• Refuge

    Je vais vous dire tout de suite ce que je pense vraiment de ce qu’on appelle un « refuge ». Le refuge est un lieu ou un moment qui s’offrent à nous, souvent quand nous sommes en difficulté pour un tas de raisons, et qui nous donnent pour un temps le repos ou la paix. Le refuge est donc souvent une clé pour notre bonheur. Mais attention à ne pas se tromper sur le mode d’emploi ! Le refuge doit toujours être un moyen, un passage plus ou moins long, un moment pour reprendre des forces sur un chemin plein de difficultés ou de problèmes. Et c’est cela qui fait son attrait et son bienfait irremplaçable. Mais il ne faut jamais transformer le moyen en but ou en destination définitive. Le refuge est utile comme une étape, comme le sang qui s’arrête au cœur ou dans les poumons pour s’oxygéner avant de reprendre sa route dans tous les recoins de notre corps qui l’attendent. Imaginons que le sang s’arrête tout à coup au cœur, parce qu’il s’y sent plus à l’aise et plus tranquille : ce serait notre mort instantanée.

    Comme c’est beau d’arriver par exemple au refuge d’une montagne élevée, à mi-chemin entre le village au fond de la vallée et le sommet qui nous attend. Ce sera le lieu où nous pourrons nous restaurer, manger tranquillement pour reprendre des forces, ou même dormir si le sommet est encore bien loin. Mais c’est le sommet qui nous attire. Cette cime alpestre, cette « vetta », chère aux Italiens, aiguille pointue qui semble défier le ciel, image de l’infini qui perce les nuages et qui nous rapproche du soleil. Notre vie est une montée vers le sommet, celui de l’amour, de la justice, de la bataille au service de l’humanité. La route est longue pour y arriver. Et un sommet donne envie de nous lancer à l’assaut d’un autre sommet qui va donner encore plus de sens à notre vie.

    Mais gare à s’arrêter pour toujours au refuge, par peur, par paresse, par médiocrité. La vie deviendra bien vite renfermée sur elle-même, elle ne respirera plus et le sang ne circulera plus dans nos veines. Il est donc important de trouver refuge pour la nuit, avant que le soleil se lève et que le chemin s’éclaire à nouveau. Ou quand la pluie s’abat sur nous et que l’orage gronde et se fait menaçant. Le refuge en temps de guerre est souvent une question de vie ou de mort. Mais j’ai connu des gens, pendant la guerre du Liban, qui sont entrés en dépression totale parce qu’ils n’avaient plus jamais le courage de quitter leur refuge et leur vie s’était comme arrêtée pour toujours. Le refuge peut donc devenir une maladie, si on ne parvient plus à le remettre à sa juste place.

    Et le refuge le plus beau et le plus réconfortant est certainement la personne qui nous aime et qui nous comprend, qui nous donne la force de recommencer et d’avancer dans les moments délicats de notre vie. Mais ici encore, attention à ne pas transformer notre ami, ou notre amie en un refuge dont nous profitons quand nous allons mal, comme on essaye de profiter des produits de la société de consommation. Ma vie ce sont les autres, à condition que je passe mon temps à me donner à eux de tout mon cœur, en tâchant d’être parfois un bon refuge pour eux au milieu des malheurs, mais sans les transformer eux-mêmes en un refuge dont je me servirais égoïstement quand ça ne va plus chez moi. C’est toujours la même chose : si je me donne aux autres, les autres auront envie de se donner à moi dans la réciprocité. Mais si je m’appuie seulement sur les autres en pensant à moi et non plus à eux, c’est que le passage est devenu un but et toute ma vie ira de travers.


  • Commentaires

    1
    Hayat Fallah
    Dimanche 2 Août 2020 à 08:27
    Tout à fait d'accord ...on peut étouffer dans un "refuge" ...
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