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Avant d'arriver
Un beau soir de janvier 1971 notre avion est finalement arrivé à Beyrouth. Notre avion ? Non, je n’étais pas seul, car depuis une semaine Alain veillait sur moi, il m’avait aidé à Paris à faire toutes les formalités nécessaires, il m’y avait fait connaître un couple d'amis libanais dont le mari préparait à Paris son doctorat en journalisme. Et puis nous nous étions embarqués et, au bout de quatre heures de vol, ce fut l’arrivée sur la piste au bord de la mer, juste après avoir survolé la ville de Beyrouth, ses immeubles entassés les uns presque sur les autres, ses embouteillages, ses lumières, un monde grouillant de vie qui venait m’accueillir et me souhaiter une chaleureuse bienvenue, comme on sait le faire au Moyen Orient. Et déjà à l’aéroport lui-même, avec mes nouveaux compagnons de Focolare il y avait aussi deux jeunes amis du MJO (Mouvement de la Jeunesse Orthodoxe) qui allaient devenir bien vite pour moi, comme beaucoup d’autres, plus que des frères.
Mais comment en étais-je arrivé là, moi qui, deux ans plus tôt, ne savais même pas exactement si le Liban était au bord de la mer, ou plus loin encore comme l’Irak, à l’intérieur des terres (je n’étais pas très fort en géographie) ? Je raconterai peut-être une autre fois mon enfance et ma jeunesse dans une famille pleine de problèmes mais qui m’avait donné tout de même de belles valeurs, et puis le coup de foudre, la rencontre avec le Mouvement des Focolari, fondé en Italie pendant la dernière guerre mondiale, avec cet idéal de l’unité comme remède pour un monde qui risquait le chaos. Deux ans de formation et d’expérience en Italie, près de Florence, avec des jeunes du monde entier, avides eux aussi de donner leur vie pour ce grand idéal au service de l’humanité. Enfin l’envoi en mission, et pourquoi au Liban ? Simplement parce qu’était arrivé pour moi le moment de faire le service militaire ou le service de coopération civile dans un pays qui ait des relations culturelles avec la France. Avec nos responsables nous avions pensé alors que ce serait bien de trouver un travail d’enseignant au Liban, où venait de s’ouvrir un nouveau centre des Focolari, à la demande expresse des Libanais eux-mêmes : il y avait encore besoin de renforts et mon arrivée serait tombée juste à point. Le poste d’enseignant a vite été trouvé et l’aventure pouvait commencer.
J’aimerais, dans les pages qui viennent, raconter combien ce Liban, ce Moyen Orient, ont changé ma vie. Ce sera comme un témoignage, un devoir de reconnaissance où je citerai des noms, beaucoup de noms, avec toujours la crainte d’en oublier d’autres ou simplement de ne pas avoir le temps ni la place de tout dire. Au delà de ces noms, de ces histoires, de ces expériences que je relaterai, j’aimerais que n’importe quel lecteur puisse tomber amoureux lui aussi, peut-être pas forcément du Liban, comme moi, ou d’un autre pays de la région, mais de la capacité mise au cœur de l’homme de se découvrir lui-même en entrant dans le cœur de l’autre : surprise étonnante, car je croyais venir donner ce que j’avais appris et voici que je découvrais en moi peu à peu des horizons insoupçonnés que seuls ces nouveaux amis, si différents, étaient à même de m’aider à comprendre, comme moi aussi je pouvais les aider à devenir eux-mêmes, dans un mouvement réciproque d’accueil et de service, d’écoute et de partage, début d’un cheminement qui a commencé maintenant il y a 44 ans, et qui ne s’arrêtera plus jamais.
Tags : Liban, Libanais, Moyen Orient, unité, vie, accueil, accueillir, réciproque, écoute, partage, horizon, cœur, l'autre, homme, humanité, ami, service
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Commentaires
"surprise étonnante, car je croyais venir donner ce que j’avais appris et voici que je découvrais en moi peu à peu des horizons insoupçonnés que seuls ces nouveaux amis, si différents, étaient à même de m’aider à comprendre, comme moi aussi je pouvais les aider à devenir eux-mêmes"