• Désorientés

    Oui, notre monde est désorienté. Nous sommes tous désorientés. Qu'est-ce que cela veut dire: que nous avons perdu le Nord ou bien l'Orient? Et si l'Orient tout à coup nous redonnait sa lumière perdue?

  • Je viens de recevoir d’une de mes amies une vidéo effrayante où l’on voit un homme d’Eglise expliquer avec autorité et sur un ton dramatique que toute l’humanité est en train d’être victime d’un immense complot de quelques puissants qui vont prendre peu à peu le pouvoir sur toute la terre et faire de nous tous les nouveaux esclaves des temps modernes. Je suis vraiment triste pour cette amie que j’aime beaucoup et qui est à son tour tombée dans ce piège. Mais je voudrais m’expliquer.

    Des complots, il y en a eu dans toute l’histoire de l’humanité et il y en aura toujours. C’est bien malheureux, mais c’est comme ça. Le mal est bien présent dans le monde et ce n’est pas une nouveauté. C’est important d’être vigilant et de dénoncer ces complots qui veulent toujours servir l’intérêt de quelques-uns, même si c’est parfois avec des intentions en partie positives, mais la vérité qui libère vraiment est celle qui fait des révolutions à la lumière du jour comme celles de Gandhi, Nelson Mandela ou Jésus Christ et non pas en cachette.

    Le problème n’est pas ici de savoir s’il y a ou non des complots, mais de la peur que tout cela fait naître dans les esprits. La peur ne mène jamais à rien, elle paralyse inutilement et empêche d’affronter réellement les problèmes. Bien sûr que nous devons dénoncer les injustices, la corruption, les mafias de toutes sortes qui détruisent la société de l’intérieur. Mais la bataille pour l’humanité doit d’abord être positive, proposer des solutions concrètes et se battre pour elle de tout notre cœur et je pense qu’il y a plus de gens positifs que de mafieux dans nos sociétés.

    Mais ces dernières théories, « complotistes » comme on les appelle maintenant, ne tiennent pas debout, elles servent seulement à créer la panique dans la population et à nous faire perdre du temps. Et en général elles mélangent tout. On y voit des hommes d’Eglise demander à Mr Trump de sauver l’humanité contre ce grand « reset », ce complot terrible de quelques personnes dont le Pape François lui-même ferait partie, car il serait un Antéchrist, des histoires ridicules pour lesquelles on ne sait même pas si c’est mieux de rire ou de pleurer…

    Si on pensait simplement que tous les complots contre quelqu’un ont mal tourné un jour où l’autre, parce que quand quelques personnes essayent de s’unir avec le mal dans le cœur elles finissent toujours par se diviser. La révolution française avait de bonnes intentions quelque part et pourtant, en deux ou trois ans, les révolutionnaires se sont entretués et il n’est finalement resté de tout ça que les aspects en quelque sorte positifs comme ces beaux principes de liberté, égalité et fraternité. Ce fameux communisme mondial qui allait assujettir toute l’humanité a fini comme une union de bandes mafieuses qui se sont détruites les unes les autres.

    Il y a toujours quelque part des hommes de bon sens pour remettre l’humanité sur un chemin meilleur. Et si jamais ces complots allaient trop loin et que l’irréparable finissait par se produire ? C’est la dernière invention de ces théories complotistes qui veulent nous empêcher de vivre heureux et nous livrer à une panique générale. Eh bien, cela voudrait dire que nous serions arrivés à la fin de notre monde terrestre : au lieu de mourir les uns après les autres, on mourrait un jour tous ensemble, est-ce que cela change vraiment notre vie d’aujourd’hui ?

    Qui nous empêche aujourd’hui de semer la paix et l’espoir avec ceux qui y croient encore ? Moi, j’en connais beaucoup et je pense que l’humanité a encore de beaux jours devant elle. La peur empêche seulement d’aimer les autres et de donner sa vie. Quand on se bat pour un grand idéal, on n’a même plus le temps d’avoir peur…


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  • Oui, ces jours-ci, l’Eglise de France et en même temps toute l’Eglise universelle et chacun de nous qui en faisons partie, nous sommes envahis par une immense honte, qui n’est pas vraiment nouvelle mais qui en est arrivée à son comble avec la publication le 5 octobre du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise.

    Mais que se passe-t-il ici ? Est-ce juste d’avoir honte ? La honte n’est-elle pas un sentiment négatif ? Bien sûr que la honte est un sentiment négatif. Mais comme beaucoup de sentiments négatifs, comme la peur ou la colère, elle est parfois nécessaire et même indispensable et salutaire.

    La pire des choses devant le scandale qui s’étale aujourd’hui si clairement aux yeux de tous serait de noyer le poisson, de vouloir nuancer, dire que c’est vrai qu’un mal a été commis, mais que ça ne veut pas dire que toute l’Eglise est mauvaise et commencer à vouloir se défendre, et d’autres pensées de ce genre.

    Je crois que l’attitude du chrétien qui veut suivre Dieu est d’abord de faire comme Dieu : accueillir l’autre tel qu’il se présente à nous, sans « mais » ou « si » ou mots de ce genre, mais accueillir l’autre tout entier et de tout son cœur, car l’autre est déjà en soi un don que Dieu est en train de m’offrir. Et si cet autre souffre, s’il crie sa peine et ses blessures, c’est une raison de plus pour tout quitter, l’écouter et le servir, panser ses plaies et me donner de tout mon cœur jusqu’à ce qu’il soit guéri, comme le bon samaritain…

    Ceci dit, je ne pense pas que la honte doit durer ensuite indéfiniment, car elle finirait par nous paralyser et ce n’est pas le but recherché. La honte est liée en ce moment à une immense purification qui fait du bien à notre Eglise et à chacun d’entre nous. Elle signifie que nous avouons finalement que nous avons commencé à comprendre la portée de ces déviations qui sont de véritables crimes contre l’humanité et qui ne devraient plus se reproduire. Et que chaque chrétien a été jusqu’ici, directement ou indirectement, complice de ces crimes…

    Mais la honte doit ensuite se transformer en d’autres sentiments bien plus positifs, ceux-ci, et qui eux devraient durer pour toujours : l’humilité, le désir de demander pardon de tout son cœur, celui de réparer ce qui peut encore être réparé, et de se mettre concrètement au service de ces frères et sœurs que nous avons laissés abandonnés pendant si longtemps dans un tel état. Et puis bien sûr toute une prise de conscience qui doit se transformer aussi en de nouveaux projets éducatifs.

    Alors, en conclusion, cette honte nous fait un bien immense, mais elle ne doit surtout pas nous pousser maintenant à continuer à nous regarder en pleurant sur nos propres fautes. Nous demandons pardon de tout notre cœur et nous reprenons notre chemin au service des autres et de toute la société avec encore plus d’ardeur et de détermination. Car la vie chrétienne n’est pas de se concentrer sur soi pour chercher je ne sais quelle sainteté ou perfection finalement égoïste, mais de se concentrer sur les appels que Dieu nous envoie chaque jour de nouveau à travers nos frères qui ont besoin de nous.

    Il faut dire encore que cette honte va encore grandir prochainement quand nous nous rendrons compte aussi de la portée terrible de tous ces autres abus de pouvoir, d’autorité et de conscience dans lesquels beaucoup d’hommes et de femmes d’Eglise sont tombés (et pour être honnêtes je crois plus d’hommes que de femmes !) et pour lesquels d’autres rapports sont en train d’être publiés. Mais continuer à avoir honte pour toujours deviendrait alors de la fausse humilité qui ne servirait ni à nous-mêmes ni à toutes ces personnes que Dieu met sur notre chemin et qu’il nous invite à aimer et à servir de tout notre cœur, de tout notre esprit et de toutes nos forces. La honte qui n’en finit pas deviendrait une maladie psychique qui serait un obstacle et non plus la bénédiction qu’elle est pour nous en ce moment précis de notre histoire commune.

     


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  • Il est intéressant de voir combien les plus grands génies de l’humanité, comme Voltaire qui est toujours évoqué comme un des grands phares du siècle des Lumières, ont finalement des vues bien courtes sur un grand nombre de sujets, car l’intelligence ne suffit pas à faire un homme complet.

    Voyez plutôt cette phrase qui circule sur les réseaux sociaux : « Le doute est un état mental désagréable, mais la certitude est ridicule. » Voltaire s’est battu de toutes ses forces contre l’obscurantisme des rois, des riches et des puissants, il a préparé la révolution de la liberté, de l’égalité et de la fraternité qui a apporté un peu plus de justice dans notre monde déséquilibré. Il a bien raison de s’élever contre la certitude égoïste des puissants qui pensent toujours être les plus forts et qui finissent un jour par tomber de haut, car leur certitude était basée sur du sable et non sur du roc.

    Mais de là à dire que toute certitude est ridicule… Il manque à notre ami Voltaire la dimension de l’amour altruiste. Cet amour qui est sûr qu’il y a toujours une porte pour aider les opprimés à sortir de leur tunnel, qui est sûr que l’espoir ne mourra jamais. Car l’espoir de l’amour n’est pas basé sur les vanités de ce monde, mais sur le principe qu’aucune arme ne peut empêcher un homme d’aimer son frère. Ceux qui se basent sur la puissance, l’argent ou les armes ont une certitude ridicule, car un jour ou l’autre, ils peuvent trouver d’autres puissances encore plus fortes que les leurs.

    Mais celui qui donne sa vie pour les autres, comme Gandhi ou Mère Teresa, se bat avec des armes d’une toute autre dimension et son combat continue pour toujours, même après sa mort. Et sa certitude est une lumière pour l’humanité. C’est cela l’intelligence véritable, la seule qui puisse encore nous faire respirer et espérer. Nous sommes à une époque où la plupart des leaders de ce monde semblent avoir perdu la boussole du bon sens et de la conscience éclairée qui ont tout de même aidé l’homme à progresser au cours des siècles. Il est urgent, plus que jamais, de nous aider à découvrir les vraies lumières de notre siècle. Elles sont là, tellement cachées parfois au milieu de la confusion des fausses lumières, que l’humanité s’y perd, mais elles sont bien là. Chacun d’entre nous en connaît. Alors ne perdons pas de temps. Aidons-nous à les découvrir et à les faire découvrir autour de nous : ce ne sera certainement pas une certitude ridicule !


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  • Je ne sais pas si vous êtes en train de suivre ce qui se passe depuis quelques temps entre la France (au moins la France officielle, dans laquelle je me reconnais de moins en moins) et une bonne partie des pays musulmans. J’en suis atterré. Et je me demande vraiment comment tout cela va finir…

    Mais appelons les choses par leur nom. Une grande majorité des Français se croient supérieurs aux musulmans (sans tenir compte qu’il y a des musulmans français) et de l’autre côté probablement beaucoup de musulmans se croient supérieurs aux Français ou à tout ce que représente à leurs yeux le monde occidental. Le premier mal vient de là. Mais qui suis-je pour me croire supérieur à n’importe quel autre homme sur la planète ? Est-ce que je sais ce qu’il pense réellement, est-ce que je sais comment je me serais comporté si j’étais né à sa place ? Et que veut dire se sentir supérieur ? L’autre n’est-il pas fait comme moi ? Et s’il est différent, si peut-être il lui manque quelque chose que je pense avoir, n’est-ce pas pour partager mes talents avec lui en m’apercevant qu’il a lui aussi des talents à me donner ?

    De là naît ensuite la peur, la peur de cet autre différent. La peur liée à l’ignorance, à l’incompréhension de la différence. Et la peur engendre la peur et cela devient parfois la panique. Comme ces déclarations qui disent qu’après la mort du professeur décapité, plus rien ne sera comme avant : qu’est-ce que cela veut dire ? Les Français en ce moment ont peur. Ils ont peur du covid, ils ont peur des immigrés, ils ont peur de l’islam, ils ont finalement peur d’eux-mêmes. On n’a jamais rien construit à partir de la peur, sinon des barrières, alors que notre monde a besoin en ce moment de ponts, pas de barrières.

    Et les musulmans aussi ont peur. Quand le président Macron dit maladroitement que l’islam est en crise, pourquoi cela soulève-t-il problème ? Parce qu’il le dit justement avec un sentiment de supériorité. Il n’y a pas de honte à être en crise. Le christianisme est en crise depuis bien avant l’islam. La crise est parfois un moment important dans la maturation d’un homme et d’une société. Si la crise de l’autre me fait me pencher sur l’autre avec une plus grande bienveillance, alors ce n’est plus un problème, mais si je transforme ces paroles en un argument pour mépriser l’autre, où allons-nous ?

    Et ce sentiment de supériorité et cette peur où nous conduisent-ils ? A la violence et à la haine, qui liées à la panique, provoquent des confusions terribles. Au milieu de cette situation déjà si délicate, proposer au peuple français les caricatures de Mahomet comme un idéal de vie absolu, cela devient l’inconscience d’un aveugle. Depuis quand la liberté d’expression qui fait du mal à l’autre, qui le blesse dans son identité, est-elle devenue un absolu plus grand que la paix ou l’harmonie dans les relations entre les hommes ? On ne sait plus ce qu’on dit et surtout ce qu’on pense. Il y a des voix en France qui commencent à parler d’une possible guerre civile dans le pays : si on continue comme cela on l’aura bien cherchée. Et Mr Macron ne se rend pas compte qu’à agir et parler de la sorte parce qu’un Français a été lâchement assassiné, il risque de provoquer maintenant d’autres assassinats de Français un peu partout dans le monde. Arrêtons ces enfantillages, ces folies destructrices. Regardons partout où se trouvent les hommes de bonne volonté et misons sur eux, n’essayons pas de résoudre les problèmes en partant de la réalité des criminels, mais de la réalité des hommes de paix qui existent encore heureusement partout… mais qui n’oseront bientôt plus parler si ce délire continue à se propager !


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  • Je voudrais aujourd’hui vous ouvrir mon cœur sur une difficulté que je ressens à certains moments et qui me fait très mal. La situation au Liban est vraiment catastrophique et, une fois passé le premier impact de ce choc que personne n’aurait jamais pu prévoir, le moment est venu de panser les plaies physiques ou morales de pratiquement tout le peuple libanais. Dans une période où, en plus, nous ne pouvons pas nous réunir à cause du coronavirus, nous pouvons seulement faire quelques visites rapides et passer le plus clair de notre journée au téléphone, à s’écouter les uns les autres et à essayer de se redonner réciproquement courage, à trouver des solutions concrètes pour une foule de problèmes qui nous submergent tout à coup et qui nous laissent avec un grand sentiment d’impuissance, car il ne s’agit pas seulement de questions d’argent, mais de l’âme et de l’avenir de tout un peuple.

    Au milieu de tout cela, je vous avoue que je suis édifié par le courage de la plupart des amis que j’ai pu entendre. Je suis ému d’écouter leurs histoires et leur immense désir de continuer à vivre malgré tout, de leur esprit concret et héroïque de famille et de solidarité. C’est dans ce contexte que ceux qui, comme moi peut-être, sentent encore la paix ou l’espoir dans leur cœur, ont la mission et le devoir de n’abandonner personne tout seul à son désespoir. Cela provoque des conversations émouvantes, pathétiques au téléphone, où l’on a d’abord les larmes aux yeux et où, peu à peu, on se donne mutuellement courage.

    Mais ce qui m’a choqué dans tout cela, c’est que certaines personnes sont tellement désespérées qu’elles n’acceptent même plus qu’on leur parle d’une lueur à l’horizon, parce qu’elles croient que nous sommes en train de les juger. Elles pensent que nous, qui espérons encore, nous nous sentons meilleurs qu’elles et que nous pensons qu’elles sont des personnes mauvaises ou incapables, parce qu’elles n’arrivent pas à dépasser leur souffrance.

    Mais comment peut-on avoir des pensées pareilles ? Comment moi, qui suis arrivé au Liban il y a presque 50 ans, qui ai vécu déjà la guerre de 16 ans qui a commencé à détruire le pays de fond en comble, qui ai partagé pendant si longtemps les souffrances et les joies de mes amis, de mes frères et sœurs libanais, je pourrais me permettre un instant de penser que telle personne ne vaut rien parce qu’elle n’arrive pas à se relever de sa souffrance ? Ce serait mieux que je retourne dans mon pays et que je me résigne pour toujours à ne plus m’occuper de l’humanité.

    Mais non, vous voulez que je vous dise quelle est peut-être la cause principale de ces réactions douloureuses ? Vous allez vous scandaliser, mais je ne peux pas me taire. C’est la faute d’une grande partie de nos responsables d’Eglise qui ont déformé depuis des siècles le message de l’Evangile, qui ont transformé les paroles de Jésus en une morale pour juger les gens. Une morale où chacun essayait tout seul de parvenir à je ne sais quelle sainteté personnelle, du haut de laquelle on se permettait de juger et de mépriser « ces pauvres gens » qui n’avaient rien compris au christianisme, comme les pharisiens de l’époque de Jésus.

    Mais Jésus n’est pas venu pour juger, il est venu pour sauver, l’Evangile est tellement clair là-dessus. Alors, si je vois un frère ou une sœur qui souffre tellement qu’il a perdu l’espoir, qui suis-je pour lui mettre une étiquette dessus en pensant par exemple que c’est un mauvais chrétien parce qu’il a des idées noires au lieu de croire à la résurrection ? Non, la seule chose que j’ai à faire dans des cas pareils, c’est de donner ma vie, par tous les moyens, de donner mon temps pour commencer, mes forces, mon esprit et mon cœur pour toutes ces personnes angoissées, afin qu’elles aient la force d’avancer de nouveau vers la lumière qui se trouve au bout du tunnel.

    Finissons-en avec ces jugements les uns contre les autres. Surtout que personne ne sera jamais meilleur que les autres tout seul, ce serait un piège maléfique. Nous serons « meilleurs » seulement tous ensemble. Le peuple libanais retrouvera le sourire le jour où au moins une grande partie d’entre nous aura eu le courage de vivre cet amour réciproque qui est la seule solution à tous les problèmes, et non pas les fausses promesses des puissants de ce monde qui ne savent plus ce qu’ils disent et ce qu’ils font.


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