• Avoir

     

    Je crois que c’est de la folie de se lancer dans un article d’une page ou deux sur le verbe « avoir ». Il faudrait lui consacrer au moins un livre entier, tellement il est riche et indispensable à notre langue. Nous apprenons très tôt à l’école qu’être et avoir sont les deux verbes auxiliaires qui accompagnent tous les autres, en particulier quand on veut exprimer le passé, mais ils ont beaucoup d’autres fonctions encore. Nous n’en donnerons ici qu’un rapide aperçu, à compléter sans doute plus tard.

    On utilise le verbe avoir véritablement à toutes les sauces. On peut « avoir » presque tout ce qui existe dans notre vie, de réalités concrètes ou abstraites. J’ai évidemment une tête, des mains et des pieds et tout le reste de mon corps. J’ai des habits, une maison, un bureau et un pays. Mais j’ai aussi des amis, une belle famille et des collègues. J’ai 20 ans ou 50 ans. J’ai des qualités et des défauts, des désirs et des ambitions. J’ai une foule de sentiments, comme la peur, de l’amour ou de la haine, de l’attirance ou de la répulsion. J’ai aussi froid ou chaud, faim et soif, envie ou besoin. J’ai du temps. J’ai l’esprit ouvert ou fermé, un bon cœur, ou un mauvais caractère. J’ai raison ou j’ai tort. J’ai l’air intelligent ou stupide. Notre liste ne finira jamais.

    Mais que veut dire tout cela ? Simplement que notre verbe avoir est nécessaire pour indiquer une relation privilégiée entre les êtres, les autres êtres et les choses, et toutes les réalités de quelque nature qu’elles soient.

    Remercions donc notre verbe avoir d’exister et remercions surtout ceux qui l’ont inventé. Et je voudrais ici réparer une injustice. On a trop souvent dit beaucoup de mal du verbe avoir. On l’a opposé à l’être qui serait la véritable base de notre personnalité, qui nous ferait vivre, alors que l’avoir nous renfermerait sur les choses, le plus souvent matérielles et nous couperait des réalités importantes. En fait ce n’est pas vrai. Bien sûr qu’on ne peut pas vivre sans être, mais pourquoi ne pas dire aussi que nous « avons » cet « être » en nous, que nous avons de l’ « être ». En quoi cela serait-il contradictoire? « Avoir » de l’ « être » veut dire que cet être est bien à nous et qu’il nous fait vivre. Y aurait-il un problème à cela ?

    Je sais où est le problème. C’est notre « vision des quatre verbes » qui va nous aider à le résoudre. Pour « être » concrètement et vitalement sur cette terre, nous avons compris qu’il nous faut d’abord recevoir cet être avec la vie qui l’accompagne, accueillir cette vie pour la donner à notre tour à ceux qui pourront la recevoir et l’accueillir. Le problème, c’est lorsque nous nous refermons sur nous-mêmes et que nous arrêtons ce mouvement de don et d’accueil dans la réciprocité. Mais alors ce n’est pas d’avoir qui est dangereux, mais c’est de transformer cet avoir en possession. J’ai une belle famille, une femme, un mari et des enfants : c’est formidable, je peux ainsi me réaliser, en les aimant et en les aidant eux aussi à se réaliser.  Le drame c’est lorsque mon amour devient possessif : non seulement je suis content d’avoir une famille, des enfants ou des amis, mais je les possède. Je crois que Dieu lui-même ne nous possède pas, il se donne à nous tout simplement. On dit bien d’ailleurs que c’est le diable qui possède. Alors là est le point délicat, lorsqu’on glisse sans se rendre compte de l’avoir au posséder. Lorsqu’on oublie qu’on a, qu’on a reçu, pour partager ce qu’on a et ainsi le faire fructifier : alors la vie continue à couler en harmonie. C’est beau d’avoir et c’est en même temps une énorme responsabilité !

    Et je vais finir par une considération étonnante : une découverte véritablement curieuse que l’on fait quand on arrive comme moi dans un de ces pays du Moyen Orient qui m’ont accueilli depuis tant d’années : dans la langue arabe, le verbe avoir n’existe pas. Ce n’est pas possible, comment font-ils ? Eh bien, non, vous ne trouverez pas de traduction au verbe avoir en arabe dans un dictionnaire. Si je veux demander à quelqu’un : « Vous avez du pain ? » Je lui dirai simplement une phrase du genre : « Du pain chez vous ? Du pain avec vous ? Du pain auprès de vous ? » Pas plus compliqué que cela. Par contre le verbe posséder existe bien. Cela amènerait sans doute à bien des réflexions que nous reprendrons un jour ou l’autre, mais c’est intéressant de voir combien les mots peuvent changer d’une langue à l’autre : encore une autre forme de richesse du langage et de l’homme lui-même avec toute sa culture.

     

     

    Citations

     

    “Vous pouvez avoir la paix. Ou vous pouvez avoir la liberté. N’espérez jamais avoir les deux en même temps.” (Robert Heinlein

     

    “Avoir beaucoup vu et ne rien avoir, c’est avoir les yeux riches et les mains pauvres.” (William Shakespeare)

     

    “Le menteur doit avoir bonne mémoire. ” (Quintilien)

     

    “Pourquoi avoir peur du bonheur ?” (Virginie Despentes

     

    “La conscience ne peut avoir tort.” (Alfred de Vigny)

     

    “Le meilleur moyen d’avoir une bonne idée est d’en avoir beaucoup.” (Linus Pauling)

     

    “Mieux vaut ne pas avoir d’argent que de ne pas avoir d’âme.” (Proverbe arménien)

     

    “Avoir l’esprit ouvert n’est pas l’avoir béant à toutes les sottises.” (Jean Rostand)

     

    “Pour avoir le temps d'écrire il faut avoir celui de rêver.” (Claude Carrier)

     

    “On gagne plus à avoir aimé qu'à avoir compris.” (Jean Rostand)

     

     “Pour avoir droit à une étincelle d’éternité, il faut avoir aimé.” (Jacques Attali)

     

    “C'est avoir Dieu que de l'attendre.” (Fénelon)

     

     “A vouloir trop avoir, l’on perd tout.” (Proverbe français)

     

     “Creusez un puits avant d'avoir soif.” (Proverbe chinois)

     

     “Avoir la foi, c'est faire crédit à Dieu.” (Gustave Thibon)

     

    “Mieux vaut avoir des souvenirs que des regrets, donc voyagez !” (Anonyme)

     

     

    Dans l’Evangile

    Et voici qu'une voix venue des cieux disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur. » Mt 3,17

     

    Car il les enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme leurs scribes. (MT 7,29)

    Jésus lui dit : « Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids ; le Fils de l'homme, lui, n'a pas où reposer la tête. » (Mt 8,20)

    Eh bien ! Pour que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir sur la terre de remettre les péchés, lève-toi, dit-il alors au paralytique, prends ton lit et va-t-en chez toi. » (Mt 9,6)

    Jésus se retournant la vit et lui dit : « Aie confiance, ma fille, ta foi t'a sauvée. » Et de ce moment la femme fut sauvée. (Mt 9,22)

    A la vue des foules il en eut pitié, car ces gens étaient las et prostrés comme des brebis qui n'ont pas de berger. (Mt 9,36)

    Que celui qui a des oreilles entende ! (Mt 11,15) 

    Car celui qui a, on lui donnera et il aura du surplus, mais celui qui n'a pas, même ce qu'il a lui sera enlevé. (Mt 13,12) 


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