une caricature qu’une pauvre page de blog ne peut expliquer avec beaucoup de nuances, mais le secret de Dieu et de l’homme passe par là !

                                                                                                               


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  • « Le fils lui dit : ‘Père, j’ai péché contre le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d’être appelé ton fils…’ Mais le père dit à ses domestiques : ‘Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller. Mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds. Allez chercher le veau gras, tuez-le ; mangeons et festoyons. » (Lc 15,21-23)

    Encore un point extraordinaire que l’on peut noter tout de suite, c’est la hâte de la miséricorde. Le père a tellement hâte de fêter son fils qui vient à peine de rentrer à la maison, qu’il ne l’écoute même pas. La phrase du fils qui essaye de s’excuser et de demander pardon n’est même pas terminée… « Vite, apportez le plus beau vêtement… vite, mettez-lui une bague au doigt… vite, allez chercher le veau gras et tuez-le… vite, mangeons et festoyons. » Une véritable scène de théâtre qui se passe sous nos yeux. Le père se tourne dans tous les sens pour donner des ordres. Il veut entraîner dans la fête tous les gens de la maison, tous les domestiques. Il veut que son fils revenu à la vie n’ait même plus le temps de penser à autre chose, de revenir encore sur le passé. La miséricorde doit être totale et définitive. Elle voudrait tout « couvrir » en un instant, pour que désormais la vie de son fils bien aimé reparte à zéro comme si tout ce temps perdu n’existait plus, comme par magie.

    Il est des moments où l’accueil de l’amour demande d’écouter de tout notre cœur ce que notre frère ou notre sœur voudrait nous dire. Mais dans certaines circonstances, comme celle-ci, le père sait bien que chaque mot que le fils voudrait prononcer pour demander sincèrement pardon va être comme une blessure mal cicatrisée qui s’ouvre de nouveau. Et le père a hâte de voir guérir son fils pour toujours de ce mal qui essaye encore de le ronger. C’est la hâte de l’amour. Tout l’Evangile nous est donné en hâte, car nous avons perdu tellement de temps. Souvenons-nous de Marie, à peine après avoir reçu le message de l’ange et donné son « oui », qui est partie « en hâte », elle aussi, pour aller aider sa vieille cousine Elisabeth. C’est la hâte de Dieu de nous « couvrir » de son amour.

     


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