• « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. » (Mt 10,8)

    Comme elle est pleine de sagesse, cette petite phrase ! Elle nous ramène de nouveau au secret de l’amour : accueillir et donner. Car il est évident que nous ne pouvons pas donner si nous n’avons pas d’abord reçu. Et pour recevoir il faut accueillir de tout son cœur le don de l’autre. Et quand on a reçu ce don qui nous est arrivé gratuitement, c’est là que nous avons la liberté et la responsabilité de continuer la chaîne de l’amour en donnant à notre tour ce trésor ou au contraire d’arrêter cette circulation de l’amour en mettant de côté pour nous ce trésor et en essayant de l’enfermer égoïstement dans nos possessions. C’est là toute la différence entre une relation divine et une relation humaine qui est continuellement tentée de se replier sur elle-même…

    Mais que veut dire en fait donner gratuitement ce cadeau reçu ? Cela veut dire simplement le remettre tout de suite en circulation pour en faire profiter les autres comme nous-mêmes en avons déjà profité. Mais surtout le donner sans même attendre un remerciement. Car attendre un remerciement serait déjà vouloir posséder la réponse de l’autre, l’empêcher d’être libre de nous répondre comme il voudra et quand il voudra. Et pourquoi cette gratuité ? Parce qu’en donnant gratuitement nous devenons tout à coup comme Dieu qui ne donne pas pour recevoir ensuite, mais qui donne pour la joie de donner, pour l’amour du don et en même temps par amour pour celui à qui il donne.

    C’est finalement l’expérience d’être Dieu, d’être comme Dieu, qui ne sait jamais faire autre chose que de donner sa vie jusqu’au bout. Car il serait sinon un Dieu à moitié, un Dieu impur, un Dieu qui se laisserait conditionner par la réponse positive ou négative de l’autre. Alors que Dieu est incapable d’être autre chose que Dieu, Dieu ne peut pas faire autre chose que de nous accueillir de tout son cœur et de se donner à nous entièrement, sans réserve et sans autre intérêt que notre intérêt à nous.

    Jésus ne nous demande pas de donner pour je ne sais quel commandement moral auquel nous devrions obéir, mais pour nous faire ressentir au fond de notre cœur la liberté inouïe de donner sa vie pour la joie de la donner, pour la joie de rendre libres à son tour les autres comme nous-mêmes avons commencé à être libres…

                                        


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  • « Sur votre route, proclamez que le Royaume des cieux est tout proche. » (Mt 10,7)

    Encore une phrase toute simple, que nous avons entendue des centaines de fois et que nous écoutons sans même plus penser à ce qu’elle veut nous dire. Ah, si seulement nous commencions à nous réveiller un peu… Le Royaume des cieux « est tout proche ». Tout proche : cela veut dire qu’il est là désormais, depuis 2000 ans, à portée de main, sur le seuil de notre porte ou de notre cœur, et nous n’y pensons même pas la plupart du temps.

    Alors, pourquoi ne nous arrêtons-nous pas un instant ce matin (ou ce soir selon l’heure à laquelle chacun va lire ces quelques lignes) pour oublier le temps, nos engagements, nos activités, nos soucis et pour contempler ce « Royaume » qui est en train de nous arriver ? « Que ton règne vienne ! » demandons-nous chaque jour à notre Père. Et le voilà justement qui est venu, le paradis est descendu sur la terre. Tout est déjà résolu, pas de manière définitive, bien sûr, car nous ne sommes pas encore complètement au paradis, mais tout de même il est là et bien là.

    Le paradis n’est pas une image, une belle fantaisie poétique, un symbole ou je ne sais quoi d’imaginaire ou d’irréel. Et il ne demande pas mieux que de s’ouvrir à nous. Et Jésus nous a donné le secret, la clé pour y pénétrer : commencer à nous aimer sérieusement les uns les autres comme Lui le fait avec le Père dans l’Esprit et comme il le fait avec nous en continuant à nous donner sa vie. Ce n’est pas plus compliqué que ça, même si ce n’est évidemment pas toujours facile. Mais quand on a décidé de se laisser faire par ce paradis au milieu de nous, toute la vie change. Les obstacles que constituent les personnes qui nous dérangent ou qui nous font du mal passent au second plan. Car tout notre esprit et notre cœur sont trop occupés désormais à vivre cet amour réciproque, au moins avec les gens qui ont décidé de se réveiller avec nous… et plus rien ne nous arrêtera, car Dieu lui-même nous entraîne désormais pour continuer à proclamer sa venue à travers nous à toute l’humanité…

     


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  • Récemment, j’avais publié cette phrase de mes citations : « La pire des choses qui puisse m’arriver, c’est que le bonheur passe ici, à portée de main, et que je ne m’en rende même pas compte, que je ne le reconnaisse même pas. »

    Une lectrice me répond : « Parfois il est très difficile au bonheur de traverser entre les embûches du malheur. » Je comprends bien cette chère lectrice, mais je ne suis pas trop d’accord avec son commentaire. Cela ne veut pas dire que le bonheur soit si facile à trouver, certainement pas, mais je crois que le bonheur est totalement innocent des problèmes qu’il semble nous causer.

    Je pense que le bonheur est en effet toujours là, devant nous, derrière nous, peut-être devant notre porte ou sur le rebord de notre fenêtre, mais nous sommes trop occupés ou préoccupés à un tas d’autres choses, de pensées, d’activités plus ou moins nécessaires et utiles et nous oublions trop souvent l’essentiel.

    Je ne crois pas que le bonheur doive traverser les embûches du malheur. C’est à nous de traverser les embûches du malheur, si nous pouvons, bien sûr. En tous cas, nous ne pourrons jamais juger une personne malheureuse, car nous ne sommes pas à sa place et cela ne sert à rien de juger. Ce que nous pouvons faire, c’est seulement lui faire sentir notre réconfort et l’aider peu à peu à sortir de son malheur…

    Ce qu’on demande au bonheur c’est de continuer à exister, à être pleinement disponible quand nous avons besoin de lui et lui ne demande rien d’autre. Car le bonheur, c’est déjà cette vie incroyable qui nous a été donnée gratuitement et que nous pouvons partager. Et plus nous le partageons, plus il se multiplie, même au milieu des problèmes et des difficultés. Il faut une fois pour toutes faire l’expérience que le vrai bonheur n’est pas dépendant des circonstances faciles ou difficiles de la vie de tous les jours. Le premier bonheur sera d’abord d’aimer et d’être aimé et cela dépend de nous avant tout. Une seule personne avec qui l’harmonie est totale et le bonheur est déjà là, même si tout le reste du monde nous faisait souffrir, et chaque nouvelle personne rencontrée peut être déjà un nouveau bonheur en perspective à accueillir et à donner…


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    Ce nouveau chapitre est étonnant, surprenant, effrayant et rassurant à la fois, presque contradictoire si on prend les phrases de Jésus séparément les unes des autres en les enlevant de leur contexte. C’est le deuxième discours de Jésus après le discours extraordinaire de la montagne qui nous a tellement bouleversés. Ici Jésus s’adresse seulement à ses disciples. Le Royaume des cieux a commencé sur terre, puisque Jésus a déjà fait des disciples et cette petite semence ne mourra plus jamais. Mais ce n’est pas une petite histoire. Si l’on pense avoir trouvé en Jésus un refuge ou un remède, un repos contre les tracas du monde, c’est peut-être mieux d’aller chercher ailleurs. On dirait que Jésus jette à la face de ces pauvres disciples toute la responsabilité de cette humanité complètement perdue.

    Et le voilà qui les prépare à la bataille. C’est la bataille finale entre le bien et le mal, ce mal qui se trouve désormais partout sur la terre et qui n’épargne personne. Ce mal qui est au cœur de chaque famille et finalement au cœur de chacun d’entre nous. Car la bataille entre le bien et le mal ne va certainement pas être entre les bons et les méchants, comme on essaye encore parfois de déformer le message du Christ, car nous sommes tous des bons et des méchants quelque part.

    Et ce mal fait peur car il s’attaque à tout et à chacun et en particulier à ceux qui ont choisi de suivre le Christ. Si nous mettons ce Dieu à la première place dans notre vie, si nous l’aimons plus que notre père et tous les membres de notre famille, si nous sommes prêts à tout pour lui, nous n’aurons plus jamais la paix. « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre : je ne suis pas venu apporter la paix mais le glaive. »

    Jésus envoie donc les Douze en mission. Nous avons déjà vu cela chez Marc. Mais l’envoi des disciples en mission va prendre chez Matthieu une tout autre dimension. On y retrouve ces pouvoirs exceptionnels de guérir, de chasser les démons et même de ressusciter les morts. Mais cela ne veut pas dire que de tels pouvoirs vont leur rendre la vie facile comme par magie. « Voici que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. » « Méfiez-vous des hommes, ils vous livreront aux tribunaux et vous flagelleront dans leurs synagogues. Vous serez traînés devant des gouverneurs et des rois à cause de moi. » « Le frère livrera son frère à la mort, et le père, son enfant ; les enfants se dresseront contre leurs parents et les feront mettre à mort. Vous serez détestés de tous à cause de mon nom… » « Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre. » « Le disciple n’est pas au-dessus de son maître, ni le serviteur au-dessus de son seigneur… Si le maître de maison s’est fait traiter de Béelzéboul, ce sera bien pire pour les gens de la maison. » « Oui, je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère : on aura pour ennemis les gens de sa propre maison. »

    Mais pourquoi tout cela ? Jésus est-il vraiment venu pour entraîner l’humanité dans une guerre ? Non, bien sûr. Il est venu nous donner la vie du Ciel. Mais cette vie divine est tellement en contradiction avec le mal qui règne sur la terre que les deux ne peuvent pas se toucher sans que tout explose. On était peut-être plus tranquille dans la situation précédente. Car on s’habitue au mal, ou au moins à la médiocrité. On préfère une situation un peu triste mais apparemment plus commode à cette bataille qui ne va plus jamais nous laisser en repos.

    Mais cela n’est qu’une vision extérieure des choses. Car en fait, devant ce tableau qui pourrait nous remplir d’épouvante, Jésus réussit à nous convaincre que tout va bien se passer… pourvu que nous le suivions, bien sûr. Et il est assez étonnant de l’entendre dire et répéter tout au long de son discours qu’il n’y a aucune raison d’avoir peur. « Quand on vous livrera, ne vous tourmentez pas pour savoir ce que vous direz… » « Ne craignez pas les hommes… » « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent pas tuer l’âme… » « Est-ce qu’on ne vend pas deux moineaux pour un sou ? Or, pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille. Quant à vous, même vos cheveux sont tous comptés. Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus que tous les moineaux du monde. »

    On pourrait se demander ce qui se passe. On nous décrit une guerre sans merci, sans pitié, généralisée à toute l’humanité et on nous dit en même temps qu’il n’y a aucune raison de craindre. Mieux encore, le discours de Jésus se termine sur l’importance de donner un verre d’eau fraîche aux disciples de Jésus. La terre est en train de s’embraser de tous les côtés et Jésus veut nous rassurer avec un verre d’eau fraîche ?

    Alors, il faut relire notre chapitre de nouveau, à la lumière de tout ce que Matthieu nous a déjà fait découvrir, en particulier depuis le discours des béatitudes et la prière du Notre Père et l’on va être sidéré par la logique merveilleuse et divine qui se trouve implicitement à chaque pas où il nous entraîne…

    D’abord Jésus revient toujours sur la venue du Royaume. « Sur votre route, proclamez que le Royaume des cieux est tout proche. » Et ce Royaume, nous l’avons déjà bien connu, c’est la Trinité qui est descendue sur la terre et qui va nous accompagner à chacun de nos pas. L’Esprit Saint pour commencer : « … ne vous tourmentez pas pour savoir ce que vous direz ni comment vous le direz : ce que vous aurez à dire vous sera donné à cette heure-là. Car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous. » L’Esprit est donc déjà là avec le Père. Et le Père ne va plus cesser de nous prendre sous sa protection, comme nous venons de le lire à propos des hommes et des moineaux. Et puis, il suffit de choisir le Christ pour que le Père soit avec nous pour toujours. « Celui qui se prononcera pour moi devant les hommes, moi aussi je me prononcerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. » Ce Père que nous avons si bien appris à prier.

    Mais pour s’attacher au Père, au Fils et à l’Esprit Saint, voilà que Jésus nous demande de nouveau de nous attacher les uns aux autres. Notre salut viendra de Dieu, bien sûr, mais si nous nous mettons ensemble en cordée, si nous nous aimons les uns les autres, si nous savons nous accueillir les uns les autres en commençant par accueillir ceux que Jésus nous envoie. C’est pour cela que ce « verre d’eau fraîche » devient le symbole d’une réalité tellement importante qui va tout changer. Nous allons gagner la bataille avec Jésus, mais pas chacun tout seul dans son coin. « Qui vous accueille, m’accueille ; et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé. » On va toujours au Père en passant par Jésus et le prochain. Et alors tout devient étonnamment simple. « Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète ; qui accueille un homme juste en sa qualité d’homme juste recevra une récompense d’homme juste. Et celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, amen, je vous le dis : il ne perdra pas sa récompense. »

    Depuis le début de notre recherche sur l’Evangile, nous avons toujours pris cette clé de lecture qui parle d’accueillir et de donner et nous y revoilà de nouveau. Après ces descriptions terribles à vous faire dresser les cheveux sur la tête, voilà que Jésus nous dit tout simplement : pensez à accueillir de tout votre cœur et tout le reste vous sera accordé par surcroit. Vous serez entraînés avec moi dans le Royaume et vous commencerez à goûter à la « récompense » qui vous attend déjà en partie sur cette terre et puis ensuite au Ciel pour l’éternité. On croirait rêver et pourtant tout est bien réel. Les « perles de la Parole » que nous allons choisir maintenant pour approfondir encore la pensée de Jésus de ce chapitre 10 vous nous étonner encore un peu plus, mais lire l’Evangile et l’accueillir de tout notre être, c’est toujours passer de surprises en émerveillements !

     


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