• Un "nouvel humanisme"

    « Il faut ouvrir le chemin d’un nouvel humanisme, où l’homme sera vraiment au centre, l’homme qui est avant tout le Christ, le Christ dans les hommes. » C’est ainsi que Chiara Lubich commente la fin de ce fameux texte sur « La résurrection de Rome » dont nous avons déjà relu ensemble quelques extraits.  Chiara avait écrit aussi, quelques lignes plus haut : « Jésus est la véritable personnalité de chacun, la plus profonde. » Alors Dieu ou l’homme?

    Je voudrais ici m’adresser particulièrement à ceux de mes amis qui n’ont pas de référence religieuse. Je sais que trop souvent ceux qui ont prétendu chercher Dieu se sont éloignés des hommes, de l’homme, rendant ainsi suspect pour beaucoup leur cheminement.

    Ce que je trouve impressionnant dans le « paradis » de Chiara, c’est que plus elle fait l’expérience de Dieu, plus elle fait l’expérience de l’homme. Mais qui est « l’homme » dans tout cela ? Moi ? Toi ? Lui ou elle ? Nous tous ensemble ? Il est certain que « nous tous ensemble » sera certainement plus proche de la vérité, même si chacun de nous tout seul a le droit de sentir qu’il est aussi « l’homme ».

    Je crois qu’on trouve souvent des hommes ou des femmes de « bonne volonté » qui consacrent leur vie au service de l’humanité, qui disent ne pas connaître Dieu, mais qui se comportent parfois tellement mieux que bien des croyants. Ces gens-là nous font découvrir la grandeur et la dignité de l’humanité et nous donnent beaucoup d’espoir. Mais que veut dire servir l’homme ?

    C’est sans doute servir ce qui est commun à tous les hommes, ce qui fait que nous sommes tous frères, tous membres de la même famille humaine et que nous ne pouvons pas faire de mal à un seul de ces frères sans nous faire du mal à nous-mêmes. C’est cela mettre l’homme « vraiment au centre ». L’humanité a fait beaucoup de progrès dans la compréhension qu’elle a d’elle-même depuis quelques siècles. La convergence de tous les peuples vers la charte des Nations-Unies, qui reconnaît finalement l’importance tellement évidente des droits de l’homme, en est un exemple frappant.

    Mais que veut dire défendre les droits de l’homme ? Me battre pour que tout le monde reconnaisse que mes droits ont été bafoués ? Certainement. Mais surtout me battre pour que plus personne au monde ne voie ses droits bafoués. On s’est convaincu que chaque homme par exemple a le droit à la propriété privée, et c’est très bien. Alors on va éliminer ceux qui empêchent les autres d’accéder à cette propriété privée, on va se venger d’eux, on va les tuer, on va favoriser les plus faibles contre les plus forts ? Mais les plus forts deviendront alors faibles à leur tour ou victimes de ces révolutions injustes au nom de la justice. Les révolutions ne seront bienfaisantes pour l’humanité que le jour où on mettra vraiment « l’homme » au centre, tout l’homme, et non pas les intérêts même bafoués d’une catégorie de personne. Comme la révolution de Nelson Mandela qui voulait libérer à la fois les opprimés et les oppresseurs, pas les opprimés contre les oppresseurs. Tant que le progrès de l’humanité se fera au profit d’une catégorie contre une autre, l’humanité dans son ensemble restera bloquée, car elle ne sera pas « au centre ».

    C’est cela la révolution de Chiara. Lorsqu’elle dit que chacun de nous est Jésus, elle nous dit en même temps que chacun de nous est « l’homme ». Cela veut dire que l’humanité progressera vraiment le jour où toutes nos actions seront au service de cet « homme ». Mais alors, je n’ai plus le droit de penser à moi, de me reposer par exemple ? Pourquoi pas, il n’y a ici aucune contradiction. Si le fait de me reposer aujourd’hui me donnera la force de mieux aimer l’homme demain, alors mon repos est le bienvenu. Ce qui fait du tort à l’humanité, ce sont toutes les formes d’égoïsme ou d’individualisme qui ne mettent pas « l’homme au centre » justement, mais de pauvres intérêts refermés sur soi-même. Si je ne mets pas « l’homme au centre », si je ne pense qu’à moi, l’humanité ne va pas au fond y perdre grand-chose, c’est moi qui vais y perdre, car je me mets en dehors de ma famille. Tandis que si je passe mon temps à servir toute l’humanité, je vais voir toute l’humanité penser à moi et nous serons tous ensemble gagnants.

     

    J’ai donc le droit théorique de penser à moi, j’ai le droit de me reposer, mais attention à mettre « l’homme au centre ». Car si « l’homme » me fatigue et que je le fuis, si je me réfugie dans je ne sais quelle activité parce que je n’arrive plus à supporter l’homme, me voilà entré dans une rue sans issue qui deviendra ma prison. Même la prière peut devenir un refuge et une prison, si elle n’est pas au service de l’homme. Saint Jean nous a bien dit que celui qui prétend aimer Dieu et qui n’aime pas son frère est un menteur. Si je suis fatigué de mon frère et que je me réfugie un instant dans la prière, la vraie prière, et que je suis honnête avec elle, cette prière va vite me remettre sur le chemin du frère, de « l’homme » avec une énergie renouvelée. Et c’est bien pour cela que beaucoup de gens qui se disent incroyants se sentent tellement à l’aise avec Chiara et son « paradis » !


  • Commentaires

    1
    Hayat
    Samedi 24 Octobre 2015 à 11:54
    C'est le plus beau de tes articles Roland ...du moins pour moi !
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