• Dans la suite de notre dernier article sur la présence de Jésus au milieu de nous lorsque nous sommes unis en son nom, je voudrais revenir aujourd’hui sur la réalité des trois communions qui est au cœur du charisme de l’unité de Chiara Lubich.

    Cette réalité a tellement transformé ma vie quand j’ai commencé à la prendre au sérieux et à la vivre, que le plus grand cadeau que je puisse faire à une personne que j’aime, c’est de partager avec elle cette expérience. Rien de bien nouveau, pourra-t-on penser, et pourtant il y a peut-être ici le point de départ d’une révolution totale pour la vie de l’Eglise et de l’humanité.

    Depuis 2000 ans, les différents charismes envoyés par l’Esprit Saint pour faire mûrir et grandir l’Eglise ont tous mis au centre de la vie chrétienne ce don immense qu’est la possibilité de communier au corps et au sang du Christ, que Jésus nous a laissés en donnant sa vie pour nous jusqu’à son dernier souffle sur cette terre, et nous en sommes tous bien conscients.

    Mais Jésus nous a livré aussi sa Parole divine qui peut entrer au cœur de chacun de nous, comme la semence de la parabole du semeur, et qui peut donner des fruits inimaginables si nous la laissons seulement grandir en nous et nous transformer chaque jour quand nous la mettons en pratique. Car Jésus est le Verbe de Dieu et il est étonnamment présent dans sa Parole.

    Mais ce qui n’a pas toujours été clair dans la vie de l’Eglise, c’est que Jésus nous a laissé aussi une troisième possibilité de communion avec lui et en même temps avec le frère, quand nous découvrons sa présence en chacune des personnes que nous rencontrons tout au long de notre vie. Cette communion est déjà effective chaque fois que nous découvrons le visage de Jésus en l’un « de ces petits », en particulier de ceux qui souffrent, et finalement en chaque homme, et que nous donnons concrètement notre vie pour lui.

    Il faut seulement bien faire attention à ce que signifie cette réalité de la « communion ». La mentalité moderne de la société individualiste de la consommation a risqué de tout gâcher. On en est arrivé à aller à l’Eglise comme à une sorte de grand supermarché spirituel on l’on peut se servir des meilleurs produits pour notre bonheur. On se nourrit du corps du Christ ou de sa Parole, mais on ne sait plus ce que veut dire communier au Christ et en même temps au frère.

    Car la communion n’a de sens que si elle est participation miraculeuse à la vie de communion divine des Trois Personnes de la Trinité. Ce Père et ce Fils qui s’accueillent l’un l’autre de tout leur être et de tout leur amour en l’Esprit et qui se donnent en même temps l’un à l’autre dans la pleine réciprocité. Communier veut dire alors sortir de moi pour entrer dans l’autre et laisser l’autre pénétrer en moi comme je pénètre en lui. Communier veut dire faire de l’autre le centre de ma vie, dans un acte d’abandon qui peut être héroïque tant que nous sommes encore sur cette terre, par lequel nous donnons notre vie pour Dieu et pour le prochain dans la pleine confiance que Dieu et le prochain donneront eux aussi leur vie pour nous dans cette pleine réciprocité qui est à l’image de la vie du ciel.

    Dans la communion, nous guérissons peu à peu de cet individualisme et de cet égoïsme qui envahissent notre monde, en ne cherchant plus tellement le bonheur pour nous-mêmes, mais en le cherchant pour les autres, sûrs que notre bonheur arrivera par surcroit comme ce centuple de l’Evangile promis à ceux qui quittent tout pour Jésus et qui se préoccupent seulement du Royaume de Dieu et de sa justice.

    Mais alors tout change. Et ce qui est encore plus merveilleux, c’est que les deux premières communions au corps du Christ et à sa Parole s’interpénètrent maintenant avec la communion à Jésus dans le frère et ne font finalement plus qu’un, à l’image de l’unité et de la distinction qui sont au cœur de la vie trinitaire. Le corps du Christ me donne la force de me jeter dans la Parole et dans le frère, la Parole m’entraîne vers le corps du Christ et sa présence dans le frère, et ma communion au frère transforme complètement mon amour pour le corps du Christ et pour sa Parole qui cessent d’être une simple dévotion personnelle, mais qui deviennent maintenant la respiration de l’humanité.

     

     


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  • J’ai relu récemment un de mes articles, publié le 22 octobre 2017 dans la rubrique « Au bout de soi-même » et qui s’intitulait « J’ai seulement besoin de t’aimer ! » Ce n’est pas un mauvais article. De nombreuses personnes m’ont remercié de l’avoir écrit. J’ai essayé alors d’expliquer comment l’amour porte en lui-même sa force intérieure, sans devoir attendre nécessairement la réponse de l’autre. Car conditionner notre amour à cette réponse de l’autre risque de le rendre finalement faible et dépendant des caprices de cet autre et cela amène souvent à de grandes déceptions.

    Mais je me disais maintenant que cette affirmation un peu forte : « J’ai seulement besoin de t’aimer ! », pouvait être comprise par l’autre dans le sens qu’au fond je suis autosuffisant et que je n’ai pas besoin de son amour, et ce serait une bien vilaine conclusion. Alors comment résoudre ce problème ?

    Nous sommes ici dans la rubrique « Reflets du paradis » et nous allons partir du paradis. Car le seul véritable amour est celui qui se vit en Dieu, Père, Fils et Esprit de toute éternité. Un amour de réciprocité infinie, dans lequel chacun accueille l’autre et se donne à lui, pénètre dans le cœur de l’autre et se laisse à son tour pénétrer par lui, dans ce miracle de l’amour trinitaire où chacun se fait entièrement un avec l’autre et reste pourtant totalement lui-même…

    C’est cet amour-là que Dieu a semé dans le cœur de l’homme. Mais l’homme a perdu en route la clé de l’amour et il a transformé son paradis en enfer. Heureusement que Jésus est venu parmi nous sur la terre pour vivre cet amour comme un homme normal et nous montrer le chemin du ciel sur la terre, que nous ne savions plus trouver.

    Alors, de quoi ai-je besoin lorsque j’aime ? Ai-je besoin d’abord d’aimer ou d’être aimé ? Ai-je besoin d’être rempli d’amour en moi-même que je peux partager avec les autres, ou ai-je besoin de recevoir cet amour des autres ? En fait tout cela à la fois. Car, pour aimer, je dois d’abord être branché à la source divine de l’Amour. Et je trouve cet Amour en Dieu qui me le donne et qui le sème en moi. Mais où Dieu va-t-il me le donner et le semer en moi ? Là est la question véritable.

    Au cours des siècles de vie du christianisme et de la plupart des religions on a fait le plus souvent de ce ressourcement à la fontaine de Dieu une affaire personnelle, individuelle, où chacun se débrouille plus ou moins tout seul, même si c’est avec une certaine communion avec les autres.

    Nous cherchons cette source de l’Amour dans la prière au fond de notre cœur, dans la présence réelle de Dieu dans l’eucharistie ou la Parole, dans la vie de service auprès de nos frères et en particulier des plus pauvres et des plus souffrants. Mais nous avons encore très peu appris à nous brancher sur la source de l’Amour qui est présente aussi dans le cœur du frère et au milieu de ces frères et de ces sœurs qui s’aiment et qui sont unis avec Jésus au milieu d’eux.

    Quand on en arrive à se recueillir devant la présence de Jésus dans le cœur du frère et au milieu de nous, comme on se recueille devant le tabernacle où « vit » Jésus Eucharistie, comme Chiara Lubich nous l’a si souvent indiqué, tout change…

    A ce moment-là, j’ai bien sûr besoin d’aimer l’autre sans cesse, parce que l’amour divin que Dieu a semé en moi ne pourra jamais s’arrêter, s’il est un amour réel, à la fois humain et divin. Mais pour qu’il ait la force de ne jamais s’arrêter, il faudra qu’il ne se débranche jamais de la source divine de l’Amour.

    Alors, j’aurai toujours besoin de t’aimer, sinon cela voudrait dire que l’amour en moi est en train de faiblir ou de disparaître. Mais j’aurai aussi besoin que tu m’aimes dans la réciprocité, car toi que j’aime et qui m’aime en même temps, tu es aussi une des sources à laquelle je peux toujours puiser cet amour. Cela donne le vertige de voir comment Dieu nous a fait un tel cadeau, nous a donné une telle responsabilité. Lui qui aurait pu dire : « Aimez-moi ! », nous a dit pourtant : « Aimez-vous les uns les autres ! » Car il savait que nous avons désormais en nous la possibilité d’être une source de Dieu pour le frère. Alors bien sûr que j’aurai besoin de toi pour toujours. Mais ce sera un besoin qui me laissera, en Dieu, toujours libre. Car si tu t’arrêtes un jour de m’aimer, cela me poussera seulement à t’aimer encore plus pour que tu retournes, et si moi, j’ai aussi mes moments de faiblesse, tu trouveras en Dieu la force de m’aimer encore plus, car désormais nous ne pourrons plus jamais vivre sans cette réciprocité trinitaire qui nous ouvre déjà la porte du ciel sur la terre !


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  • Hier on m’a fêté mon anniversaire, d’un peu partout dans le monde, parents, amis de longue date ou découverts plus récemment, car chaque année l’amitié s’élargit un peu plus et déborde, et j’ai passé presque toute la journée à essayer de répondre à cette avalanche de réciprocité qui m’envahissait de toutes parts. Et ce simple article qui va jaillir maintenant de mon cœur est surtout pour remercier chacun et chacune de toutes ces marques d’affection, qu’on attend un peu, mais qui sont tout de même une si belle surprise…

    Mais voilà, l’originalité de cette année c’est que, pour la première fois de ma vie, j’étais pratiquement seul à fêter mon anniversaire, avec deux amis confinés comme moi dans un appartement de Lyon à cause du coronavirus. Dans un cas pareil, au Liban et dans tout le Moyen Orient, quand on a vécu pour une période éloignés les uns des autres pour un voyage, une absence, une maladie, on dit à la personne qu’on aime : « Chta’tellak ! » ou « Chta’tellik », ce qui veut dire : « Tu m’as manqué, tu m’as beaucoup manqué, tu me manques… » Les Libanais et tous les Moyen-orientaux sont très affectueux, ils vous comblent toujours d’expressions de ce genre, qui font sentir à l’autre qu’il est vraiment important dans notre vie…

    Eh bien, je voudrais dire à tous ces amis qui se sont ainsi exprimés, que je les remercie beaucoup pour toutes ces expressions d’amitié qui me sont parvenues comme une symphonie colorée et parfumée, mais que j’ai fait à ce propos, pendant ces deux mois de confinement en France, une expérience nouvelle qui m’a vraiment surpris.

    Vous savez, c’est comme cette parabole de l’Evangile dans laquelle Jésus compare le Royaume des cieux à cet homme qui a semé une semence dans son champ et, qu’il veille ou qu’il dorme, désormais la semence pousse toute seule pour toujours. J’ai compris que si l’amitié ou l’amour que nous portons dans le cœur sont vrais comme la semence de l’Evangile, rien ne pourra plus jamais les empêcher de pousser. Alors, c’est vrai que de temps en temps, on sent une petite nostalgie de se trouver un peu loin des gens qu’on aime, mais la réalité c’est que cette petite souffrance augmente l’amitié et l’amour dans notre esprit et dans notre cœur.

    Et c’est là qu’on découvre si vraiment cette amitié était vraie et profonde, ou un simple hasard de rencontre qui nous a occupés une période et qu’on oublie dès qu’on est loin. Comme ce proverbe que je trouve assez horrible qui dit : « Loin des yeux, loin du cœur. » Dans mon confinement forcé, avec des heures et des heures pour penser à tellement de personnes que j’ai quittées et qui m’attendent et que j’attends, j’ai fait en moi une sorte d’examen de conscience de mes amitiés et j’ai découvert que désormais tout ce qui m’arrive depuis quelques années ne fait que renforcer ce bonheur de s’être connus et de partager ensemble l’aventure de la vie en ce monde.

    Comme la semence de l’Evangile continue à pousser que l’on veille ou que l’on dorme, la semence de l’amitié continue à germer et exploser de toutes parts que nous soyons ensemble ou que nous soyons éloignés les uns des autres. Que les circonstances de la vie soient bonnes ou difficiles, que nos amis passent des moments de joie ou de tristesse. Car si mon ami est heureux, ça me comble de bonheur, mais s’il souffre ça me fait tellement souffrir moi aussi que notre amour grandit plus encore. Et même si parfois l’amitié passe par des petits moments de malentendus ou de maladresses réciproques, la semence est tellement forte qu’on va bien vite dépasser cette épreuve.

    Mais tout cela bien sûr à une condition, c’est que l’amitié et l’amour soient dès le départ dans la réciprocité, que chacun vive pour faire respirer l’autre et le libérer, l’aider à devenir lui-même et à trouver son propre bonheur qui rejaillira bien vite sur nous. Et à ce moment-là, ce n’est plus tellement vrai que mon ami que j’ai quitté il y a quelques mois m’a vraiment manqué. Parce qu’en fait, l’ami d’il y a quelques mois a changé entre temps, comme moi-même j’ai changé. Inutile de rechercher toujours à revenir sur un passé qui n’existera jamais plus. Mais jetons-nous ensemble dans l’arbre de l’amitié d’aujourd’hui qui a encore grandi et qui nous surprendra toujours… si nous le laissons pousser !

     


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  • Pourquoi sentons-nous confusément que l’homme est si grand, alors qu’il apparaît si petit et si faible, perdu comme une fourmi au cœur de l’univers, condamné à se battre au milieu de ses limites de temps et d’espace qui semblent lui laisser une si petite marge de manœuvre ?

    C’est que l’homme est d’abord un mystère. L’homme a en lui une dimension d’infini qu’il porte en son esprit, sa conscience, son âme et même son corps, qui en fait la perle de l’univers. L’homme est une goutte d’infini venue se concrétiser dans un atome de matière, qui vient faire de cet atome à son tour un infini qui le transcende. L’homme vient de l’infini et y retourne. Et toutes les limites qui semblent le conditionner et contre lesquelles il se bat toute une vie, corps et âme, sont comme le symbole d’une porte qui pourrait le refermer pour toujours sur lui-même et sa petitesse, mais qui peut en même temps l’ouvrir justement à l’infini.

    Toute la vie de l’homme se passe dans cette dimension entre le drame, la résignation, la révolte, le rêve et l’espoir. Pourquoi cet athlète qui vient de battre le record du monde du marathon de quelques secondes se sent-il tout à coup comme le héros de l’humanité ? Concrètement cela n’a pas changé grand-chose à sa vie. Ce n’est pas parce qu’il a battu un record mythique qu’il est devenu maintenant plus rapide qu’une gazelle ou qu’un léopard. Mais cette passion fanatique et apparemment folle de la compétition sportive est un de aspects de ce symbole qui fait sentir à l’homme qu’il est toujours capable d’aller au bout et au-delà de ses limites.

    La beauté inouïe de l’univers de l’art est un autre symbole qui nous accompagne jour après jour. C’est la dimension d’un rêve qui joue avec tout ce qui touche aux sens et aux sentiments de l’homme et le pousse à créer des relations entre les formes, les sons et les couleurs qui sont capables ici encore d’ouvrir sans cesse de nouveaux horizons insoupçonnés qui donnent en même temps le bonheur.

    Et c’est encore ce qui se passe dans toutes les relations sociales, jusqu’à celles tellement incroyables de l’amitié et de l’amour. Qu’est-ce qui fait que, lorsque deux êtres ont l’impression de s’être tout donné dans la plus parfaite réciprocité, d’avoir pénétré dans le cœur l’un de l’autre jusqu’à une dimension qui les transcende, qu’ils sentent justement que leur amour est plus grand que l’univers tout entier ? C’est encore cette goutte d’infini qui les pousse et qui les attire en même temps. Le sentiment que ce qui est en jeu est tellement immense, tellement plus grand que la simple rencontre banale entre deux fourmis de l’univers…

    Et tout cela s’expérimente peut-être plus encore quand l’homme se bat contre la souffrance, la maladie ou la mort. Car c’est devant ces limites extrêmes qu’il trouve en lui une énergie soudaine qui va faire de cette souffrance, de cette maladie et de cette mort, une occasion de se transcender encore plus.  Une occasion de montrer que ces barrières naturelles ne sont qu’une nouvelle opportunité de faire rejaillir l’infini qu’il porte en lui, avec des élans de générosité, de solidarité, de partage qui font sentir à chacun qu’il est bien plus grand que sa propre petite personne. Et qu’en même temps il fait partie d’une famille humaine, d’un peuple humain qui va bien au-delà de ce moment présent que nous vivons. Comme si la dimension historique de la solidarité devenait le symbole de l’immortalité de l’humanité. Avec le sentiment que la souffrance, au lieu d’être un obstacle au bonheur est peut-être le lieu qui révèle le mieux à l’homme le mystère exceptionnel qu’il porte en lui…

    Et c’est aussi pour cela que tout homme qui se sert de ces limites pour ses propres intérêts de courte vue et qui en fait une dimension de prison remplie d’égoïsme et d’injustice réciproques au lieu de les transcender, passe sa vie à côté de son mystère et court après son bonheur sans jamais plus réussir à le trouver, car il a fermé la porte qui allait l’ouvrir sur l’infini. Mais l’homme est tellement plein de ressources incroyables que, tant qu’il n’est pas mort, sa conscience peut encore, jusqu’au dernier moment, lui donner la chance de trouver cette porte et de l’ouvrir, surtout quand nous nous aidons les uns les autres à en arriver là…


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  • A part ma rubrique « Perles de la Parole » et parfois « Reflets du paradis », je n’ai pas l’habitude dans ce blog de parler beaucoup de religion et de m’adresser particulièrement à mes amis chrétiens, mais cette fois-ci je vais le faire…

    Ce qui m’a provoqué encore une fois, c’est une de ces phrases terribles qui circulent sur les réseaux sociaux et qui nous bombardent chaque jour. Mais écoutez donc celle-là : « Ce qui m’importe, c’est l’éternelle vivacité et non pas la vie éternelle. » Elle est de Nietzsche, le fameux philosophe allemand de la « mort de Dieu ». Celui qui présentait justement les chrétiens comme des gens qui ont peur de regarder en face les réalités de cette terre et de les affronter, et qui avancent le dos courbé et les yeux fixés à terre, en attendant que la vie éternelle vienne les délivrer. Encore une de ces mauvaises plaisanteries ou de ces jeux de mots dont les chrétiens font les frais…

    Eh bien, je vous avoue que ce n’est pas Nietzsche qui me fâche ici, mais c’est nous les chrétiens au contraire. Parce que nous avons réussi en 2000 ans à transformer le message du Christ dans l’Evangile en une mauvaise caricature… et nous l’avons bien cherché si toutes ces critiques pleuvent sur nous.

    Ce qui me frappe ici, ce n’est pas le jeu de mots de Nietzsche qui se moque allègrement de notre « vie éternelle », mais le début de sa phrase : « Ce qui m’importe… » C’est ce « moi » qui veut s’affirmer tout seul et s’opposer aux autres qui fait de la peine. « Moi », je veux mener ma vie comme il me plaît, « moi » je sais ce qui m’importe, « moi » je ne suis pas stupide comme ces chrétiens. C’est au fond une simple réponse à l’individualisme qui a déformé complètement l’idéal de l’Evangile au cours des siècles.

    La vie de l’amour réciproque à l’image de la Trinité que Jésus nous a apportée est devenue peu à peu un refuge où chaque personne se sauve de son côté comme il peut, en attendant justement « sa » vie éternelle. Les chrétiens vont à l’Eglise comme dans un immense supermarché pour se servir de ce dont ils ont besoin, sans trop se préoccuper des autres. « Moi » ce qui m’importe, dit le chrétien, c’est d’arriver à la vie éternelle, et si les autres sont méchants et vont en enfer, c’est bien leur faute, « moi » je n’y peux rien. Alors nous avons bien mérité que Nietzsche réponde sur le même ton.

    Il y a heureusement encore quelques chrétiens qui illuminent notre monde, comme Mère Teresa, le Pape François ou Chiara Lubich. Mais il faudrait que leur exemple crée un véritable courant, une véritable culture nouvelle où le « moi » puisse grandir justement en donnant sa vie pour les autres et non pas en se désolidarisant de ces autres et en les jugeant et les condamnant comme s’ils ne nous concernaient pas. Le jour où nous chrétiens ferons sentir à tous les hommes que ce qui « nous » importe, c’est de sauver l’humanité tout entière qui nous a donné la vie, alors nous parviendrons peut-être à réconcilier cette humanité avec le cœur de l’Evangile et de la vie, « présente » et « éternelle » en même temps, que Jésus est venu partager avec nous…


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