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Le monde a besoin de moi
J’ai trouvé, il y a quelques temps cette phrase d’Omar Khayyâm (ce fameux poète persan des XIe et XIIe siècles, qui était aussi mathématicien, philosophe et astronome) qui m’a profondément choqué, jugez-en par vous-mêmes : « Avant notre venue, rien ne manquait au monde. Après notre départ, rien ne lui manquera. »
Je me suis vraiment demandé comment une personne aussi intelligente, aussi célèbre, avait pu écrire une phrase finalement tellement absurde, tellement peu inspirée que le plus ignorant des hommes serait capable de prouver le contraire.
C’est toujours notre discours à propos du regard sur les personnes, les évènements et les choses qui conduit au néant lorsqu’on regarde tout de l’extérieur, et qui conduit à la surprise, à la contemplation, à l’émerveillement lorsqu’on regarde toutes ces réalités de l’intérieur.
Notre poète parle du monde. Mais qu’est-ce que le monde ? Notre globe terrestre avec ses étendues de terre et d’eau ? L’histoire des peuples de l’humanité qui depuis toujours se font la guerre et, si le monde a un peu changé maintenant, qui se font toujours la guerre, mais par personnes interposées, en essayant de se mettre à l’abri et d’envoyer les autres se faire massacrer pour eux ? C’est cela le monde ? Un monde qu’on peut aussi regarder d’un avion et qui nous semblera rempli de fourmis qui marchent de tous les cotés sans savoir ce qu’elles font ?
Mais comment comprendre le monde du dehors ? Comment comprendre que celui-ci est joyeux et celui-là est triste, si on ne s’approche pas de la réalité pour pénétrer en elle. Le monde, tel que l’humanité l’a peu à peu découvert est extraordinaire pour deux raisons. D’abord parce qu’il est infiniment riche, varié, complexe. Mais en même temps parce que chacun de nous, par son esprit et son cœur est lui aussi tout seul un monde en lui-même qui, par son intelligence et sa perception de toutes les réalités a conscience de cette richesse, de cette variété et de cette complexité. Imaginez que nous soyons entourés de richesses de ce genre, mais que personne ne s’en rende compte. Ce serait comme une maîtresse de maison qui ferait sans cesse des plats succulents aux mille variétés dans sa cuisine, mais que personne ne viendrait jamais goûter…
Ce qui est grand dans notre monde, c’est donc sa grandeur et en même temps la conscience de sa grandeur. Et cette conscience est au cœur de chaque homme et de chaque femme, s’ils sont des personnes normales. Chacun de nous est un monde, chacun de nous est en quelque sorte un centre du monde, heureux de voir le monde tourner autour de lui. Alors venir nous dire que notre venue au monde et notre mort n’auront rien changé, c’est ignorer complètement que notre venue au monde a au contraire tout changé pour notre famille et évidemment pour nous et que notre mort sera elle aussi une étape qui va nous bouleverser quand elle s’approchera et qui va complètement bouleverser tous ceux qui nous aiment ou au moins nous connaissent.
La plus grande découverte que peut faire un homme en grandissant c’est qu’il est important en lui-même et qu’en même temps tous les autres, chacun et chacune des autres, sont au moins aussi importants que nous. Alors notre apparition comme notre disparition vont évidemment toucher beaucoup de monde, comme elles vont nous toucher nous-mêmes au plus profond. Chaque personne est un mystère lié à d’autres mystères dont les racines et les ramifications profondes ont des liens avec toute l’humanité. C’est comme une pierre jetée à la surface d’un lac et qui commence à faire des ondes qui peuvent s’élargir sur des centaines et des centaines de mètres.
Chacun de nous a raison de penser que sa seule présence est déjà un cadeau pour ceux qu’il aime et ceux qui l’aiment, car c’est cela qui fait le sel ou le piment de notre existence humaine : cette symphonie parfois harmonieuse, parfois pleine de confusion que nous contribuons à faire naître e à se développer entre toutes les personnes que nous rencontrons du matin au soir, à la maison, au travail, dans la rue ou dans les cercles d’amis. Et chacun est ainsi le centre d’un monde qui tourne autour de lui et en même temps la périphérie d’un monde dont il n’a jamais été la racine, mais dont il peut être maintenant une fleur ou un fruit. Qu’elle est belle notre humanité, malgré tout ce qui va si mal en elle, car elle a même la capacité transformer le mal en elle et les obstacles, en raisons de s’unir et de se dépasser qui font que non seulement notre monde est grand aujourd’hui car il se répand partout, mais il est en même temps capable d’inventer chaque jour un peu plus le sens de sa propre identité. De quoi nous donner le vertige, mais un beau vertige qui nous pousse à chercher chaque jour un peu plus la clé de notre mystère !
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