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Accueillir l'autre jusqu'au fond
Je viens de lire une phrase, dans un article, qui m’a posé un problème et j’ai eu envie de résoudre le problème avec vous. La phrase parlait simplement d’accueillir l’autre, l’ami, le frère, la sœur, « jusqu’au fond ». Et je me suis demandé ce que pouvait bien vouloir dire ce « jusqu’au fond » : dois-je accueillir l’autre jusqu’au fond de moi-même, ou bien jusqu’au fond de lui-même ? Et je vous avoue que les deux interprétations ont quelque chose de fascinant.
« Jusqu’au fond de moi-même » d’abord. Si je veux accueillir l’autre, c’est-à-dire si je veux lui ouvrir ma porte, ma maison, ma famille, mon esprit et mon cœur, cela demande beaucoup de choses à la fois. Me concentrer sur cet accueil, ne plus vivre, pour un moment au moins, que pour ce frère ou cette sœur que je suis en train d’accueillir. Laisser de côté toutes mes autres préoccupations du moment, être capable de me taire pour l’écouter. Lui faire sentir qu’il est tellement important pour moi. Eliminer d’un coup tous les préjugés, les préventions, la poussière qui avait pu s’accumuler en moi, consciemment ou non, lorsque je pensais à lui auparavant. L’accepter tel qu’il est sans condition. Et en même temps m’ouvrir à lui de manière transparente. Le laisser pénétrer au fond de mon cœur pour qu’il sente que vraiment tout ce qui est à moi est à lui, que je n’ai pas d’angles cachés où il lui serait interdit d’entrer… C’est tout cela et bien plus encore que peut vouloir dire « accueillir l’autre jusqu’au fond ». Et il faut dire bien honnêtement qu’un tel accueil est rare. Il ne peut évidemment se faire du jour au lendemain. Pour s’ouvrir à l’autre de manière tellement limpide, il faut qu’il y ait déjà eu des prémices, de belles prémices de connaissance réciproque et de confiance. Lorsqu’on en arrive là, on bénit la vie de nous donner de telles opportunités qui élargissent nos horizons à l’infini…
« Accueillir l’autre jusqu’au fond de lui-même », c’est tout de même différent, cela veut dire que j’accueille vraiment tout chez l’autre. Et ce n’est pas si facile que cela. Notre esprit d’analyse qui veille toujours, comme un gardien féroce, est là, toujours présent à distinguer les choses au risque de les compliquer. Avec la méfiance qui s’en mêle, voilà que je veux bien accepter l’autre, mais en partie seulement, la partie qui m’intéresse, qui me plaît. Mais le reste non, je le refuse, ou au moins je le mets de côté parce que ça ne m’intéresse pas. C’est bien souvent ce qui se passe dans nos relations avec les autres et qui fait que nous restons sur la défensive pour ne pas prendre trop de risques avec l’autre. Est-ce juste tout cela ? Est-il raisonnable ou utopique de penser vouloir accueillir vraiment « tout l’autre » ?
Je crois qu’ici il faut distinguer entre les niveaux. Il ne m’est pas demandé d’être d’accord avec tout ce que pense l’autre, ni d’aimer tout ce qu’il aime, ce serait ridicule. Ce qui m’est demandé, si l’autre est vraiment important pour moi, c’est d’abord de l’accepter tel qu’il est sans condition, au moins pour m’intéresser à lui et essayer de le comprendre dans sa diversité d’avec moi, sans tabou, sans arrière-pensée, pour tâcher de voir le monde comme lui le voit, au moins pour un instant. Quand on fait sincèrement cet exercice (ce qui est malheureusement assez rare) on est étonné du résultat, on est même émerveillé de voir toutes ces nuances de l’esprit et de l’âme de l’homme qui nous auraient échappé pour toujours si nous restions enfermés dans nos belles certitudes, pour ne pas perdre notre personnalité.
Alors je crois qu’à la fin j’ai compris ce que voulait dire « accueillir l’autre jusqu’au fond » : c’est qu’ « au fond de moi-même » ne pourra jamais aller sans « au fond de l’autre ». Si l’un allait sans l’autre cela voudrait dire qu’il n’y a pas de place pour la réciprocité, pour l’amitié sincère. Cela voudrait dire que l’un s’ouvre à l’autre en toute transparence et que l’autre reste enfermé sur lui-même. Cela voudrait dire que l’on pourrait connaître l’autre seulement de l’extérieur et comme ce serait triste ! Alors ne soyons pas naïfs. Arriverons-nous vraiment un jour à être totalement ouverts à l’autre au moment où l’autre est totalement ouvert à nous ? Nous sommes toujours limités par bien des choses, et par le temps pour commencer. Nous n’avons jamais le temps de « tout » dire ou faire connaître à l’autre. Nous aurons toujours des angles plus ou moins cachés ou secrets. Mais tout cela n’est pas un grand problème. L’amour ou l’amitié ne sont pas une question de quantité mais de qualité. Lorsque l’accueil est vrai et réciproque, lorsque le cœur est ouvert des deux côtés, on ne s’y trompe jamais. Le cœur de l’un ou l’autre peut avoir des moments de doute ou de méfiance qui le fait se replier sur lui-même. L’amour ou l’amitié seront toujours une bataille difficile, avec soi-même pour commencer. On s’arrêtera en chemin, on perdra courage, mais il y aura toujours en nous ce désir immense d’aller le plus possible « au fond » du cœur de l’autre et de le laisser entrer lui aussi « au fond » de notre cœur. Et les difficultés rencontrées en chemin ne sont pas un problème, mais un peu d’aventure qui rend la recherche de la relation avec l’autre toujours plus passionnante.
Tags : accueillir, l'autre, moi-même, ouvrir, écouter, accepter, accueil, connaissance, réciproque, confiance, relation, réciprocité, amour, amitié, recherche
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Commentaires
1HayatSamedi 16 Avril 2016 à 22:05L'amour et l'amitié ne sont pas une question de quantité mais de qualité !C'est tellement vrai !je crois qu'essayer d'accueillir l'autre jusqu'au fond nous libère de tt préjugé, arrière pensée, tabou...il faut le vouloir !Répondre
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