J’ai reçu quelques réactions intéressantes à mon article d’hier  « Tourner en rond pour se suicider ? » Les meilleurs critiques, constructives, sont venus de deux amis, l’un du Liban et l’autre de la France, et je les en remercie vivement. Je tiens à redire que ce blog n’est qu’une occasion d’échanger, de réfléchir ensemble sur ce qui nous interpelle dans la vie de tous les jours. Je ne pourrai jamais en une ou deux pages parler de manière convaincante et complète sur des sujets délicats qui demanderaient des heures de débats ou des centaines de pages écrites.

Une des critiques, commune à mes deux lecteurs, est que je n’ai pas suffisamment souligné la responsabilité des pays du Golfe dans la situation terrible du Moyen Orient. Objectivement ils ont bien raison. Mais je voudrais expliquer ici pourquoi je ne les suivrai pas entièrement dans leur raisonnement.

Il y a une première raison technique : la loi libanaise m’interdit de faire de la politique si je veux être le bienvenu dans ce pays qui a commencé à m’accueillir il y a bientôt 45 ans et je dois respecter cet état de choses. Ce n’est donc pas mon travail de dénoncer ce qui ne va pas dans la politique libanaise et dans la politique de ses principaux alliés et les pays du Golfe sont des alliés du Liban.

Mais il y a une raison bien plus profonde à mon attitude. Je vais la chercher dans l’exemple que Jésus nous a donné dans l’Evangile. A son époque les Romains dominaient  toute la région, c’était une armée d’occupation qui devait donc être souvent injuste, voire criminelle, sans respect pour la dignité des peuples vaincus... Et pourtant jamais Jésus n’a émis une critique vis à vis des Romains. Il est même allé jusqu’à leur faire du bien, comme il a fait en guérissant le serviteur du centurion. Jésus s’est fâché quelquefois, il a dénoncé des attitudes fausses ou hypocrites seulement chez les siens, ceux de « sa maison », les pharisiens, ceux qui prétendaient parler au nom de son peuple et avaient usurpé le pouvoir, ceux qui se prétendaient des « maîtres » de religion et qui trahissaient la pensée de son Père, ceux qui faisaient du temple de Dieu « un repaire de brigands ».

Quand j’étais jeune, j’ai commencé à avoir des discussions avec mon père parce que je trouvais certaines attitudes des chrétiens injustes. Mon père me répondait : « Mais tu ne vois pas ce que font les communistes ? » Quand je reviens de temps en temps en France et que je me plains auprès de mes amis de la politique française et en particulier de l’attitude de ceux qui se disent chrétiens, je m’entends  souvent répondre : « Mais tu ne vois pas ce que font les musulmans ? » Comme si les fautes et les défauts des autres devenaient une bonne excuse pour ne pas regarder en face ses propres erreurs.

Je ne suis pas un historien, ni un journaliste, je ne suis pas un homme politique qui doit répondre objectivement sur tous les sujets. Je suis simplement un homme qui croit en un avenir meilleur pour l’humanité. Je crois que nous devons nous battre d’abord positivement pour de vraies valeurs à méditer et surtout à mettre en pratique. Quelquefois il faut tout de même élever la voix et dénoncer des injustices, mais mon travail est de le faire d’abord « chez ceux de ma propre maison ». Si chacun commençait par nettoyer « chez lui », le monde se porterait mieux.

C’est pour cela que je ne critique pas directement mes amis israéliens, car je ne suis pas israélien, je ne critique pas directement mes amis musulmans, au moins en public comme dans ce blog, car je ne suis pas musulman. Mais j’ai le devoir d’aider « les miens » à prendre conscience de ce qui ne va pas chez nous. C ‘est évident qu’Israël fait du mal autour de lui, c’est évident que Daech a une politique complètement folle, ou que les pays du Golfe sont bien souvent hypocrites, mais ma mission à moi sera surtout de dire aux Français et aux occidentaux en général : s’il vous plait, arrêtez de vendre des armes à ces gens-là, travaillez pour la paix et non pas pour vos intérêts économiques ou de prestige...

Si quelqu’un se sent une autre mission, chacun a sa conscience et ses raisons, je n’ai à juger personne. Mais si nous devons faire encore une longue route ensemble, j’ai ressenti le désir  de clarifier certaines choses avant d’aller plus loin. Les remarques et les critiques positives seront toujours les bienvenues.