• Sur "la résurrection de Rome" (1)

    Nous avons déjà médité sur quelques lignes de Chiara Lubich (cf. l’article de cette même rubrique : « Regarder toutes les fleurs » du 11 mars dernier) et nous continuerons à le faire de temps en temps, car il nous semble que « Chiara » a beaucoup à dire à l’homme d’aujourd’hui.

    Nous revenons aujourd’hui sur les premières lignes de son article de 1949, « La résurrection de Rome », publié en 1996 par Nouvelle Cité dans le petit volume : « Voyage trinitaire ».

    « Si je regarde Rome telle qu’elle est, mon Idéal me semble aussi lointain que l’époque où les grands saints et les martyrs rayonnaient d’une lumière éternelle et éclairaient jusqu’aux murs des monuments qui se dressent aujourd’hui encore, témoins de l’amour qui unissait les premiers chrétiens.

    En un contraste criant, le monde domine Rome aujourd’hui par ses obscénités et ses vanités, dans les rues et, plus encore, loin des regards, dans les maisons, où règnent la colère, l’agitation et toutes sortes de turpitudes.

    Et je dirais mon Idéal utopie si je ne pensais au Christ, qui a pourtant connu un monde semblable à celui-ci et, au point culminant de sa vie, a paru englouti lui-même, vaincu par le mal.

    Lui aussi regardait toute cette foule qu’il aimait comme lui-même. Il l’avait créée et aurait voulu tisser des liens pour l’unir à soi, comme des enfants à leur Père, et unir chaque frère à son frère. Il était venu pour réunir la famille : de tous, faire un.

    Ses paroles de Feu et de Vérité consumaient la broussaille des vanités qui étouffent l’Eternel qui se trouve en l’homme et passe parmi les hommes. Pourtant, même s’ils comprenaient, les hommes, tant d’hommes, ne voulaient rien entendre et demeuraient le regard éteint, car ils avaient l’âme obscure.

    Pour quelle raison ? Parce qu’il les avait créés libres.

    Descendu du ciel sur la terre, il aurait pu les ressusciter d’un seul regard, mais il fallait qu’il leur laisse – ils avaient été créés à l’image de Dieu – la joie de conquérir le ciel librement. C’est l’éternité qui était en jeu et, pendant toute l’éternité, ils pourraient vivre en fils de Dieu, comme Dieu, créateurs de leur propre bonheur, par participation à sa toute-puissance.

    Il voyait le monde tel que je le vois, mais il ne doutait pas.

    Insatisfait, attristé par ce monde qui courait à sa perte, il contemplait, la nuit, le Ciel au-dessus de lui ainsi que le Ciel en lui, et il priait la Trinité qui est l’Etre véritable, le Tout concret, tandis qu’au dehors cheminait le néant qui passe.

    Moi aussi, j’agis comme lui pour ne pas m’éloigner de l’Eternel, de l’Incréé qui est racine du créé, et donc vie de tout, pour croire à la victoire finale de la Lumière sur les ténèbres.

    Je passe par les rues de Rome, mais je ne veux pas la voir. Je regarde le monde qui est en moi et m’attache à ce qui possède valeur et être. Je ne fais qu’un avec la Trinité qui habite mon âme, l’illumine d’une lumière éternelle et la remplit du ciel entier avec les saints et les anges, eux qui ne sont soumis ni au temps ni à l’espace et peuvent ainsi, en ma petitesse, se recueillir avec les Trois personnes en une unité d’amour... »

    Ce texte (que nous continuerons prochainement) parle déjà de lui-même. On y trouve une vision des réalités, terrestres et célestes en même temps, qui fait respirer. Dans le plus grand respect de la liberté de l’homme (comme Dieu l’a créé) on y découvre aussi une immense passion pour ce Dieu qui nous a tout donné, avec l’invitation à se brancher vraiment sur lui de manière radicale si nous ne voulons pas nous laisser enfermer par des problèmes apparemment sans solution, si nous regardons en particulier tout ce que le mal fait encore aujourd’hui dans notre monde.

    Chiara connaît bien ce mal, qu’elle a dû affronter déjà personnellement durant la seconde guerre mondiale. Mais elle a su en même temps, avec ses premières compagnes, ne pas tomber dans la tentation de combattre ce mal sur son terrain. Non, ce mal ne peut se combattre qu’en étant plus fort que lui à l’intérieur de soi. Utopie ? Illusion ? Chiara revient à l’époque de Jésus et des premiers chrétiens qui ont bien semblé complètement vaincus par ce mal, et pourtant ce sont eux qui l’ont emporté à la fin. L’empire romain avec toute sa puissance, ses aspects positifs comme ses ombres terribles, n’aura pas duré longtemps après le passage du Christ. Le communisme mondial, dans sa bonne intention de départ et ses dérives horribles par la suite, n’a même pas tenu aussi longtemps que l’empire romain.

    Chiara croit en la bonté de l’homme, parce qu’elle est sûre que Dieu bon est présent en lui. Mais ce Dieu bon, ce Dieu amour nous a laissés libres. Jamais il ne nous obligera à le suivre, parce que nous serions comme des robots, des marionnettes entre ses mains. Si nous voulons l’imiter nous devons réapprendre de lui cet amour gratuit qui donne sans jamais rien demander en retour. Nous, les chrétiens du XXIe siècle, tombons encore souvent dans ce piège de vouloir convaincre les autres, de vouloir même les dominer, comme malheureusement nous l’avons trop souvent fait par le passé. Les chrétiens ne seront forts que quand ils seront libres dans leur cœur et dans leur esprit, pas parce qu’ils obligeront les autres à les imiter. S’ils savent être comme Dieu, capables d’aimer leurs frères et sœurs sur cette terre sans rien attendre de retour, ils sauront peut-être s’émerveiller de la beauté mise par Dieu en chacun de ces frères et sœurs, même ceux qui semblent peut-être se détourner de lui (mais se détournent-ils de lui ou des excès et des erreurs des chrétiens ?).

    Notre monde retrouvera son âme lorsqu’une poignée peut-être insignifiante de personnes sera capable de vivre comme Dieu sur la terre, en toute liberté, sans se préoccuper des résultats apparents. Et n’oublions pas que notre idéal est d’être Dieu dans ce sens, pas même d’être chrétien. La figure de Gandhi, que nous avons rappelée dans cette rubrique, est pour nous une bonne leçon. Dieu n’est pas chrétien. Il « est » tout simplement. Il est certainement beau et utile d’être chrétien dans le sens de communier avec des gens qui partagent le même idéal que le Christ. Mais attention à ne pas faire de cette appartenance une identité qui finit par rejeter les autres ou se sentir supérieure à eux. Dieu en lui-même doit être libre de tout cela, sinon il ne serait pas Dieu. Et il nous invite à faire de même si nous voulons vraiment redonner l’espoir à l’humanité.

     


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  • Commentaires

    1
    Mona
    Samedi 1er Août 2015 à 22:24

    Super!!!

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    2
    Hayat
    Mercredi 5 Août 2015 à 23:00
    J'aime beaucoup " Dieu n'est pas chrétien. IL "EST" tout simplement !
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