• Au cœur du verbe

    Que ferions-nous sans le verbe qui est le moteur de la phrase, celui qui donne vie à nos dialogues et à nos relations? Cela vaut la peine de s'arrêter parfois quelques instants pour se pencher sur un verbe, l'écouter et contempler son trésor.

  • C’est apparemment un des verbes les plus beaux et les plus positifs, et pourtant c’est un des verbes les plus dangereux. Et pourquoi cela ? Nous allons essayer de le comprendre, en sachant évidemment qu’un article de blog ne pourra donner ici que quelques indications bien rapides. Mais pourquoi trouvons-nous ce désir poignant en chacun de nous de réussir tout au long de notre vie tout ce que nous entreprenons, et finalement de réussir notre vie tout court ? Voilà déjà une des bonnes raisons de nous sentir si mal et de tomber en dépression chaque fois que l’échec semble au rendez-vous à la place de la réussite : c’est comme si tout s’écroulait en nous et autour de nous.

    Bien sûr, il est normal de se préparer à un examen pour réussir, de se lancer dans un projet professionnel ou familial pour réussir. Chacun voudrait tellement réussir sa vie, avoir de la réussite dans sa carrière ou dans ses relations. Mais le premier piège est qu’en général le désir de réussir est centré malheureusement avant tout sur nous-mêmes, nos intérêts et notre propre bonheur et le moindre échec est alors comme la chute d’un château de cartes qui n’apporte que d’immenses déceptions.

    Mais pourquoi et pour quoi vivons-nous ? C’est là que se trouve la clé de la compréhension du problème. Il faudrait aussi revenir à la distinction entre l’être et l’avoir comme but de notre propre vie. La vérité c’est que le plus grand bonheur nous vient quand nous réussissons à donner le bonheur aux autres, mais on ne pense pas alors à dire : j’ai réussi ! Car ce n’est pas pour moi que j’ai donné de la joie à l’autre, mais pour lui, parce que je l’aime sincèrement et que je voudrais partager avec lui tout ce qui me rend heureux.

    Et l’on ne pense pas non plus à dire : j’ai réussi mon amitié, comme si l’ami était une possession que j’aurais gagné par une sorte de stratégie dans les relations qui me permettrait finalement de le dominer… et ce serait une bien pauvre amitié qui s’écroulerait au premier malentendu. Quand une amitié me surprend justement par la réciprocité que l’autre me manifeste tout à coup, j’ai seulement envie de dire merci de tout mon cœur et pas du tout : j’ai réussi. C’est que la réussite a quelque chose de prévu à l’avance qui enferme l’autre dans mes projets passés, alors que la relation avec l’autre est belle lorsqu’elle s’invente chaque jour de nouveau.

    Pire encore, comme on le voit dans l’aspect négatif de la politique mal comprise, on finit par dire qu’on a réussi quand on a écrasé son adversaire aux élections. On ne devrait jamais réussir « contre » quelqu’un, comme si gagner une guerre était une réussite. Et si l’on peut comprendre un étudiant qui est content d’avoir réussi à son examen, parce que cela lui a fait du bien et n’a fait de mal à personne, on devrait surtout être contents d’avoir réussi à porter de l’avant des projets communs pour le bien de tous, pas pour satisfaire des exigences égoïstes ou de groupes refermés sur eux-mêmes. Alors ce sera beau de dire un jour : nous avons enfin réussi à commencer à résoudre le problème de la faim ou de pauvreté dans le monde. Ou bien nous avons réussi à prendre au sérieux la catastrophe écologique qui menace l’humanité. Tout est au fond une question de perspective : savoir si le centre ou le but de ma vie, c’est d’abord l’autre ou nous ou bien moi-même.

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  • C’est un verbe qui fait rêver. Il donne une idée de passage des ténèbres à la lumière, de sortie d’un tunnel, de retour à la vie. Et puis c’est un verbe qu’on peut utiliser à la fois pour soi-même et pour les autres et qui est donc un synonyme de partage et de collaboration.

    On guérit en effet d’une maladie, d’une manie, d’une mauvaise habitude. Mais on peut aussi guérir les autres de leur propre maladie. Guérir, c’est l’espoir que le mal pourra enfin être vaincu. Guérir, c’est l’expérience de retrouver la santé ou l’harmonie là où elles semblaient perdues, et c’est en même temps une nouvelle prise de conscience heureuse de la chance que nous avons d’être toujours en vie.

    Guérir, c’est expérimenter que la maladie n’est jamais définitive, et qu’elle est en fait une sorte d’épreuve qui augmente ensuite notre énergie, notre courage et en même temps notre amour les uns pour les autres.

    Et puis si guérir est une victoire sur la maladie, c’est aussi commencer à penser que même la mort ne sera au fond qu’un passage, comme nous l’avons vécu déjà si souvent avec certains de nos proches.

    Mais, en attendant, guérir est l’occasion de nous serrer les coudes entre nous. Quand nous souffrons pour un être cher qui se sent très mal, quand nous faisons tout pour l’aider à trouver le remède ou le médecin qui pourra le sauver, quand nous passons des heures à l’assister à l’hôpital et à l’accompagner jusqu’à la guérison complète, ces moments restent inoubliables. Le mal et la souffrance sont passés, et on se souvient seulement que nous sommes entrés pour toujours dans le cœur l’un de l’autre et que l’humanité est une belle famille…


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  • Avez-vous remarqué que nos relations avec les autres sont presque toujours à l’image de la réciprocité ? Mais cela change évidemment tout si nous nous connaissons d’une connaissance réciproque, ou bien si nous nous jugeons les uns les autres ou, pire encore, si nous nous haïssons les uns les autres.

    Se connaître réciproquement dans une relation d’amitié ou d’amour, ou au moins d’estime et de bienveillance, c’est la base de l’harmonie sociale, la joie d’entrer dans l’esprit ou le cœur de l’autre sans peur et avec la plus grande transparence possible. Car la simplicité d’une telle relation crée peu à peu une si grande confiance réciproque que l’autre devient à la fois le but de ma vie, le centre de mon intérêt, le critère de mes décisions, l’ouverture toujours plus grande de ma personnalité aux dimensions de toute l’humanité.

    Tandis que si je suis moi-même le centre de tout, la base de mes critères et de mes décisions, car j’ai peur d’entrer dans la vie de l’autre et de le laisser à son tour pénétrer en moi, alors je ne pourrai plus voir l’autre que du dehors et je ne le connaîtrai jamais vraiment. Je me mettrai à l’analyser, à le juger, à essayer vainement de le comprendre sans y parvenir. Et l’autre me le rendra bien, car il se méfiera de moi, il se mettra lui aussi à me coller des étiquettes de l’extérieur. Nous passerons notre vie comme des spectateurs devant la scène d’une pièce de théâtre, mais nous ne saurons jamais ce qu’est la confiance réciproque avec quelqu’un. Et le pire sera bien sûr quand, pour nous défendre encore plus des attaques des jugements de l’autre, nous nous mettrons à nous haïr, toujours réciproquement. Notre vie sera une guerre, avec beaucoup de conflits et de blessures, dans laquelle nous croirons parfois gagner sur l’autre, mais où nous nous perdrons nous-mêmes.

    On pourrait penser que nos relations sont faites en réalité de ces trois niveaux : les amis qui entrent dans notre vie, les personnes indifférentes que nous côtoyons chaque jour, et les ennemis que nous fuyons ou que nous affrontons selon les moments. C’est une vision apparemment réaliste des choses mais qui est en fait bien triste, car elle dépend pratiquement du hasard des rencontres et des circonstances.

    Tandis que si nous décidons un jour de faire de l’autre le centre et le but de notre vie, nous rencontrerons toujours des gens qui répondront à notre ouverture de cœur, et cette relation de compréhension et d’amour réciproque de l’intérieur finira par faire tache d’huile. Le cercle de nos amis grandira à l’infini, personne ne nous deviendra plus indifférent et les conflits avec certaines personnes apparemment difficiles trouveront pour la plupart des solutions, impensables au premier abord et qui nous feront respirer. A nous de choisir dans quelle direction nous jeter et n’allons jamais nous plaindre de nos relations car il y a toujours en chacun une clé pour sortir de n’importe quel tunnel et pour retrouver la lumière…


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  • Une nouvelle citation vue ces jours-ci sur les réseaux sociaux (tirée du site « LesBeauxProverbes.com ») et qui m’a beaucoup dérangé : « Une relation, c’est la réciprocité entre deux personnes. L’une ne doit pas tout donner et l’autre tout prendre. »

    C’est terrible, cette fausse sagesse tellement terre à terre et superficielle qui semble illuminer la vie et qui l’empêche en fait de décoller. C’est bien évident qu’une vraie relation, c’est la réciprocité entre deux personnes, ou plus. C’est ce que nous ne cessons de dire dans ce blog sur tous les tons…

    Mais pour créer cette réciprocité on devrait s’arrêter de tout donner ? Entendons-nous : il ne s’agit pas ici de donner des choses matérielles comme de l’argent. Il est bien certain que la générosité doit toujours rester équilibrée. Mais il s’agit de se donner soi-même, de donner sa vie, son cœur, son esprit, ses forces, son temps. Pourquoi y mettre des limites ? Si j’aime quelqu’un, pourquoi devrais-je mesurer mon amour ?

    Bien sûr que cet amour sera différent s’il s’agit d’un mari avec sa femme, d’une mère avec ses enfants ou de collègues de travail. Mais cela n’empêchera pas de se donner tout entier dans la transmission de ce qu’il y a de plus profond en nous. Un sourire donné à moitié, c’est comme montrer à l’autre qu’au fond il ne nous intéresse pas beaucoup…

    Mais ce qui me scandalise dans cette phrase, ce sont surtout les derniers mots : l’autre ne doit pas « tout prendre ». Mais qui a dit que quand je donne à l’autre de moi-même, en amour ou en amitié, l’autre va me prendre quelque chose ? Ce n’est plus une relation gratuite et désintéressée, c’est devenu du commerce. Cela veut dire que l’on ne comprend rien au don lui-même. Car, dans les relations humaines de réciprocité, le complément de « donner » n’est pas « prendre », mais « accueillir ». Quand l’autre se donne à moi, d’une manière ou d’une autre, je ne vais pas m’amuser à le prendre pour le posséder, je vais simplement accueillir son don de tout mon cœur.

    Quand je me donne à l’autre et que l’autre m’accueille, je ne perds rien, mais au contraire je reçois l’amitié, la confiance, la compréhension, l’émerveillement de l’autre et tout cela enrichit mon don et me donne le courage de continuer à me donner encore plus à l’avenir. Le fruit du don est donc et sera toujours l’accueil et le fruit de l’accueil est et sera toujours le don. C’est cela qui fait la beauté de la réciprocité dans nos relations humaines. Sortir de cette logique naturelle pour tomber dans la mentalité de la société de consommation ou le don de l’amitié devient un produit de supermarché que je peux prendre ou laisser selon mon humeur du moment, serait la fin de l’humanité…


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  • Respirer… oui : respirer ! c’est le verbe que j’ai choisi ce matin pour méditer un moment avec vous. C’est un petit verbe tout simple, tellement discret et silencieux… On oublie parfois que toute notre vie est une longue respiration qui se répète à l’infini, comme les vagues qui se jettent sans fin sur le rivage…

    Quand j’étais gosse, avec mes camarades de classe, nous nous amusions parfois à fermer notre bouche et à nous boucher le nez pour voir combien de temps nous étions capables de nous arrêter de respirer : en général nous tenions un peu plus d’une minute et puis c’était comme une explosion, car tout notre corps se révoltait contre cette action bizarre et violente. Je sais bien qu’il y a des plongeurs professionnels capables de rester sous l’eau quelques minutes sans oxygène, mais même pour eux cela ne peut pas durer trop longtemps non plus : certains ont risqué leur vie à ce petit jeu et quelques-uns en sont même morts. La vie n’existera jamais sans respiration.

    On parlera donc souvent de cette exigence humaine de pouvoir toujours respirer, au propre comme au figuré. Car si respirer avec ses pleins poumons est indispensable pour vivre, on parlera aussi de la possibilité de « respirer » au niveau psychologique ou spirituel. Respirer c’est s’ouvrir corps et âme à cet air pur qui nous pénètre et nous transforme en nous purifiant et en nous faisant renaître à chaque instant.

    Nous prenons de plus en plus conscience, dans le monde d’aujourd’hui, du danger mortel de cette pollution qui envahit notre atmosphère et qui nous empêche de respirer l’air pur, justement, entraînant des allergies et des maladies de toutes sortes qui nous gâchent la vie.

    Mais la société est pleine de ces contraintes dans les relations humaines qui nous rendent esclaves les uns des autres et nous empêchent d’être nous-mêmes et de respirer avec toute notre liberté et notre personnalité. Ces dictatures politiques ou médiatiques qui font que nous devenons peu à peu comme des machines ou des robots qui ne savent même plus « respirer » l’air de la confiance ou de la découverte. Combien de gens fuient leur pays ravagé par la guerre ou des injustices de toutes sortes… pour essayer d’aller « respirer » ailleurs.

    La liste serait trop longue dans une page de notre blog pour citer tous les obstacles que l’homme lui-même s’est inventés par désir de dominer ou de posséder et qui empêchent des peuples entiers de « respirer ». Alors je pense qu’un des plus beaux idéaux que nous pouvons choisir dès maintenant et jusqu’à la fin de nos jours, c’est de nous battre pour que tout le monde autour de nous puisse vraiment respirer. Si un directeur d’entreprise allait chaque matin au travail avec comme premier but de faire « respirer » ses employés, ou un professeur de faire « respirer » ses élèves, combien de choses changeraient dans nos relations sociales ! Cela vaut la peine d’essayer… et nous-mêmes apprendrons à mieux respirer, en même temps que nous aiderons l’humanité autour de nous à retrouver la joie de vivre sans ces contraintes absurdes qui ne servent qu’à attrister notre vie pour toujours.


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