• Reflets du paradis de Martin Luther King

    « Je refuse de croire que l'être humain ne soit qu'un fétu de paille ballotté par le courant de la vie, sans avoir la possibilité d'influencer en quoi que ce soit le cours des événements. Je refuse de partager l'avis de ceux qui prétendent que l'homme est à ce point captif de la nuit sans étoile du racisme et de la guerre, que l'aurore radieuse de la paix et de la fraternité ne pourra jamais devenir une réalité. »

    « Ce qui m'effraie, ce n'est pas l'oppression des méchants, mais l'indifférence des bons. »

    Dans « les mots pour de bon » du mois de juillet, nous avons repris quelques belles citations de Martin Luther King, cet autre héros de la non-violence qui a su rendre leur dignité aux noirs sans perdre son amour pour les blancs. Comme nous le disons souvent, nous ne pourrons jamais avoir raison « contre » quelqu’un mais seulement « avec » lui. Vouloir avoir raison contre quelqu’un c’est déjà avoir tort au départ. Nelson Mandela aussi voulait libérer en même temps opprimés et oppresseurs, car il se rendait bien compte que les oppresseurs sont souvent les premières victimes de leurs idées et de leurs pratiques malfaisantes.

    Aujourd’hui, pour entrer un peu plus dans ce paradis de Martin Luther King et découvrir les reflets bienfaisants qu’il peut avoir sur nous, j’ai pensé reprendre simplement ces deux phrases citées en haut de la page. Dans cette vision des quatre verbes que je continue à proposer au lecteur, je sais que certains ont apprécié les trois premiers verbes (être, accueillir et donner), mais n’ont peut-être pas saisi toute l’importance du verbe refuser. Martin Luther King va nous aider à la comprendre.

    Il est sûr que c’est tellement beau d’accueillir et de donner, de se donner à l’autre pour être avec lui pleinement ce pour quoi nous sommes nés, nous sommes venus au monde. Mais il est vrai aussi qu’une foule d’obstacles nous empêchent presque à chaque instant, tout au long de notre vie, de parvenir à de tels sommets dans nos relations normales de tous les jours, en famille, au travail ou dans n’importe quel lieu de rencontre.

    Entre les hommes, chaque jour, se déposent des tonnes de poussière, qui vont de simples malentendus, des incompréhensions passagères, à une franche hostilité ou de la haine féroce. Tout cela ne facilite évidemment pas les relations sociales à tous les niveaux que ce soit avec les gens de notre famille, de notre milieu social, de notre pays ou avec des inconnus et des étrangers. Combien de préjugés sont aussi véhiculés par les médias qui nous font imaginer encore d’autres obstacles qui n’existent même pas, par ignorance ou simplement par peur souvent de l’inconnu.

    Les médias modernes, de la télévision à internet dans toutes ses applications les plus sophistiquées, ont renouvelé complètement notre perception du monde. Ce monde global est devenu un village ou même notre maison, notre famille. Tout cela est éminemment positif. Mais en même temps nous devons avouer que cela nous paralyse complètement. C’est vrai que le développement de la démocratie pousse les gens à intervenir un peu plus souvent dans la vie de leur pays ou même au delà, par des manifestations, des pétitions, des signatures. On sent plus qu’autrefois que le monde entier est à nous. Mais, en même temps, avouons-le, nous nous sentons bien petits, ridiculement minuscules et misérables, lorsque nous pensons un seul instant que nous sommes seulement un individu sur plus de 6 milliards d’habitants de notre planète. Cela donne évidemment le vertige et cela paralyse. Il ne nous reste plus qu’à nous installer au chaud dans notre fauteuil et à commenter de loin les évènements. Nous sommes devenus des badauds, nous passons souvent notre temps à critiquer et à nous plaindre, mais nous-mêmes que faisons-nous pour que l’humanité progresse ?

    C’est peut-être là une des grandes plaies de notre époque. Il est sans doute inutile de vouloir classifier les gens en bons et méchants. Je crois que foncièrement l’homme a au départ une grande bonté dans son cœur, ne serait-ce que par la bonté qu’il a trouvée en sa mère et en son père (normalement) au point de départ. Mais la bonté ne suffit pas. Martin Luther King est effrayé par « l’indifférence des bons. » Mais est-ce vraiment de l’indifférence ou bien plutôt, comme nous le disions, un sentiment de fatalité qui nous paralyse : que puis-je faire tout seul au milieu de 6 milliards de personnes qui ne vont certainement pas m’écouter ?

    C’est ici que notre héros se révolte : il « refuse de croire que l'être humain ne soit qu'un fétu de paille ballotté par le courant de la vie, sans avoir la possibilité d'influencer en quoi que ce soit le cours des événements. » Il « refuse de partager l'avis de ceux qui prétendent que l'homme est à ce point captif de la nuit sans étoile du racisme et de la guerre, que l'aurore radieuse de la paix et de la fraternité ne pourra jamais devenir une réalité. »

    Mais alors où est la vérité ? Serait-ce simplement une bataille de sourds entre des individus illuminés, rêveurs, utopiques, dans les nuages et d’autres réalistes, pessimistes, concrets, terre à terre et sans plus d’espoir ? Les deux auraient finalement tort et passeraient à côté de la vie sans avoir compris grand chose, ni réalisé grand chose ?

    Je crois qu’ici, si on veut bien comprendre Martin Luther King, il faut changer complètement de vision sur l’homme et l’humanité. L’homme n’est pas une fourmi ou une abeille perdue dans la multitude. L’homme n’est même pas un individu, il est une personne ; et à ce sujet il y aurait tellement à dire. Mais surtout l’homme fait partie de cette perle de la création qu’est l’humanité, qui est en soi un véritable miracle. Car chaque homme, qu’il le sache ou non, qu’il le veuille ou non, est plus qu’un seul individu anonyme perdu dans la foule. Chaque homme est déjà au départ le fruit de toute l’humanité. Chaque homme « est » l’humanité toute entière et pas seulement un petit morceau insignifiant. Ne dit-on pas d’un criminel de guerre, qui a peut-être tué seulement quelques personnes, qu’il a commis un crime « contre l’humanité » ? Rien n’est insignifiant de ce que je fais. Si je sauve un homme d’un danger, si je redonne l’espoir à mon voisin, si j’accueille un réfugié qui a tout perdu, je fais avancer l’humanité vers des temps meilleurs, que mes frères en humanité le sachent ou l’ignorent.

    Non, si nous voulons vraiment vivre notre vie, si nous voulons contribuer de tout notre cœur à un avenir meilleur pour nous et pour nos compagnons de voyage, nous devons être vraiment convaincus que nous sommes tous et chacun « l’humanité ». Et non seulement je suis l’humanité, mais l’humanité est moi-même, dans une pleine réciprocité. Nous ne pouvons pas blesser un de nos frères sans ressentir que nous-mêmes sommes blessés. Et nous ne pouvons pas donner de la joie à un seul de nos frères ou de nos sœurs, sans ressentir que nous-mêmes allons mieux, que notre vie a tout à coup toute sa signification d’être. Mystère et miracle de l’humanité qui vont bien au delà des apparences et où des gens comme Gandhi, Nelson Mandela, Martin Luther King, mais aussi chacun d’entre nous, aurons toujours notre place, notre rôle à jouer, notre pleine responsabilité, et tout cela n’est certainement pas une utopie !  


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  • Commentaires

    1
    Hayat
    Vendredi 10 Juillet 2015 à 13:41
    D'accord à 100 pour cent !
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