• La vérité?

    Je remercie beaucoup May d’avoir réagi par un beau commentaire à une phrase de Jiddu Krishnamurti que je venais à peine de publier : c’est comme cela que s’enrichit notre blog !

    Krishnamurti disait : « C’est la vérité qui libère, et non les efforts qu’on fait pour être libre. » A quoi May répond, justement : « Mais parfois la vérité nous mène droit en prison et adieu la liberté. Toute vérité n’est pas bonne à dire, toujours et partout. » Et notre lectrice a bien raison.

    Encore une fois, toute phrase ou tout article d’un blog ne pourra évidemment être complet, ce sera toujours une sorte de caricature de la réalité qui, elle, est tellement plus complexe. Mais revenons tout de même sur la phrase de notre sage indien, pour essayer de la comprendre plus en profondeur.

    Il faudrait d’abord commencer par distinguer la vérité et les vérités. Il est des vérités pratiques, concrètes, palpables et vérifiables sur lesquelles il est facile de s’entendre. Si ma chemise est rouge, il est vrai qu’elle n’est pas bleue. Si aujourd’hui il pleut, je ne peux pas dire qu’il fait beau temps. Si ce livre a coûté trois euros à mon libraire, il ne peut pas me le vendre à vingt euros en prétendant qu’il lui en a coûté quinze, à moins qu’il ne soit malhonnête. Mais ce n’est évidemment pas de ces vérités terre à terre qu’il s’agit ici.

    La vérité dont parle notre philosophe, c’est le « mystère » de la vérité que personne ne possède, et qui fait à la fois la beauté et le drame de notre vie sur terre. Car chacun est conscient que « la vérité » existe, au niveau de l’esprit, de la pensée, du cœur, de la foi… Mais cette vérité, que l’on sent tellement importante pour donner un sens à notre vie, n’est souvent pas claire du tout. C’est pour cela qu’on se bat pour la vérité, on se dispute, on finit même par faire stupidement des guerres au nom de je ne sais quelle vérité, alors que la vérité au cœur de l’homme devrait normalement l’aider à construire la paix.

    Alors comment faire lorsqu’on n’est pas d’accord sur la vérité ? Apprendre d’abord à avoir avec elle une relation bien humble, car jamais je n’arriverai à enfermer la vérité dans mon pauvre esprit toujours limité, même si je suis un génie. Apprendre aussi que c’est tous ensemble que nous pouvons parvenir à la vérité, car seule l’humanité dans son harmonie peut être le reflet de la vérité.

    Plutôt que de vouloir comprendre ou posséder la vérité, je découvre peu à peu que ce serait mieux de laisser cette vérité vivre en moi, bien au-delà de ce dont je peux moi-même être conscient. Quand on a fait cette découverte, on comprend tout à coup que la vérité n’est pas d’abord une réalité qui se pense, qui se dit ou qui s’exprime, même si tout cela est légitime. La vérité est d’abord une réalité qui se vit, ou mieux encore que l’on laisse vivre en soi et dans nos relations avec les autres.

    Lorsqu’on laisse la vérité nous pénétrer, on apprend vraiment chaque jour à se libérer de tous les égoïsmes et de tous les conditionnements qui nous limitent et qui nous empêchent d’avoir une relation vraie avec nos compagnons de route. Je crois que c’est cela surtout que voulait nous dire Krishnamurti. C’est aussi cela que Nelson Mandela affirmait lorsqu’il parlait de libérer en même temps l’opprimé et l’oppresseur : seule la vérité peut faire une tel miracle !

    Mais revenons sur la deuxième partie de notre citation : la vérité libère et non pas « les efforts qu’on fait pour être libre. » Pourquoi cette constatation ? Parce que les efforts qu’on fait pour être libre sont en général par opposition aux autres. Lorsque je sens que l’autre m’empêche d’être moi-même, qu’il limite ma liberté, voilà que je fais de violents efforts pour me dégager de son emprise, de la prison dans laquelle je me sens, pour essayer de me trouver finalement libre, mais sans jamais y parvenir. Car la liberté acquise tout seul dans mon coin ou avec seulement quelques « amis fidèles qui me comprennent », mais en réaction avec tout le reste de la société, n’est qu’un piège, une prison encore plus forte que la précédente, où je suis en train de m’enfermer pour toujours.

    La véritable liberté, celle de la véritable vérité, c’est celle qui nous laisse nous guider vers la solidarité avec les autres, vers la paix, l’unité, l’harmonie. Tout cela est tellement difficile à construire, mais il n’y a pas d’autre chemin pour y parvenir. Tous ceux qui ont essayé d’autres méthodes ont lamentablement échoué au cours de l’histoire de l’humanité.

     

    Alors bien sûr, ce projet est tellement délicat et difficile qu’il faut s’y mettre avec sagesse, avec patience, en tissant peu à peu des relations harmonieuses avec le plus de gens possible. Et c’est là qu’on apprend qu’il faut vivre avant de parler. Car, comme le dit si bien May, « toute vérité n’est pas bonne à dire, toujours et partout. » Il ne s’agit donc pas de dire la vérité, mais de la laisser grandir en nous et au milieu de nous. Alors, si nous avons découvert au moins une partie de cette vérité mystérieuse et si l’on voit sur notre visage la joie de cette découverte, ce seront les autres qui viendront nous demander notre secret et alors ce sera le moment de parler. Toute parole prématurée ne sert qu’à diviser encore plus les esprits car elle est construite sur le sable des belles idées en l’air et non pas sur le roc d’une vérité profondément vécue qui parle d’elle-même.


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