• Je crois que c’est une question vitale pour chaque être humain. Je ne vais pas parler aujourd’hui de la paix entre les gens ou entre les peuples : ce serait un sujet également tellement important, mais nous y reviendrons en d’autres occasions. Je voudrais me pencher cette fois-ci sur la paix intérieure que chacun de nous sent ou ne sent pas au fond de son esprit ou de son cœur.

    Je pense qu’un homme ne peut pas vivre s’il n’a pas fait l’expérience, au moins par moments, de ce que veut dire ressentir en soi-même la paix, l’harmonie, la sérénité et tout ce qui en découle, la joie, le bonheur, la confiance, l’espoir, l’optimisme, tous les sentiments positifs que nous connaissons bien depuis notre enfance, si nous avons eu une enfance plus ou moins normale.

    Je n’ai évidemment pas la place ici de parler de ces personnes qui n’ont pas pu connaître la paix en eux-mêmes et qui sont donc foncièrement malades, psychologiquement, psychiquement et souvent en même temps physiquement. Je m’en tiendrais aux personnes comme nous, comme moi qui vous écris, comme vous qui me lisez et qui dialoguez avec moi sur tous ces sujets qui nous aident à construire notre personnalité.

    Chacun de nous a ses blessures, ses traumatismes, que ce soit à cause des problèmes de son enfance, ou de toutes sortes de conflits, avec soi-même ou avec les autres, par lesquels tout le monde passe un jour ou l’autre.

    Mais je voudrais réagir ici à une phrase que j’entends souvent autour de moi, parfois même de personnes qui me sont très chères et qui me disent : « J’ai perdu la paix et je ne sais plus comment faire pour la retrouver. » Il y a là un cri de douleur, un appel au secours, qui ne peut pas nous laisser indifférents. Souvent nous nous sentons impuissants devant de tels sentiments.

    Il ne s’agit évidemment pas de juger des personnes qui passent par de tels moments d’angoisse ou de dépression. Il est bien difficile d’entrer dans la conscience de l’autre et de comprendre ce qui l’a poussé à en arriver là. Il ne s’agit pas non plus de faire de beaux discours utopiques qui risquent d’avoir des effets négatifs. Car essayer de consoler l’autre en lui disant des phrases du genre : « Ne t’inquiète pas, ça va passer, la paix reviendra », peut amener l’autre à se sentir encore plus seul et à penser qu’on ne le comprendra jamais.

    Alors, vouloir aider l’autre à retrouver la paix serait une entreprise vouée à l’échec au départ ? Non, je ne pourrais jamais penser par principe que ces personnes que j’aime sont condamnées pour toujours à pourrir dans leur brouillard ou leurs ténèbres.

    Je voudrais simplement tenter de dire une vérité qui me saute aux yeux. C’est que la paix en soi existe toujours quelque part. Si je n’avais pas un minimum de paix et d’harmonie au fond de moi, ma vie deviendrait absurde et c’est bien pour cela que certaines personnes en arrivent à se suicider. Et ce qui aurait pu justement les empêcher de laisser le désespoir avoir le dernier mot, c’est cette conviction qui devient pour moi de plus en plus forte avec l’âge.

    Et quelle conviction ? C’est justement que la paix existe toujours. Mais la paix n’est pas toujours visible ou palpable et c’est là le drame. Car la paix est comme le soleil. Quel que soit le temps, ou la saison, ou l’heure du jour ou de la nuit, chacun sait bien que le soleil existe, qu’il est là, peut-être caché, mais qu’il reviendra vite. Les nuages ne peuvent pas me cacher indéfiniment le soleil. A un moment ou à un autre, le soleil va crever les nuages, provoquer une forte pluie qui va finalement les dissoudre. La nuit va finir, l’hiver va laisser la place au printemps…

    Alors quand je pense avoir perdu la paix, je devrais m’arrêter et me concentrer sur elle. Me demander quand est-ce que je l’ai ressentie pour la dernière fois. Essayer de comprendre ce qui s’est passé. Ne pas ruminer des idées noires tout seul dans mon coin. Me retrouver avec des amis, des gens que j’aime et qui m’aiment, et partager avec eux les expériences positives ou négatives que nous avons tous connues à propos de la paix. Et ensemble sortir vers le soleil… Facile à dire en une page de blog, mais nous reviendrons encore sur ce sujet.

     

     


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  • « Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il eût tout remboursé. C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son cœur. » (Mt 18,34-35)

    C’est la dernière phrase du chapitre 18 de Matthieu qui nous a accompagnés tous ces derniers temps. Eh bien je vais sans doute vous scandaliser en vous disant que, cette fois-ci, je ne crois pas un mot aux paroles que Jésus vient de prononcer.

    Je voudrais d’abord remettre toutes ces phrases terribles de Jésus, ces phrases qui font peur, dans leur contexte réel. Quel est le but de Jésus et du Père ? Ils veulent tout faire pour qu’aucun de nous ne se perde, pour que nous ne rations pas la chance de notre vie, l’appel à vivre le paradis dès maintenant sur cette terre.

    Alors quand Jésus voit que nous sommes tellement lents à comprendre, il nous parle comme à des enfants, mais pas dans le sens de ces petits qui savent accueillir l’amour de Jésus de tout leur cœur, mais dans le sens de ces gamins qui se sont bloqués tout à coup sur leurs caprices, qui ne veulent plus rien entendre et qu’on doit alors punir pour leur éviter une catastrophe. « Arrière de moi, Satan ! Tu es un obstacle sur ma route ! » avait dit à un certain moment Jésus à Pierre en voyant qu’il était incapable de comprendre. Presque tout l’Ancien Testament est fait de peurs et de menaces. Alors, on en trouve encore dans l’Evangile quand il n’y a plus d’autres solutions. Mais dès que nous reprenons nos esprits, quand nous cessons nos caprices et que nous ouvrons de nouveau notre cœur à Jésus, c’est la logique de l’amour et de la miséricorde qui va reprendre le dessus.

    Jésus ne peut pas avoir dit à l’instant : « Votre Père qui est aux cieux ne veut pas qu’un seul de ces petits se perde » pour risquer l’instant d’après de nous éloigner pour toujours de son amour quand justement nous sommes tombés dans le péché, alors que Jésus a dit qu’il était venu pour les pécheurs. Il n’y a qu’une logique dans l’Evangile, celle de l’amour, de l’accueil et du don de soi qui règne au cœur de la Trinité et que Jésus est venu pour nous apporter sur la terre. On pourra toujours discuter des méthodes selon les contextes ou les cultures, selon les degrés de faiblesse ou de méchanceté des hommes, mais le fond du message de Dieu est un seul et Jésus va bientôt nous donner sa vie sur la croix pour nous prouver que son message n’est pas fait seulement de belles paroles sans lendemain.

     

     


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  • « ‘Seigneur, quand mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ?’ Jésus lui répondit :’ Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois.’ » (Mt 18, 21-22)

    Plus clair que cela ? Combien de fois devons-nous pardonner ? « Jusqu’à soixante-dix fois sept fois », ce qui veut dire pratiquement toujours. Mais c’est la logique de l’Evangile. La même logique qui a fait dire à Jésus de laisser là notre offrande et d’aller d’abord nous réconcilier avec notre frère, si nous voulons parler à Dieu.

    Et le plus fort, c’est que Jésus ne se demande même pas si le frère qui est fâché contre nous l’a été par sa faute ou par la nôtre. Comme il ne nous dit pas de pardonner à l’autre si c’est nous qui avons commencé à le déranger et qu’il a peut-être mal réagi par la suite avec nous. « C’est lui qui a commencé. » « J’ai tout essayé, mais c’est lui qui y met toujours de la mauvaise volonté. » « Il dit une chose et il fait le contraire. » « Il n’est pas sincère. » « On ne peut pas lui faire confiance. » « Il ne changera jamais ! » Tous ces beaux raisonnements, apparemment justifiés, n’intéressent pas Jésus.

    C’est que lorsque Jésus parle avec nous, c’est à nous qu’il pense, à notre bien à nous. A l’autre qui nous a fait du mal, il y pensera quand viendra son tour. Mais maintenant il voudrait que nous ôtions de notre cœur toute cette rancune qui nous pèse, ce désir de rendre le mal pour le mal qui nous empoisonne, ces calculs pour nous défendre qui nous renferment sur nous-mêmes et combien d’autres raisonnements qui ne servent, pour Jésus, qu’à nous éloigner de lui. 

    Pour Jésus c’est tellement simple, il voudrait que nous laissions son cœur et son amour entrer jusqu’au fond de nous-mêmes et nous transformer, nous faire voir la vie et les hommes comme Dieu les voit. Et il sait bien que, si nous ne pardonnons pas, nous allons garder dans notre œil la poutre qui nous empêche de voir la beauté de son message.

    Il y a évidemment un grand problème à tout cela. C’est que souvent ce pardon que Jésus nous demande semble absolument au-dessus de nos forces. Aimer même nos ennemis, ceux qui nous persécutent sans que nous ne leur ayons jamais rien fait de mal ? C’est ce qu’il a fait lui-même sur la croix, mais nous, nous ne sommes pas Dieu. Alors que faire ? Nous décourager pour toujours ?

    C’est là que le message de tout le chapitre va nous aider à nouveau. Jésus sait bien que nous sommes faibles et que le pardon total ne va pas venir du jour en lendemain. Il veut seulement que tout soit bien clair pour nous. Le message de Jésus ne peut pas être entendu à moitié quand cela nous plait. Et si le mettre en pratique est tellement difficile, Jésus le sait, il n’y a rien d’anormal à cela. Nous devrons patiemment nous orienter sur le chemin du pardon, jour après jour, et changer peu à peu notre cœur de pierre en un cœur de chair, celui de Jésus.

    Nous devons apprendre à nous pardonner à nous-mêmes pour commencer, sans nous agiter chaque fois que nous échouons. N’avons-nous pas entendu que le Père et Jésus ne veulent pas qu’ « un seul de ces petits » se perde. Et quand nous ne parvenons pas à pardonner, ne sommes-nous pas à notre tour un de ces petits si fragiles qui ont besoin de la miséricorde du Père pour avancer ? Alors la vie va continuer à être difficile, mais elle va être tellement plus simple maintenant. Et nous allons surtout voir que quand nous nous aimons les uns les autres avec Jésus au milieu, nous ne passons plus notre journée à avoir peur des autres, nous nous exerçons du matin au soir à aimer nos prochains, au moins les plus faciles pour commencer… et nous serons bientôt étonnés de voir que les plus grands obstacles sont devenus tout à coup un petit problème naturel que nous aurions été incapables d’affronter quand nous restions seuls dans notre coin à regarder le monde en ayant perdu l’espoir.


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  • « Encore une fois, je vous le dis : si deux d’entre vous sur la terre se mettent d’accord pour demander quelque chose, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux. » (Mt 18,19)

    Vous allez m’excuser si j’ai interverti pour une fois l’ordre des versets. J’ai en effet médité la dernière fois avec vous sur le verset 20 qui parle de la présence de Jésus au milieu de nous et j’en arrive seulement maintenant au verset 19, parce que je crois que le verset 20 va tout nous faire comprendre.

    Car il faut bien avouer que la prière à notre Père qui est au cieux reste encore souvent un mystère. Combien de fois lui avons-nous demandé d’intervenir et nous n’avons reçu apparemment aucune réponse. En fait c’est un problème que nous avons déjà évoqué lors du chapitre sur la prière du Notre Père. Le Père qui est aux cieux n’est pas accessible comme le Fils au premier abord à chacun de nous.

    C’est en effet le Fils, envoyé par le Père parmi nous avec l’Esprit, qui s’est fait proche de chacun de nous, homme-Dieu parmi les hommes, désormais à la portée de tous. C’est lui qui est pour nous la porte du ciel. Et nous avons déjà compris que nous entrons pleinement dans le cœur du Fils, dans le cœur de Jésus, quand nous savons le reconnaître et l’aimer dans nos frères et donc quand nous nous aimons les uns les autres en Jésus.

    Et c’est là que se produit le miracle. Quand Jésus voit que nous avons compris son message d’amour et que nous le mettons en pratique, voilà qu’il nous porte au Père et que le Père se met à nous aimer comme il aime le Fils, de « tout son amour ». Voilà qu’il perd la tête pour nous, voilà qu’il révèle à Pierre les secrets du Royaume, voilà qu’il transfigure Jésus devant les apôtres en déclarant son amour pour Lui…

    Nous sommes entrés alors dans la dynamique de la Trinité et nous pouvons parler au Père désormais directement. « Nul ne connaît le Père sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. » (Mt 11,27) Le Fils nous révèle le Père et nous révèle au Père. Et bien sûr que le Père va nous exaucer, maintenant que nous sommes dans le cœur de son Fils. Et c’est là que cette présence de Jésus au milieu de nous acquiert une importance extraordinaire… parce que nous sommes finalement unis entre nous au nom de Jésus, nous nous aimons les uns les autres en Lui et l’Esprit Saint nous inspire. L’Esprit met en nous les désirs mêmes du Père pour notre bien et c’est cela que nous allons lui demander, sûrs désormais de l’obtenir.

    Se mettre d’accord pour demander quelque chose au Père n’est donc pas une question de raisonnement intelligent, une question technique. Il ne s’agit pas d’être simplement d’accord sur des idées ou des requêtes, il faut apprendre à être avec nos frères en Jésus un seul cœur et une seule âme. Et nous n’allons plus perdre de temps à demander des choses inutiles que nous croyons peut-être pour notre bien, mais qui ne vont pas avec le dessein d’amour du Père sur nous. Tandis que lorsque nous entrons dans le cœur de Jésus et en Lui dans le cœur du Père, tout devient plus clair. Nous n’avons même pas à demander des choses au Père toute la journée, puisque notre Père sait « ce dont nous avons besoin ». Il nous reste maintenant à nous concentrer sur l’essentiel : la vie de la Parole et de l’amour réciproque qui construit parmi nous l’unité du Royaume, et tout va devenir tellement plus simple.

     

     


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  • Dans la suite de notre dernier article sur la présence de Jésus au milieu de nous lorsque nous sommes unis en son nom, je voudrais revenir aujourd’hui sur la réalité des trois communions qui est au cœur du charisme de l’unité de Chiara Lubich.

    Cette réalité a tellement transformé ma vie quand j’ai commencé à la prendre au sérieux et à la vivre, que le plus grand cadeau que je puisse faire à une personne que j’aime, c’est de partager avec elle cette expérience. Rien de bien nouveau, pourra-t-on penser, et pourtant il y a peut-être ici le point de départ d’une révolution totale pour la vie de l’Eglise et de l’humanité.

    Depuis 2000 ans, les différents charismes envoyés par l’Esprit Saint pour faire mûrir et grandir l’Eglise ont tous mis au centre de la vie chrétienne ce don immense qu’est la possibilité de communier au corps et au sang du Christ, que Jésus nous a laissés en donnant sa vie pour nous jusqu’à son dernier souffle sur cette terre, et nous en sommes tous bien conscients.

    Mais Jésus nous a livré aussi sa Parole divine qui peut entrer au cœur de chacun de nous, comme la semence de la parabole du semeur, et qui peut donner des fruits inimaginables si nous la laissons seulement grandir en nous et nous transformer chaque jour quand nous la mettons en pratique. Car Jésus est le Verbe de Dieu et il est étonnamment présent dans sa Parole.

    Mais ce qui n’a pas toujours été clair dans la vie de l’Eglise, c’est que Jésus nous a laissé aussi une troisième possibilité de communion avec lui et en même temps avec le frère, quand nous découvrons sa présence en chacune des personnes que nous rencontrons tout au long de notre vie. Cette communion est déjà effective chaque fois que nous découvrons le visage de Jésus en l’un « de ces petits », en particulier de ceux qui souffrent, et finalement en chaque homme, et que nous donnons concrètement notre vie pour lui.

    Il faut seulement bien faire attention à ce que signifie cette réalité de la « communion ». La mentalité moderne de la société individualiste de la consommation a risqué de tout gâcher. On en est arrivé à aller à l’Eglise comme à une sorte de grand supermarché spirituel on l’on peut se servir des meilleurs produits pour notre bonheur. On se nourrit du corps du Christ ou de sa Parole, mais on ne sait plus ce que veut dire communier au Christ et en même temps au frère.

    Car la communion n’a de sens que si elle est participation miraculeuse à la vie de communion divine des Trois Personnes de la Trinité. Ce Père et ce Fils qui s’accueillent l’un l’autre de tout leur être et de tout leur amour en l’Esprit et qui se donnent en même temps l’un à l’autre dans la pleine réciprocité. Communier veut dire alors sortir de moi pour entrer dans l’autre et laisser l’autre pénétrer en moi comme je pénètre en lui. Communier veut dire faire de l’autre le centre de ma vie, dans un acte d’abandon qui peut être héroïque tant que nous sommes encore sur cette terre, par lequel nous donnons notre vie pour Dieu et pour le prochain dans la pleine confiance que Dieu et le prochain donneront eux aussi leur vie pour nous dans cette pleine réciprocité qui est à l’image de la vie du ciel.

    Dans la communion, nous guérissons peu à peu de cet individualisme et de cet égoïsme qui envahissent notre monde, en ne cherchant plus tellement le bonheur pour nous-mêmes, mais en le cherchant pour les autres, sûrs que notre bonheur arrivera par surcroit comme ce centuple de l’Evangile promis à ceux qui quittent tout pour Jésus et qui se préoccupent seulement du Royaume de Dieu et de sa justice.

    Mais alors tout change. Et ce qui est encore plus merveilleux, c’est que les deux premières communions au corps du Christ et à sa Parole s’interpénètrent maintenant avec la communion à Jésus dans le frère et ne font finalement plus qu’un, à l’image de l’unité et de la distinction qui sont au cœur de la vie trinitaire. Le corps du Christ me donne la force de me jeter dans la Parole et dans le frère, la Parole m’entraîne vers le corps du Christ et sa présence dans le frère, et ma communion au frère transforme complètement mon amour pour le corps du Christ et pour sa Parole qui cessent d’être une simple dévotion personnelle, mais qui deviennent maintenant la respiration de l’humanité.

     

     


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