« Amen, je vous le dis : si vous ne changez pas pour devenir comme les petits enfants, vous n’entrerez point dans le Royaume des cieux. Mais celui qui se fera petit comme cet enfant, c’est celui-là qui est le plus grand dans le Royaume des cieux. » (Mt 18,3-4)

Et nous voilà partis. C’est la première « perle » de notre chapitre et il faudrait déjà des pages et des pages pour la commenter un peu en profondeur. Alors je vais prendre ici simplement deux mots, pour ne pas être trop long. Le premier sera « enfant » ou « petit ». Ce n’est pas nouveau chez Matthieu, cette idée que notre Dieu est grand parce qu’il sait se faire petit et pauvre. Ce Dieu qui s’est fait homme, né d’une femme, et tellement vulnérable que ses parents ont dû fuir leur terre pour le protéger. Ce Dieu qui nous a prêché les béatitudes où tout semble complètement à contre-courant avec la mentalité habituelle de notre monde. Ce Dieu dont la puissance d’amour est venue pour servir et non pas pour dominer. Ce Dieu qui ne sait pas posséder mais seulement se donner.

Voilà qu’il nous présente maintenant les enfants comme modèle de vie. Il sait bien que les enfants ont leurs limites et leurs fragilités. Mais ce qu’il veut nous dire ici, c’est que les enfants sont libres, ils n’ont pas de passé lourd qui les conditionne comme les adultes. Ils sont capables encore de s’émerveiller devant la Bonne Nouvelle du Royaume, car ils ne font pas de calculs compliqués ou de comparaisons. Ils sont simples et entiers dans leur réaction. Ils sont surtout capables d’accueillir de tout leur cœur ce Dieu qui vient changer peut-être tous leurs programmes mais qui a su les attirer par son amour et sa tendresse.

Et le deuxième mot que nous allons retenir est le verbe « entrer » (« vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux »). C’est ici la révolution totale des béatitudes qui continue. Le plus grand trésor de l’univers, le Royaume des cieux, n’est pas un trésor qu’on peut prendre et posséder, qu’on peut enfermer dans un coffre-fort qu’on pourrait nous voler comme les trésors de cette terre. La vie d’amour total entre le Père et le Fils dans l’Esprit, que Jésus a commencé à nous révéler, n’est pas un bien que je peux prendre pour moi en le portant à la maison, elle serait plutôt comme les vagues de la mer dans lesquelles je vais me plonger pour en ressentir les caresses et le bienfait qui va me restaurer jusqu’au plus profond de moi-même.

Comme le Fils accueille de tout son être l’amour du Père qui se donne à Lui dans l’Esprit et le laisse pénétrer au fond de son cœur divin, comme le Fils se donne à son tour au Père de tout son être et que le Père l’accueille et le laisse pénétrer en Lui dans l’Esprit, voilà que les Trois ont décidé de nous donner à notre tour leur trésor. Voilà qu’ils ont décidé de se donner à nous de tout leur être et de tout leur amour… si nous savons seulement les accueillir avec cette simplicité d’un enfant, si nous les laissons pénétrer en nous, en même temps que nous commençons à pénétrer en Dieu. Et c’est alors le miracle de la réciprocité divine qui commence à nous inonder et à nous transformer pour toujours. Il ne nous reste alors qu’à vivre une seule chose, du matin au soir de chacune de nos journées, jusqu’à la fin de notre vie : accepter l’invitation de Dieu, le laisser pénétrer en nous et nous laisser porter par Lui à pénétrer en Lui comme si nous étions divins nous aussi… en découvrant en même temps que la goutte de ciel que Dieu a mise en nous quand il nous a créés est réellement divine, mais que nous découvrirons véritablement ce que cela veut dire quand nous nous laisserons faire pour toujours par le Père, le Fils et l’Esprit qui nous attirent et qui nous attendent. Et nous allons voir maintenant comment, en poursuivant la lecture de notre chapitre et de tous les autres chapitres de l’Evangile que nous avons encore à parcourir…