« Mon âme exalte le Seigneur, mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur. » (Lc 1,46)

Oui, l’Evangile est d’abord « la Bonne Nouvelle », « la » Bonne Nouvelle, pas une bonne nouvelle parmi tant d’autres. C’est l’annonce pour toujours de la plus grande nouvelle, la plus grande nouveauté de toute l’histoire de l’humanité. Et elle est passée par Marie, une toute jeune fille, humble et pauvre, que Dieu a inventée pour être le lien définitif entre le ciel et la terre. Alors, quand Marie commence à comprendre vraiment ce qui est en train de se passer, elle explose de joie, littéralement. Et ces deux verbes qu’on utilise dans la traduction française, « exalter » et « exulter » et qui semblent comme un beau jeu de mots jailli pour la circonstance, parviennent à peine à exprimer l’évènement…

Marie est désormais à la fois l’épouse de Dieu et la mère de Dieu. De quoi donner le vertige ! Mais comme cette tâche extraordinaire qui lui incombe n’est pas d’abord pour elle, elle ne peut évidemment pas garder le secret pour elle seule. Même si l’essentiel de la vie de Marie va se passer ensuite dans le silence et la contemplation, au service de Jésus et en même temps de tous les hommes, elle ne peut pas se taire. Elle se sent poussée au fond de son âme et de son esprit à proclamer les merveilles de Dieu, car elle sait bien que tout cela est pour l’humanité toute entière et elle voudrait le crier tout de suite sur les toits et à l’oreille de chacun de nous, comme si elle sentait vraiment que ce privilège qui sera le sien pour toujours, c’est justement à l’humanité qu’elle le doit.

L’Evangile est une belle histoire de communion, car c’est celle de l’ouverture infinie de la communion éternelle entre le Père, le Fils et le Saint Esprit sur les hommes et les femmes de tous les temps et de tout l’univers, qui sont invités à leur tour à vivre cette communion avec Dieu et entre eux. Ce chant du « Magnificat » que Marie entonne de tout son cœur, poussée par l’Esprit qui l’a envahie, est l’invitation solennelle à chacun de nous et tous ensemble, à nous laisser pénétrer à notre tour avec Marie par cette inondation divine soudaine qui vient transformer notre monde et nous guérir de toutes nos maladies. Et c’est cela qui va faire désormais notre joie, la joie unique et définitive qui donne leur vrai sens à toutes nos autres joies passagères, à tous les heureux évènements qui illuminent les années de notre existence. Et la joie en même temps qui va nous donner le courage et la force d’affronter toutes les terribles épreuves de la vie, car cette joie, qui semble parfois complètement disparaître, sera toujours présente au fond de notre cœur, comme une divine boussole.

Et ce qui bouleverse peut-être le plus Elisabeth et Marie, c’est ce secret de l’amour de Dieu qui fait qu’il est venu à la fois pour nous sauver tous ensemble, mais qu’il aime aussi chacun de nous comme s’il était seul au monde avec lui. Elisabeth qui dit « … ce que le Seigneur a fait pour moi » et qui demande « Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? ». Et Marie qui chante : « Mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur » et qui va dire ensuite : « Le Puissant fit pour moi des merveilles. » Dieu est le Seigneur et le Sauveur personnel d’Elisabeth et de Marie, il est mon Dieu, ton Dieu, son Dieu et notre Dieu tout à la fois. Comment fait-il ce miracle ? Nous le comprendrons vraiment un jour au ciel, mais nous pouvons goûter tout cela dès maintenant, surtout quand nous nous aimons avec Jésus au milieu de nous. Car en Jésus le « moi » de chacun trouve sa place, la place magnifique que Dieu a pensée pour chacun de nous, qui est à la fois unique, mais qui n’est pas en opposition avec le « moi » des autres. Un « égoïsme » qui devient soudain permis et même désiré par Dieu car il n’est pas contre les autres, mais pour eux. On croirait rêver, et pourtant ce paradis est déjà parmi nous quand nous nous laissons tous ensemble pénétrer par toute cette « Bonne Nouvelle » !