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Lettre à mon président (avant sa visite au Liban)
Voyez-vous, Mr le Président, je n’ai rien contre vous a priori. J’ai même voté pour vous aux dernières élections présidentielles et je le ferai certainement aux prochaines, même si vous m’avez beaucoup déçu. Je me permets de vous écrire aujourd’hui parce que je suis arrivé autrefois au Liban en 1971 comme jeune coopérant et je m’y retrouve encore 44 ans plus tard, comme ma seconde patrie.
Je ne voudrais pas que vous déceviez aussi mes amis libanais comme vous m’avez déçu. Si vous êtes vraiment sincère en venant ici, vous ne pouvez pas jouer avec la sensibilité de ces amis qui ont encore une certaine estime pour la France, malgré tout.
Vous ne pouvez pas venir ici seulement pour nous inonder de belles paroles qui n’ont ensuite pas d’impact sur la suite des évènements. Vous ne pouvez pas venir ici si vous n’avez pas un message clair et des promesses réelles de résolution de la situation dramatique qui frappe maintenant tout le Moyen Orient et qui commence à faire trembler l’Europe.
Vous ne pouvez pas venir ici comme un médecin qui soignerait un cancer avec un peu d’aspirine et quelques vitamines. Voyez-vous, les Libanais sont intelligents et en même temps très dignes. Ils savent bien que tout le Moyen Orient est affecté d’un cancer généralisé, ils en savent même les causes et les remèdes possibles. J’ai rarement vu un peuple aussi éveillé, aussi conscient de la réalité qui le frappe. Mais que peut faire ce petit peuple tout seul, si le monde entier joue avec lui comme on déplace un pion sur un échiquier ?
Vous savez très bien que le Liban va vous accueillir avec tous les honneurs. Si vous ne répondez pas à ses attentes, il ne vous dira rien, il gardera sa déception pour lui, mais il sera encore plus persuadé qu’il n’y aura bientôt plus d’avenir ici, même pour les Libanais.
Vous savez très bien qu’ici, comme en Europe et, désormais comme dans le monde entier, nous sommes devenus tous interdépendants. Vous ne pouvez pas résoudre tout seul le problème de la Syrie, ni celui de l’Irak, ni celui de n’importe quel pays de la région. Le Liban est entouré de pays en conflit dont il continue à accueillir de gré ou de force les réfugiés. Qui va résoudre vraiment ces conflits à la racine ?
Vous savez bien, Mr le Président, que la France elle-même ne peut rien faire toute seule. Pourquoi ne venez-vous pas ici au nom des Nations Unies et non pas au nom seulement de la France ? La France sera-t-elle moins grande le jour où elle contribuera vraiment à ce que les Nations Unies prennent leur responsabilité sur le plan international, au lieu de gesticuler toute seule sans résultat ? Ou bien la France essaye-t-elle d’imiter les Etats Unis qui, non seulement n’aident pas les Nations Unies à agir, mais prennent carrément leur place, comme s’ils étaient le centre du monde ? Tout cela pour la plus grande joie de Mr Poutine qui a beau jeu de tourner en ridicule les contradictions des occidentaux et d’en profiter pour avancer lui aussi ses pions sur l’échiquier mortel de tous les conflits ?
Et puisqu’on parle de mort, pourquoi la France continue-t-elle à vendre des armes à un certain nombre de pays de la région ? Pour résoudre les problèmes de chômage en France ? Mais ne savez-vous pas que plus il y a d’armes sur le terrain, plus les gens s’en servent, plus il y a de conflits, de nouvelles victimes et de nouveaux réfugiés désespérés qui se déversent vers nos frontières ?
Vous savez très bien que le point de départ de ce cancer généralisé qui a gagné désormais presque tout le Moyen Orient, c’est le conflit israélo-palestinien qui ne finira jamais si la communauté internationale ne prend pas ses responsabilités. Nos amis israéliens et palestiniens, qui sont tous des victimes de ce conflit, quelles que soient leur part de responsabilité dans ce drame, sont désormais incapables de s’en sortir tout seuls. La dernière chance était à l’époque de Rabin et Arafat, mais le monde ne les a pas aidés à tourner la page. Le monde récolte ce qu’il a semé. Et qui va maintenant résoudre tous ces conflits qui sont comme un sac de nœuds où on ne distingue pratiquement plus par où il faut commencer pour dénouer ces nœuds l’un après l’autre ?
Vous savez très bien que l’humanité est faite de telle sorte que nous sommes tous solidaires. Belle considération si on en tire les conséquences, mais triste considération si nous nous entrainons tous, en cordée, dans l’abîme.
Voyez-vous, Mr le Président, les Libanais ont compris cela depuis longtemps. Ils imaginent que, si vous êtes président, vous devez bien savoir vous aussi la vérité. Alors ils se demandent pourquoi vous n’intervenez pas : pour ne pas perdre encore des voix aux prochaines élections ? Et si l’humanité se souvenait un jour de vous comme d’une de ces personnes courageuses qui ont construit l’histoire, comme vos prédécesseurs qui ont eu le génie de construire l’Europe sur les ruines de la deuxième guerre mondiale ? Ils auraient finalement fait tout cela pour rien ?
Tags : Liban, Moyen Orient, amis, accueillir, interdépendants, humanité, solidaires, vérité, construire
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Commentaires
1HayatMercredi 16 Septembre 2015 à 19:32Rien à dire !!! Très bien dit !Répondre2Jean FallahMercredi 16 Septembre 2015 à 22:15Enlever : """mais il sera plus persuadé ........."" jusqu'à la fin de la phrase....
Et dire par exemple : encouragez les Libanais à envisager avec optimisme leur avenir au Liban....3Jean FallahMercredi 16 Septembre 2015 à 22:242ème remarque : enlever : """pour ne pas perdre des voix aux prochaines élections ? """
(Laissez le Président réfléchir et répondre lui-même aux pourquoi...4Jean FallahMercredi 16 Septembre 2015 à 22:44Encore un point :
Je pense qu'il ne faut pas attaquer ni la France, ni les Nations Unies, ni les États-Unis, car je suppose que chaque pays est supposé faire de son mieux....
Donc je propose d'enlever la phrase qui commence par : """""au lieu de gesticuler sans résultat........ jusqu'à """" au centre du monde """""
C'est mon humble point de vue.
Avec toute mon amitié
J.F.5Jean FallahMercredi 16 Septembre 2015 à 22:52Encore un point :
Je pense qu'il ne faut pas attaquer ni la France, ni les Nations Unies, ni les États-Unis, car je suppose que chaque pays est supposé faire de son mieux....
Donc je propose d'enlever la phrase qui commence par : """""au lieu de gesticuler sans résultat........ jusqu'à """" au centre du monde """""
C'est mon humble point de vue, en gardant la modération autant que possible
Avec toute mon amitié
J.F.Je peux anticiper la reponse du president.
" Je suis le president de la France et je sais tres bien quels et où sont ses intérêts et ceux-ci passent avant toute autre considération"
Malheureusement ces dirigeants de ces grands pays voudraient la survie du Liban mais.........à leur façon, pas comme le souhaiteraient les Libanais
Comment se fier à un président qui voit dans DAECH le danger imminent et AL NOSRA des combattants de la liberté contre un régime de dictature ?
Le Liban serait-il exception pour lui ? ou bien finalement comme le 1er ministre anglais plaidera-t-il la cause des réfugiés syriens du Liban pour bien les caser et eviter de les avoir sur les bras en Europe ?
Merci pour ces premiers commentaires. Excuse-moi, Jean, mais en tant que citoyen français, j'ai le devoir de dire à mon président qu'il se trompe. D'accord avec klawss (j'aimerais savoir qui est klawss pour continuer à dialoguer), sauf que pour moi tous les peuples sont mes amis!
10RobertJeudi 17 Septembre 2015 à 15:08
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